La communauté est une condition préalable à toute évangélisation et à toute catéchèse. Sans communautés vivantes qui témoignent de l’Évangile, l’éveil et l’éducation de la foi sont pratiquement impossibles.
Les communautés paroissiales revêtent sans doute des formes multiples et possèdent des organisations pastorales diversifiés, mais elles ont toutes comme mission d’annoncer Jésus Christ et son Évangile et de susciter des communautés où la foi est vécue, approfondie et célébrée. Leurs membres sont appelés à s’engager de quelque façon dans le champ de la mission évangélisatrice confiée par le Seigneur à son Église.
Annoncer Jésus Christ et son Évangile
L’originalité du Dieu de Jésus-Christ
L’Évangile est, selon son étymologie, une Bonne Nouvelle. Dans un premier temps, on peut certes affirmer que l’Évangile est en soi une bonne nouvelle pour l’humanité. L’enseignement de Jésus relu par les évangélistes à la lumière de la résurrection est un message radicalement nouveau et porteur de vie.
Jésus a révélé un nouveau visage de Dieu dans ses rapports avec les êtres humains; un Dieu qui aime d’un amour inconditionnel tous et chacun, qui est présent à leur difficulté, à leur souffrance, à leur combat, mais qui est aussi partie prenante de leur aspiration au bonheur, à la justice, à l’amour… Jésus s’est adressé à Dieu en lui disant « abba », père, ou plus exactement « papa » et il a invité ses disciples à partager son intimité avec Dieu et à se considérer comme fils et filles du Père.
Un Dieu du côté de l’être humain
Jésus a aussi affirmé avec force la dignité humaine en manifestant publiquement une « option préférentielle » pour les petits, les pauvres, les malades, les exclus, révélant ainsi les préférences de Dieu. Qu’on pense aussi à ses enseignements sur le pardon et la miséricorde, sur la justice et l’amour fraternel, etc.
La résurrection, fondement de l’espérance chrétienne
Rappelons enfin le témoignage de l’ensemble des auteurs du Nouveau Testament sur la résurrection de Jésus comme fondement de l’espérance chrétienne et comme mystère de salut : « Christ est ressuscité, prémices de tous ceux qui sont morts » (1 Co 15,20). Il est donc indéniable que le message du Nouveau Testament était et reste percutant.
L’Évangile est-il toujours d’actualité?
Mais on peut légitimement se poser la question : L’Évangile est-il une nouvelle valable pour aujourd’hui?
Que peut-il encore signifier pour nos contemporains?
Le comportement et le message d’un homme qui a vécu il y a deux mille ans peuvent-ils apporter un sens et un éclairage à nos vies, à nous qui vivons à l’ère de la modernité, de la post-modernité et de la sécularisation?
Voyons d’abord comment on a présenté Jésus Christ et son évangile au tout début du christianisme.
Les piliers de la communauté chrétienne selon Saint Luc
Saint Luc, dans le Livre des Actes, nous donne une bonne idée des discours missionnaires des premiers évangélisateurs, tout en nous présentant, dans ses « sommaires », un idéal auquel toutes les communautés chrétiennes devraient tendre. On y découvre trois sommaires dans les chapitres 2, 4 et 5. Ces sommaires nous présentent les éléments fondamentaux ou piliers à la base de toute communauté : l’enseignement des Apôtres, l’Eucharistie et la prière, la communion fraternelle et le partage des biens.
Luc propose cet idéal de la communauté primitive comme un modèle pour toutes les Églises. De telles communautés chrétiennes devenaient de puissants témoins de l’Évangile dans le milieu. Luc écrit à propos du témoignage : « Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier. Et le Seigneur adjoignait chaque jour à la communauté ceux qui trouvaient le salut » (Ac 2,47). On voit par là que Luc accorde autant d’importance au témoignage des communautés qu’à la prédication proprement dite.
La communauté chrétienne évangélise d’abord par son vécu.
Une bonne nouvelle pour aujourd’hui ?
Le témoignage, cœur de l’action évangélisatrice
Qu’en est-il pour nous aujourd’hui? Qu’en est-il dans nos communautés chrétiennes? Comme dans l’Église primitive, l’apôtre est d’abord un témoin : « C’est avec une grande force, écrit saint Luc, que les Apôtres portaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et la puissance de la grâce était sur eux tous » (Ac 4,33).
À toutes les époques, le témoignage a été un moyen puissant d’évangélisation. Nos contemporains sont particulièrement sensibles à la rencontre de témoins. Ils sont plus attentifs à l’expérience de foi et à l’authenticité d’un parcours spirituel que préoccupés de conformité à une doctrine.
C’est d’abord par son témoignage, par sa façon de vivre l’Évangile que le chrétien ou la chrétienne peut inciter des personnes à faire le choix de se mettre en cheminement vers la découverte du Mystère du Christ et de l’Évangile.
En d’autres mots, c’est moins par des enseignements systématiques ou par la transmission de contenus bien articulés que l’on peut actuellement susciter des options de foi, mais par le témoignage de chrétien(ne)s et de communautés qui ont fait l’expérience de la rencontre personnelle avec Jésus-Christ et qui sont capables d’en témoigner dans leur vie. C’est là le cœur de l’action évangélisatrice.
Chemin de vie en abondance
La mission se déploie aussi dans l’annonce explicite de Jésus Christ et de son Évangile. La Bonne Nouvelle que nous sommes appelés à faire résonner dans les cœurs est un appel à quitter les chemins de mort et à emprunter un chemin de vie à la suite de Jésus Christ. Appel à s’appuyer sur le Seigneur pour libérer en soi et dans la communauté ce besoin de vivre l’épanchement de la vie, le rayonnement de son être en joie et en espérance.
