Le miracle de Noël est de nous mettre en face du Dieu-Enfant qui ne fait appel qu’à notre générosité. Ce n’est plus un maître qui fait peur, c’est un Amour qui sollicite le nôtre.
Ce texte est tiré de l’ouvrage Pèlerin de l’espérance (p. 18-19), Éditions Anne Sigier, 1997, 237 p.
Maurice Zundel a écrit de nombreux billets dans le bulletin de la paroisse du Sacré-Cœur à Lausanne, de 1947 à 1974. Ces textes denses et courts disent bien la préoccupation de l’auteur : seule l’intimité avec le Christ apporte la vérité, la vie, le bonheur.
Pour la plupart des hommes et des femmes que les soucis de la vie matérielle écrasent, la seule chance de s’élever au-dessus de l’horizon quotidien est l’émoi qu’ils éprouvent devant le petit enfant issu de leur chair. Il y a dans cette fragilité un mystère qui les saisit aux entrailles, en éveillant en eux les plus hautes sources de générosité.
Le terroriste russe Kaliayev, chargé de tuer le grand duc Serge, en 1905, renonça, une première fois, à son attentat, parce que des enfants se trouvaient dans la voiture. Son cœur fit fléchir ses principes et il préféra manquer son coup plutôt que de massacrer des innocents dont les visages respiraient la joie de vivre.
Un petit enfant, en effet, est une espèce d’otage divin dont la faiblesse même désarme la férocité la plus résolue. Ou bien l’on n’a plus affaire avec des hommes.
Le miracle de Noël est de nous mettre en face du Dieu-Enfant qui ne fait appel qu’à notre générosité. Ce n’est plus un maître qui fait peur, c’est un Amour qui sollicite le nôtre.
Tout le sens de la création est changé par cet avènement. Elle ne peut plus s’imposer au-dehors comme un événement étranger. Elle est le dialogue des fiançailles où le « oui » de Dieu a besoin du nôtre pour obtenir son effet.
Le mot de Graham Greene trouve ici sa plus haute justification : « Aimer Dieu, c’est vouloir le protéger contre nous-mêmes. »
Le Dieu-Enfant est remis entre nos mains comme ll était confié à Sa Mère, pour vivre en nous : comme le grand secret d’amour où notre existence respire et où le monde trouvera la paix qu’aucune diplomatie n’est capable de lui donner.
Maurice Zundel
Janvier 1952