L’incarnation? Ce n’est pas Dieu qui descend du ciel sur une terre où il était absent, c’est plutôt une humanité qui devient présente à Dieu, un Dieu qui pour sa part est éternellement présent. Maurice Zundel le dira à maintes reprises : nous sommes appelés à devenir « transparence de Dieu ».
Cet article a été rédigé à partir de l’ouvrage « La fragilité de Dieu selon Maurice Zundel – Du Dieu du Moyen Âge au Dieu de Jésus-Christ » (p. 67-83) par Ramón Martínez de Pisón Liébanas, Éditions Bellarmin, 1996, 194 p.
L’Église affirme depuis son origine que Jésus-Christ est sauveur.
Qu’est-ce à dire? En quoi avons-nous besoin d’être sauvés?
Jésus-Christ : un homme libre qui manifeste le visage de Dieu
Le Premier Testament révèle une constante : Dieu est à l’œuvre pour le salut de son peuple, il désire que son peuple vive.
Pour les chrétiens, « Jésus-Christ est celui en qui le don du salut, amorcé dès la création du monde, arrive à son accomplissement ». (p. 79)
Plus précisément, Jésus révèle par son être, ses paroles et ses gestes que la vraie vie consiste dans la générosité du don à l’instar du Dieu trinitaire.
Alors que l’être humain a tendance, et ce dès sa naissance, à être centré sur lui-même, enfermé dans une psychologie qui a malheureusement le pouvoir de traiter les autres comme des moyens plutôt que comme des fins, Jésus ressuscité pour sa part, attire l’humanité dans la vie de Dieu par la puissance de son Esprit.
« Ma vie c’est le Christ », disait St-Paul.
Par l’union avec le Christ, St-Paul entra dans la psychologie de Dieu si l’on peut dire, dans une vie beaucoup plus riche que celle accessible par nos seuls moyens.
À la suite de saint Irénée, Athanase comme d’autre Pères de l’Église disait « Dieu s’est fait homme afin que l’homme soit fait Dieu ».
Le salut est l’entrée dans la vie de Dieu, dans une vie qui trouve son bonheur dans la joie du don.
Le salut? c’est pour aujourd’hui
Il fut un temps (et cette manière de voir est encore présente dans certaines traditions religieuses) où l’on voyait la vie ici-bas à l’instar d’un « test » en vue de recevoir la vie éternelle qui viendrait après la vie terrestre.
Or dans le christianisme bien compris, le salut apporté en Jésus-Christ n’est pas un salut qui se limite à l’au-delà de la mort : c’est un salut qui s’amorce dès maintenant.
Naître à la vie en Dieu, naître à son vrai moi, c’est pour aujourd’hui.
« Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut. »
(2 Co 6,2b)
À ceux qui demandaient à Maurice Zundel, « Y a-t-il une vie après la mort? », celui-ci répondait que la vraie question n’est pas tellement de savoir s’il y a une vie après la mort que de savoir si je serai vivant avant la mort. La nuance est de taille.
Pour Zundel, Celui qui nous sauve ne le fait pas dans un temps à venir et depuis un ciel éloigné.
Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu qui partage notre vie et qui est engagé là où l’être humain essaie de devenir plus libre, plus authentique et plus vrai. (p. 80)
L’être humain est appelé à découvrir sa valeur véritable : une valeur qui se manifeste par l’amour, donc par le don de soi, à l’image du Dieu révélé en Jésus-Christ. (p. 80)
La liberté authentique est la seule à pouvoir créer un espace d’accueil, en réponse au don infini de Dieu qui suscite le nôtre.
La croix, symbole par excellence de la vie qui se donne, manifeste le fondement divin de la valeur humaine.
Jésus manifeste, dans le don de sa vie jusqu’à la croix, la valeur infinie de l’être humain devant Dieu. (p. 81-82)
L’incarnation : d’hier à aujourd’hui
Maurice Zundel affirme que l’être humain a une vocation toute particulière : accoucher de Dieu, par sa vie, dans le monde d’aujourd’hui. (p. 69)
Étonnante vocation : Dieu a besoin de nous pour se dire au monde. (p. 69)
L’incarnation? Ce n’est pas Dieu qui descend du ciel sur une terre où il était absent, c’est plutôt une humanité qui devient présente à Dieu, un Dieu qui pour sa part est éternellement présent. (p. 71)
« En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » (Jn 1,4-5)
La Parole de Dieu n’est pas un téléphone céleste à l’instar d’un absolu qui tomberait du ciel : c’est un dialogue, c’est un rapport interpersonnel qui doit trouver une correspondance dans notre manière de vivre. (p. 68-69)
Maurice Zundel le dira à maintes reprises : nous sommes appelés à devenir « transparence de Dieu ». (p. 68)
Jésus-Christ? C’est Dieu pleinement manifesté.
Dieu nous parle et cherche à nous rejoindre dans chaque situation où nous nous trouvons, afin de nous faire progresser dans la connaissance et l’amour. (p. 69)
Dans la mesure où nous nous ouvrons à son action, nous entrons dans le salut, nous devenons une personne au sens plein du terme, nous devenons libres. (p. 73)
« D’une certaine manière, tous les prophètes, tous les sages, tous les génies, tous les héros constituent une sorte d’incarnation de Dieu, c’est-à-dire que Dieu, d’une certaine façon, se rend présent à travers eux. » Ainsi, le salut de Dieu se manifeste dans le monde de différentes manières, affirme Maurice Zundel. (p. 75)