Le père de la parabole du fils prodigue

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Figure du Dieu révélé en Jésus-Christ

Rembrandt a cherché à exprimer par le biais du magnifique tableau « Le retour du fils prodigue » ce qu’il intuitionnait de l’âme du père, et par le fait même du cœur de Dieu. L’amour de Dieu est toujours premier. C’est le grand mystère de la foi chrétienne. Avant tout, c’est Dieu qui me choisit et me cherche.

Cet article a été rédigé à partir de l’ouvrage « Le retour de l’enfant prodigue » (p. 111-136) de Henri Nouwen, Éditions Bellarmin, 1995, 177 p. ainsi que « L’homme existe-t-il? » (p. 39-83) de Maurice Zundel, Éditions du Jubilé, 2004, 263 p.

N.B. Veuillez vous référer à la parabole en fin d’article.

Introduction

Père de la paraboleQui est le père de la parabole du fils prodigue, figure du Dieu révélé en Jésus-Christ?

Rembrandt a cherché à exprimer par le biais du magnifique tableau « Le retour du fils prodigue » ce qu’il intuitionnait de l’âme du père, et par le fait même du cœur de Dieu.

La vie tout entière du peintre l’a conduit à approfondir le mystère de l’amour de Dieu.

Henri Nouwen pour sa part, a été tellement séduit par ce qui se dégageait du chef-d’œuvre de Rembrandt, que la contemplation de ce tableau constitua le point de départ d’une intense recherche spirituelle.

Les lignes qui suivent cherchent à exprimer les principales intuitions de Rembrandt et de Nouwen à propos du Dieu-Père, pour finalement parler de la liberté selon Maurice Zundel, fruit de la rencontre du Dieu intérieur.

Un amour qui comprend

Le père comprend l’égarement des hommes et des femmes de tous les temps et de tous les lieux. (Nouwen, p. 118)

Il connaît avec une compassion immense la souffrance de ceux qui ont choisi de quitter la maison, bref, qui ont choisi de quitter le cœur de leur être.

Combien il aurait aimé les convaincre que c’est à la maison qu’ils pourraient trouver ce qu’ils cherchent de tous côtés, afin de leur éviter maintes blessures. Le père désire que ceux qui restent à la maison jouissent de sa présence et expérimentent son affection. (Nouwen, p. 118)

Seulement, l’amour du père ne peut ni forcer ni contraindre. L’être humain est libre de rejeter cet amour ou d’aimer en retour.

Une autorité de compassion

Père et filsLe père est à l’instar d’un « médecin blessé ».

L’égarement de ses enfants (cupidité, envie, ressentiment, jalousie, vengeance…) lui perce le cœur. Si le chagrin du père est si profond, c’est en raison de la pureté de son cœur.

De ce lieu intérieur où l’Amour embrasse toute souffrance humaine, le père tend les bras vers ses enfants, à l’instar du tableau de Rembrandt. Des mains du père se dégage une lumière intérieure qui ne cherche qu’à guérir. (Nouwen, p. 119)

Pour être complète, la joie du Dieu-Père est garante du retour de ses enfants.

Un Dieu de miséricorde et de bénédiction

Mais du pèreLes mains du père constituent le véritable centre du tableau de Rembrandt. C’est sur elles que toute la lumière est concentrée.

En elles, la miséricorde se fait chair; par elles, le pardon, la réconciliation et la guérison s’opèrent, et grâce à elles, non seulement le fils fatigué, mais aussi le père épuisé trouve le repos. (Nouwen, p. 120)

Ces mains nous soutiennent depuis notre naissance, nous offrent la consolation dans les épreuves et nous accueillent suite à notre égarement.

Ces mains sont les mains de Dieu.

Ces mains sont également celles de toutes les personnes que Dieu inspire et qui nous font vivre.

Un Amour qui est premier et qui me cherche

L’amour de Dieu est toujours premier. C’est le grand mystère de la foi chrétienne. Avant tout, c’est Dieu qui me choisit et me cherche.

De toute éternité, je suis caché « à l’ombre de sa main » et « gravé dans sa paume ». (Is 49,2-16) (Nouwen, p. 131)

Cela peut surprendre, mais Dieu désire me trouver encore plus que je désire le trouver.

En raison de son amour pour moi, il a en quelque sorte autant besoin de moi que j’ai besoin de Lui. (Nouwen, p. 133)

Dieu n’est pas le patriarche assis confortablement qui attend que ses enfants viennent à lui. Il quitte la maison et court devant eux à leur recherche.

Puis-je croire et accepter que je vaux la peine d’être cherché?
Puis-je croire et accepter qu’il y a un désir réel en Dieu d’être simplement avec moi?

Le cœur de mon combat spirituel

L’ultime combat réside à ne pas me rejeter et me mépriser.

C’est une bataille féroce, car des forces, en moi comme autour de moi, cherchent à me convaincre que je suis sans valeur, que je suis inutile et négligeable. (Nouwen, p. 133)

Le véritable péché, là où nous faisons fausse route, est de nier l’amour premier de Dieu pour nous et donc à ignorer notre bonté originelle. (Nouwen, p. 134)

Comme le disait Henri Boulad, il n’y a pas d’opposition entre foi en Dieu et foi en soi. La foi est l’énergie la plus grande qui puisse exister dans notre vie. Dieu m’habite, fondement de ma valeur et de ma dignité.

S’appuyer sur l’amour premier de Dieu, c’est retrouver contact avec notre vrai moi.

Toute la vie et la prédication de Jésus n’avaient qu’un seul but : révéler cet amour inépuisable, illimité, maternel et paternel de Dieu, et montrer le chemin pour que cet amour guide chaque pas de nos vies quotidiennes. (Nouwen, p. 135)

Une expérience libératrice fondement de ma valeur

Dans l’ouvrage intitulé « L’homme existe-t-il? », le prêtre et mystique Maurice Zundel souligne le fait que, selon le psychiatre Angelo Hesnard, l’être humain aspire que sa valeur soit reconnue. Il y voit même le ressort ultime du psychisme humain : se croire utile et irremplaçable.

Maurice Zundel est d’accord avec cette affirmation, cependant, il insiste sur l’importance de fonder la valeur de l’être humain par une conversion, plus précisément par un passage du « donné au don, de quelque chose à quelqu’un, du mot-robot au moi-oblatif ».

Pour ce faire, la rencontre avec l’Amour qui nous habite est un incontournable.

Zundel aime citer saint Augustin, qui dans ses Confessions, témoigne de l’expérience libératrice, fruit de la rencontre avec cet au-delà au-dedans qui nous habite tous :

« Tard, je t’ai aimée. Beauté si antique et si nouvelle, tard je t’ai aimée. C’est que tu étais dedans et moi dehors où je te cherchais, en me ruant sans beauté vers ces beautés que tu as faites. Tu étais avec moi, mais moi je n’étais pas avec toi. »

La similitude avec la parabole du fils prodigue est frappante.

Être « loin de la maison du père », c’est en d’autres termes vivre à l’extérieur de soi et être coupé de cette Beauté plus intime à moi-même que moi-même, qui est à la fois « Personne et Amour », et où la découverte ne fait qu’un avec notre intimité, notre fécondité et la libération de notre moi captatif. (Zundel, p. 48)

La rencontre du vrai Dieu est gage de libération, car elle fonde notre nouveau moi, oblatif cette fois-ci, gage de notre valeur véritable.

Parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32)

Jésus dit encore :

« Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.

Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.

Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin.

Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.

Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.

Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.”

Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.

Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.”

Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait.

Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.”

Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier.

Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras!”

Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
Il fallait festoyer et se réjouir; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé !” »

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