La Bonne Nouvelle offre ainsi un chemin de pacification de l’âme par la confiance en l’amour inconditionnel de Celui qui a donné sa vie pour que tous aient la vie en abondance. Cet amour est en tous et chacun une force de vie et de résurrection dans le quotidien de l’existence. L’assurance d’être aimé personnellement permet de vivre à un niveau plus essentiel de vérité et de liberté. N’est-ce pas là une nouvelle à saveur de vie?
Rendre la foi chrétienne intelligible et désirable pour aujourd’hui
L’acte d’évangélisation ne peut évidemment pas se dispenser de l’effort de rendre la foi chrétienne intelligible et désirable aux yeux de nos concitoyens. Autrement, comment l’Évangile pourrait-il apparaître comme la Bonne Nouvelle de la plénitude de vie en Jésus-Christ? Comment une nouvelle qui n’est pas significative et inspirante dans une culture donnée peut-elle se présenter comme une Bonne Nouvelle?
De là l’importance pour nous de refaire à notre tour la relecture de l’Évangile et de la Tradition en tenant compte du contexte socioculturel et des sensibilités qui sont les nôtres aujourd’hui. L’Évangile est une source inépuisable de sens que chaque époque a le devoir de revisiter et de mettre en valeur pour inspirer et dynamiser la marche de ses frères et sœurs en humanité.
L’inculturation de l’Évangile
Dire l’Évangile aujourd’hui
Dieu se dit à chacun, à chacune, dans sa culture. L’Évangile n’est Bonne Nouvelle que lorsqu’il s’incarne dans une culture déterminée. Il devient alors significatif pour les gens de cette culture. C’est là la règle fondamentale de l’inculturation de la foi chrétienne. Il en a d’ailleurs toujours été ainsi.
En effet, chaque époque a présenté le message évangélique d’une manière particulière, adaptée à la culture du temps. Jésus s’est exprimé dans la culture juive et dans le monde rural; Paul a annoncé l’Évangile dans les villes du monde hellénistique; les premiers Pères de l’Église l’ont relu dans le contexte de la culture gréco-romaine. Et nous?
Une question de langage et de contenu
L’inculturation de la foi chrétienne touche non seulement le langage, mais aussi le contenu. Est-on capable de formuler le cœur de l’Évangile en des termes qui rejoignent les aspirations profondes des gens d’aujourd’hui, leurs besoins, leur quête de sens, leur expérience de vie? Les questions que se posent nos contemporains ne sont pas d’abord : Ai-je péché? Ai-je mérité le ciel? Mais comment vivre pleinement, comment garder une attitude positive dans la vie, comment se réaliser, comment avoir des relations harmonieuses avec les autres, etc.
Aider à nommer l’expérience spirituelle
Mais il ne s’agit pas seulement de tenir compte du vécu des gens qui nous entourent. On doit aussi s’efforcer de découvrir en eux et avec eux l’action de Dieu et de l’Esprit Saint et les aider à nommer leur expérience spirituelle, leur histoire sainte. C’est d’abord l’Esprit Saint qui évangélise : « Il vous enseignera toute chose » avait dit Jésus.
Le rôle du catéchète, par exemple, est souvent d’aider les gens à nommer leur foi à la lumière de l’Évangile et de la Tradition vivante de l’Église. Et de les inviter par la suite à avancer toujours plus loin sur le chemin des Béatitudes à la suite de Jésus. Alors, la catéchèse pourra devenir un lieu privilégié d’inculturation en acte de la foi chrétienne.
Un salut signifiant pour nos contemporains
Nos contemporains ne mettent plus d’abord leur espoir dans un salut au-delà de la vie présente. C’est ici et maintenant qu’ils poursuivent leur recherche de bonheur. C’est maintenant qu’ils ont besoin de guérison, de libération, de justice, d’amour, dans une vie plus pleine, plus heureuse, plus épanouie.
C’est bien ce que Jésus a apporté par ses paroles et ses actions en faveur de ceux et celles qui croyaient en lui, tout en privilégiant les plus démunis de son temps. Le Royaume de Dieu qu’il a instauré ne vise pas seulement l’au-delà de la vie, mais se réalise déjà dans l’épaisseur de la vie quotidienne. Qu’en est-il de l’Évangile que nous annonçons?
En conclusion
L’importance des communautés vivantes
La communauté chrétienne est par définition une communauté de disciples de Jésus Christ. Est-elle en même temps une communauté évangélisatrice? Comme on le constate à l’analyse des premières communautés chrétiennes dans le livre des Actes, la communauté est une condition préalable à toute évangélisation et à toute catéchèse.
Sans communautés vivantes qui témoignent de l’Évangile, l’éveil et l’éducation de la foi sont pratiquement impossibles. Le goût de la foi et de l’Évangile se développent dans des communautés qui nourrissent elles-mêmes un véritable goût de la vie évangélique à la suite de Jésus.
Un défi intéressant à relever
À mon sens, nos communautés chrétiennes sont appelées à devenir des cellules ecclésiales capables de donner le goût de l’Évangile à ceux et celles qui les entourent. Le grand défi de nos communautés, c’est leur capacité à être Bonne Nouvelle dans leur milieu. À être porteurs d’espérance pour les pauvres, les petits et les laissés-pour-compte de notre temps. Et aussi à s’ouvrir sur le milieu pour accueillir et accompagner des gens intéressés à faire des expérience de foi partagée, ou encore à s’engager dans des projets apostoliques mobilisateurs et significatifs.
Et alors, non seulement nos communautés seront-elles composées de disciples du Christ, mais elles seront, comme groupes, des communautés dédiées à l’évangélisation et à la formation à la vie chrétienne. Voilà un défi intéressant à relever tous ensemble!