Dixième d’une série de douze articles qui constituent l’essentiel de l’essentiel de la foi chrétienne catholique, à partir de la présentation de François Varillon, jésuite. Les dogmes sont essentiellement au service de la relation et de la Rencontre. C’est d’ailleurs ce qui justifie leur nécessité et leur existence même.
François Varillon, jésuite, a publié en octobre 1967 dans la revue Études un excellent « Abrégé de la foi catholique » (p. 291-315). En voici un compte rendu succinct.
Les dogmes… au service de la vraie nature de l’amour
La rencontre de Dieu, la relation vivante que l’être humain entretient avec lui, sont au cœur de son expérience croyante. Pour le guider sur le chemin de cette rencontre, pour baliser cette relation, il a besoin de points de repères. Ils existent. C’est ce que nous appelons communément les « dogmes ». Plus techniquement on les définit comme des vérités de foi contenues dans la Révélation.
Ils sont essentiellement au service de cette relation et de cette rencontre. C’est d’ailleurs ce qui justifie leur nécessité et leur existence même. Ils sont là pour authentifier en quelque sorte notre relation à Dieu et pour rendre compte de notre espérance tout en la justifiant. Malheureusement ils n’ont pas toujours bonne presse, car leur formulation et leur langage sont liés à la période historique qui les a vu naître… ce qui rend leur compréhension actuelle plus difficile.
Par ailleurs et cela est très important, tous les dogmes ne sont pas à mettre sur le même pied. Certains sont plus fondamentaux et touchent le cœur même du mystère, d’autres ont un caractère plus accessoire. En fait, ce type de distinction s’établit en fonction de leur rapport plus ou moins direct avec la personne du Christ.
Ils ont cependant tous une même finalité : éviter que l’être humain ne se méprenne sur la vraie nature de l’amour, sur ses conditions, ses conséquences et ses implications.
Les dogmes sont là pour soutenir et orienter l’acte de foi. Ils suggèrent une interprétation authentique du mystère.
Le mystère de la Trinité
Prenons un exemple. La Trinité est reconnue comme un dogme de foi. Croire que Dieu est Trinité est beaucoup plus qu’un simple concept ou une fantaisie bonne à satisfaire notre curiosité. Ce dogme jette un éclairage particulier sur la nature même de Dieu.
Être Un en Trois Personnes, n’est pas indifférent au fait que pour les chrétiens Dieu soit Amour.
Si Dieu est perçu et compris comme tel, c’est parce que la réalité et la présence de trois personnes en lui révèle qu’il est un Dieu de communion. Au cœur même de son Être, Dieu expérimente la nature de l’amour. À trois on peut s’aimer, sinon Dieu serait contraint de contempler sa propre nature. Il se posséderait lui-même. Comment pourrait-il alors être don et accueil?
Certes l’amour ne peut exister sans altérité, mais pourquoi trois personnes?
Si Dieu est Amour et infinie Perfection, il y a nécessairement en lui une richesse d’être, une capacité de don et d’accueil (acte de donner et d’accueillir), une plénitude qui ne peut que déborder.
Chacune des Trois Personnes de la Trinité n’existe qu’en fonction des deux autres. C’est dans ce rapport existentiel et non en elles-mêmes qu’elles trouvent leur sens. Le Père est essentiellement « paternité » et ne peut se définir qu’en relation avec le Fils. De même le Fils ne peut se comprendre qu’en relation avec le Père, il est « filiation ».
Et ce n’est pas tout. S’il n’y avait pas une troisième Personne – l’Esprit-Saint – l’amour en Dieu ne serait pas un véritable amour, un amour ouvert. Chacune des personnes se retrouverait la possession exclusive de l’autre, comme une projection ou une extension de son propre amour. La présence de cette troisième personne est ici décisive.
La raison a besoin de comprendre ce qu’elle croit. Le dogme de la Trinité cherchant à en approcher le mystère, jette une indispensable lumière sur l’affirmation de Jean, à savoir que « Dieu est amour ».
Le mystère de la création
Les dogmes ont cette propriété de se féconder l’un l’autre. C’est ainsi que le mystère de la Vie trinitaire éclaire celui de la création. L’Acte créateur est essentiellement le fruit gratuit d’un Amour. Et cet Amour, c’est Dieu.
Dieu n’est pas un potentat et l’être humain n’est pas son esclave. L’Acte créateur est celui d’un Dieu de relation, d’un Dieu voulant entrer en relation avec quelqu’un afin de partager avec lui sa propre Vie et sa propre Liberté.
Malheureusement, même si elle est étrangère au Christianisme, l’antique conception du destin et de sa fatalité, où tout à l’avance serait déterminé, a encore libre cours aujourd’hui.
Ce que l’Église appelle « péché originel »
À l’humanité qui souffre et qui s’interroge sur la souffrance et le mal, la foi, pas plus que la philosophie, n’offrent de réponse satisfaisante.
Pour sa part, l’Église ne prétend pas expliquer le mal par la chute d’Adam. Ce qu’on appelle le péché d’origine où le péché originel – ce qui donne à penser qu’il se situe dans le temps – cherche d’abord à affirmer son universalité. C’est toute l’humanité qui en souffre. Constatant que le péché est universel, elle reconnaît par ailleurs qu’un pardon universel et libérateur est offert à toute l’humanité.
Pour François Varillon, dégagés de toute dimension temporelle et chronologique, péché et rédemption au sens de « libération » peuvent alors être tous deux dits « originels ».
Ainsi l’être humain est à la fois pécheur et pardonné.
Tous les êtres humains sont pécheurs « en Adam » et sauvés (c’est-à-dire rendus libres de la liberté même de Dieu) « en Jésus-Christ ».
Dit autrement, c’est à des pécheurs que Dieu transmet sa Vie. Si quelqu’un se prétend entièrement innocent ou à peine effleuré par le péché, c’est qu’il refuse de faire la vérité sur lui-même et il peine à comprendre la qualité de relation que Dieu rêve d’entretenir avec lui.
Le dogme de la « résurrection de la chair »
Quant au dogme de la résurrection de la chair, il évoque une double divinisation : celle de l’être humain dans toutes ses dimensions et celle de l’univers lui-même.
Ce dogme est au cœur de l’espérance chrétienne.
Cette double transformation, et du monde et des personnes est nécessaire. L’être humain est essentiellement un être de relation, il ne vit pas seul et son bonheur est conditionnel à la qualité de sa relation aux autres et au monde qui l’entoure.
Une vie éternelle de bonheur ne peut se concevoir sans que ne soient éternisés et divinisés le plus beau et le meilleur de l’expérience humaine.