Dans les églises du Québec, pour peu qu’elles datent d’avant 1940, vous avez de bonnes chances de trouver une statue de saint Antoine de Padoue grandeur nature. Comment expliquer ce phénomène, sinon par la réputation que le « saint aux miracles » s’est acquise?
Dans les églises du Québec, pour peu qu’elles datent d’avant 1940, vous avez de bonnes chances de trouver une statue de saint Antoine de Padoue grandeur nature.
Comment expliquer ce phénomène, sinon par la réputation que le saint s’est acquise au chapitre des recouvrements d’objets perdus? Et cet engouement n’est pas exclusif au Québec. On trouve ailleurs le même attachement – entre autres, en France, en Belgique et au Liban.
« Vous cherchez un ou une fiancé(e) ? – demande le pape François. Priez saint Antoine de Padoue! »
Vu sa grande prodigalité, « le saint aux miracles » a vu avec les siècles diversifier son patronage.
Il est devenu le protecteur des marins, des naufragés, des prisonniers, des personnes âgées, des femmes enceintes, des nécessiteux, etc. Au Québec, n’est-il pas le patron des pilotes sur le fleuve?
Et une bonne dizaine d’églises paroissiales se sont réfugiées chez nous sous son aile : la co-cathédrale de Longueuil, par exemple, ou l’impressionnante église à l’intérieur marbré de Louiseville, sans oublier au Lac-Bouchette l’Ermitage Saint-Antoine tenu par les frères capucins depuis 1927.
De son vrai nom Fernando Martins de Bulhöes, notre héros, le croirez-vous, n’est pas Italien, mais Portugais.
Il naît en 1195 à Lisbonne, d’une famille de noblesse militaire dans la descendance de Charlemagne. Mais il vit son enfance surtout à Coïmbre, la capitale de l’époque.
À quinze ans, épris de spiritualité, il entre chez les Ermites de Saint Augustin pour une vie consacrée à l’étude et à la prière.
Il fréquente dans son pays les hauts lieux de spiritualité chrétienne. Doué d’une mémoire phénoménale, sa connaissance de la Bible atteint des sommets. Puis en 1220, il est ordonné prêtre.
La même année, il assiste au rapatriement des martyrs du Maroc, des franciscains cruellement assassinés en pays musulman. L’événement le touche au plus profond.
Il quitte la vie contemplative pour embrasser la vie active des franciscains avec la ferme intention de relancer la mission discontinuée. Mais une fois au Maroc, un grave problème de santé l’oblige à renoncer.
Le chemin du retour, par la force des vents, l’envoie en Sicile plutôt que sur la côte portugaise, ce qui fait qu’il assume sa convalescence à Messine avant de passer en Italie du Nord, où, chanceux, il participe le 30 mai 1221 à ce qui sera le dernier Chapitre plénier franciscain rassemblé à Assise auprès du frère François par le frère Élie, vicaire général.
Antoine besogne l’année suivante dans un monastère plus au nord et voit à l’entretien des lieux.
Or, à l’ordination sacerdotale de douze de ses confrères à Forli auquel il assiste, on lui demande illico de remplacer l’homéliste qu’on avait par malentendu omis de recruter.
C’est alors que l’auditoire découvre dans le discours de ce petit bonhomme de rien du tout un maître de doctrine et un orateur tout à fait hors de l’ordinaire.
L’assistance n’en revient pas. C’est le début chez le petit frère d’une brillante carrière d’orateur sacré, renforcée chemin faisant, grâce à la complicité divine, d’un don des miracles comme il ne s’en trouve pas.
Il enseigne quelque temps à l’Université de Bologne, puis on l’envoie au sud de la France à Toulouse et à Montpellier avec mission d’arraisonner les cathares, ces sectaires particulièrement agressifs, dont l’action menace la foi du peuple de Dieu.
Antoine multiplie les sermons; il les illustre de nombreux miracles, ce qui, bien entendu, attire l’attention.
La sainteté de sa vie ne laisse pas le public indifférent non plus. C’est au point que son action provoque d’importantes conversions, y compris parmi les cathares.
Après avoir été moins d’un an provincial à Limoge, on le retrouve à Brive-la-Gaillarde plus au sud pour y fonder un nouveau poste.
C’est d’ailleurs près de là qu’il découvre un jour comme par miracle, au creux d’une caverne, le précieux manuscrit qu’on lui avait volé et qu’il désespérait de ne jamais retrouver. C’est de cet incident, sans doute, que lui vient sa réputation concernant les objets perdus.
Après la mort à 44 ans de saint François en 1226, Antoine revient en Italie du Nord.
Tout en maintenant son ministère de la Parole, il occupe le poste de provincial jusqu’en 1230.
Il demeure quelque temps à Padoue où il est très apprécié, puis, la même année, il participe au Chapitre général de son Ordre à Rome. L’occasion lui est alors donnée de fréquenter le pape Grégoire IX, qui se l’attache un moment comme conseiller spécial.
Au printemps suivant, il entreprend – c’est une première – de prêcher le carême en entier, ce qui s’avère un dur labeur qui finit par l’épuiser au point de précipiter sa fin prochaine. Il demande alors de revenir à Padoue pour y mourir.
Porté par ses confrères, il rend l’âme le 13 juin 1231 un peu avant d’entrer dans la ville. Il avait 36 ans. Sa vie active a duré un peu moins de dix ans.
Padoue recueille son corps, célèbre sa mémoire et lui édifie un imposant sanctuaire.
Encombré des dossiers d’une quarantaine de miracles attribués au thaumaturge, Grégoire IX n’hésite pas à le canoniser le 30 mai 1232, moins d’un an après sa mort. Pie XII en 1946 le déclare Docteur de l’Église. Il est l’un des saints les plus populaires du calendrier liturgique. On célèbre son nom le 13 juin de chaque année.
La plupart des statues qu’on rencontre de saint Antoine de Padoue le représente avec l’Enfant Jésus dans ses bras juchés sur un livre. On peut se demander pourquoi.
En fait, cette représentation réfère à un rêve qu’aurait vécu le saint l’amenant à converser une bonne partie de la nuit avec l’Enfant-Dieu.
Un de ses confrères aurait été de quelque manière témoin de l’événement. Il convient ici d’ajouter que saint Antoine aimait beaucoup les enfants.