Thérèse d’Avila – Une vie spirituelle et apostolique exceptionnelle. Une femme de foi, de courage et de réforme dans l’espérance d’un monde plus près de l’Évangile et plus en service d’amour à la manière du Christ.
Présentation
Thérèse d’Avila (1515-1582) – Une vie spirituelle et apostolique exceptionnelle.
Ses origines
« Teresa Sanchez de Cepeda y Ahumada », voilà le nom espagnol de cette religieuse des années 1500.
Fille de noblesse née à Avila en Espagne, elle est la troisième enfant issue du second mariage de son père. Sa vie sera marquée par une profonde relation d’intimité avec Dieu et par un désir de réformer la vie religieuse des sœurs carmélites cloîtrées. Elle sera femme d’action, de prière et d’écriture.
Elle marquera pour toujours la vie spirituelle de l’Église en réussissant à nommer de façon très claire et exceptionnelle sa relation à Dieu dans l’oraison, la méditation et la contemplation. Plusieurs de ses écrits sont encore aujourd’hui des phares de la vie spirituelle chrétienne : Le chemin de perfection, Le château de l’âme ou le livre des demeures, Vie écrite par elle-même, etc…
Le contexte historique
Thérèse vit en Espagne durant les années 1500. En Europe la Réforme bat son plein. Cependant la situation de l’Espagne est différente. Pendant près de huit siècles le sud de ce pays a été sous la domination des Musulmans appelés les Maures. En 1492, à la bataille de Grenade les troupes de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille réunies chassent les Maures.
L’Espagne vit donc une unification sous l’étendard de la foi catholique. Un renouveau théologique important va naître dans les grandes universités comme Salamanque et Alcalà. On voudra défendre la foi avec conviction. Il y aura aussi un grand sentiment de dévotion populaire avec le développement des pèlerinages. Le pays vivra un temps de paix propice à une plus grande conscience et augmentation de la ferveur religieuse.
Le pays connaît donc un temps de conversion et de renouveau. Thérèse vivra les mêmes réalités.
20 ans de tiraillement
Thérèse est une femme fort jolie et très intelligente. On dirait aujourd’hui qu’elle avait du charisme. Elle savait capter l’attention des gens autour d’elle. Elle savait être mondaine. Elle portait de beaux bijoux, se paraît de robes riches et voyantes.
Elle possédait avec brio l’art de bien faire la conversation ce qui était bien vu à cette époque. Pour une femme, elle savait prendre sa place et toute sa vie, elle la prendra!
Jeune, elle était très romantique mais elle montrait un caractère fort et des convictions assez absolues. Ainsi, elle entra dans un couvent en voulant se donner à Dieu tout en conservant les attraits du monde. À ce moment-là, les couvents ne connaissaient pas de clôture et on y venait faire parloir pour causer et rencontrer les religieuses.
On imagine assez bien les tentations de mondanités que cela pouvait offrir à une jeune et belle demoiselle courtisée par les jeunes galants de l’époque. Thérèse se sentait donc tiraillée, en proie à des questions et angoisses au sujet de sa vie religieuse et de son authenticité. Ce combat entre Dieu et le monde dura quelques années. Je trouve cela bien d’actualité encore aujourd’hui.
Dans sa Vie écrite par elle-même au chapitre huitième on peut lire :
« Ma vie était si imparfaite…. je ne goûtais pas les joies de Dieu, et je ne trouvais pas de contentement dans le monde… Lorsque je me trouvais au milieu des contentements du monde, je m’en attristais au souvenir de mes obligations envers Dieu. Lorsque je me trouvais avec Dieu, les affections mondaines me troublaient. » Et elle ajoute qu’elle passa près de vingt ans sur cette mer orageuse.
Une femme de réforme et d’action
Après sa conversion complète (1554) à l’amour de Dieu, elle s’engagera dans une réforme des couvents avec une clôture pour éloigner les mondanités et un costume pour que toutes les religieuses soient égales entre elles et que l’on ne devine pas leur provenance sociale. Toute en Dieu et pour Dieu. À l’origine de leur mise en route, ces moyens pour cloîtrer la vie religieuse n’avaient rien de symbolique!
Thérèse sera donc une importante réformatrice de la vie dans les couvents de carmélites. Elle fera la rencontre de saint Jean de la Croix qui réformera, pour sa part, la vie des carmes. Tous deux favoriseront par leur vie et leurs écrits le renouveau de la vie contemplative dans l’Église.
Elle a fondé près de trente couvents à travers toute l’Espagne. Elle leur donnera la consigne de devenir des lieux de silence, avec une clôture stricte, en y menant une vie de pauvreté, de pénitence et de prière. Elle demandera à ses sœurs de prier pour les prêtres et les théologiens, ceux qui ont à défendre l’Église.
Elle écrira Le chemin de la perfection pour expliquer aux religieuses comment accéder à cette voie parfaite qui mène à la sainteté par la vie religieuse. Ce livre est également un traité sur la prière et la vie spirituelle pour les laïcs!
Je souligne qu’elle souffrait de rhumatismes sévères et on imagine les conditions de transports de cette époque… Quelle femme de courage!
On le voit clairement, elle fut femme d’action.
Une femme de prière
Thérèse a écrit beaucoup sur le sujet de la prière et de la rencontre avec Dieu.
De par son expérience personnelle, elle est allée très loin dans cette relation d’intimité avec Dieu. Elle donne un définition très simple et juste de la prière :
« L’oraison mentale n’est à mon avis qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient seul à seul avec Dieu dont on se sait aimé » (Vie écrite par elle-même chap. VIII)
Pour elle, la prière est une simple conversation avec Dieu où la personne entretient Dieu de ce qui lui arrive avec une grande simplicité. Elle parle même des difficultés que nous avons parfois à demeure en présence de Dieu lors de nos prières. Par exemple, elle écrit dans le chemin de perfection :
J’ai aussi souffert de longues années cette épreuve de ne pouvoir fixer mon esprit sur un sujet durant l’oraison, et c’est très pénible… mais je sais aussi que le Seigneur ne nous laisse pas dans un tel état d’isolement. Il nous tient compagnie si nous le Lui demandons humblement. (chap. XXVI)
Une femme qui a puisé au cœur de sa propre vie pour nous donner des conseils sur notre façon de prier. Elle est vraiment un maître spirituel.
Une grande mystique
Une personne mystique est quelqu’un que Dieu visite de façon particulière et établit avec celle-ci une intimité particulière. Cela peut prendre la forme de visions, d’extase ou de ravissement. Bref, la personne quitte quelques moments le monde ordinaire pour se retrouver « comme en Dieu ».
Prenons une comparaison bien imparfaite. Lorsque je vais au cinéma, si le film me passionne, vient un moment où je deviens complètement pris dans le film, en oubliant qui je suis, où je suis, pour ne plus vibrer qu’aux émotions de l’actrice ou de l’acteur.
Une extase mystique est quelque chose du même ordre quoique infiniment plus profond. Dans sa Vie écrite par elle-même elle raconte une expérience mystique :
« Je voyais donc l’ange qui tenait à la main un long dard en or, dont l’extrémité en fer portait, je crois, un peu de feu. Il me semblait qu’il le plongeait parfois au travers de mon cœur et l’enfonçait jusqu’aux entrailles. »
Thérèse d’Avila a reçu de telles grâces. Ce sont des dons de Dieu…
Ces moment privilégiés aident un âme à mieux nommer la présence et l’amour de Dieu dans une vie. Cela a permis à Thérèse de bien parler de la contemplation de Dieu et des conditions pour y arriver et de la maintenir si elle survient. Cela constitue l’essentiel de son livre : Le château de l’âme ou le Livre des demeures.
« On peut considérer l’âme comme un château qui est composé tout entier d’un seul diamant ou d’un cristal très pur et qui contient beaucoup d’appartements ainsi que le ciel qui renferme beaucoup de demeures. » (chap. I)
Elle divisera la visite en sept demeures :
- Il y a les demeures des commençants (1ère et 2e) ou de la voie purgative. Ce sont les personnes qui débutent dans la vie spirituelle et qui ont besoin de silence, de sacrifices et d’être aidés par les autres pour soutenir leur prière et leur désir de transformer leur vie en laissant plus de place à Dieu. Ils sont encore sous l’emprise des vanités du monde et entrevoient le monde spirituel.
- Puis il y a les demeures des progressants (3e et 4e). Ce sont les personnes qui ont acquis une certaine régularité dans la prière et qui sont visités par Dieu maintenant que les mondanités n’ont plus le dessus sur leur vie. Ils prient avec plus de facilité et d’intensité et goûtent mieux les fruits spirituels de consolation et reçoivent des lumières intérieures. Ils passent de doux moments avec Dieu.
- Puis finalement il y a les demeures des parfaits (5e, 6e et 7e). Ce sont les âmes qui reçoivent des grâces d’union complète à Dieu. Moment de pur amour, d’union parfaite. Elles vivent un comme mariage mystique. Grâce très spéciale qu’a reçu Thérèse d’Avila, en 1572.
Ce livre est un grand traité de théologie mystique et en montre les étapes, les grandeurs, les difficultés et les pièges. Un monument dans la littérature de la spiritualité chrétienne.
Une femme de sagesse
Une prière de Thérèse résumera à la fin de l’article un peu la vie de cette femme exceptionnelle. Une femme en avance sur son temps. En 1500, elle insiste sur la connaissance de soi. Elle parle en « je » de son expérience mystique et prend un leadership au niveau de ses fondations à la manière des hommes de son temps.
Une femme de foi, de courage et de réforme dans l’espérance d’un monde plus près de l’Évangile et plus en service d’amour à la manière du Christ.
Elle donne au chapitre IV du Chemin de la perfection les conditions pour réussir une vie religieuse et je dirais pour réussir une vie tout court : « La première, c’est l’amour que nous devons avoir les uns pour les autres; la seconde le détachement de toutes les créatures; la troisième la véritable humilité… »
Une femme qui a pris sa place dans une Église totalement dominée, à l’époque, par les hommes et les prêtres. Elle y a nommé son expérience de Dieu et a vécu ses rencontres mystiques avec humilité, vérité et charité.
Un véritable maître spirituel
Un cadeau de Dieu à l’Église pour toutes les époques; ses écrits demeurent en effet d’une actualité brûlante, surtout Sa vie écrite par elle-même.
Je termine en présentant une courte prière qui peut nous donner sagesse et sérénité en ces temps parfois lourds :
Que rien ne te trouble
Que rien ne t’effraie
Tout passe
Dieu ne change pas,
La patience obtient tout;
Celui qui a Dieu
Ne manque de rien
Dieu seul suffit.
Suggestions de lecture
Thérèse de Jésus, Oeuvres complètes de Thérèse de Jésus, Seuil, 1949, Paris.
Emmanuel Renault, Ste thérèse d’Avila et l’expérience mystique, coll. Maîtres spirituels, No 38, Bourges, 197.