Un bref rappel de l’histoire de l’Église met en évidence la nécessité de s’adapter aux époques et aux différentes cultures en vue de l’annonce de l’Évangile et de la formation à la vie chrétienne.
Introduction
Un coup d’œil sur les grands moments de l’histoire de l’Église nous permet de saisir que le modèle catéchétique proposé à chaque époque est intiment lié à la compréhension de la mission d’évangélisation et aux besoins perçus au niveau de la formation chrétienne.
Dans ces quelques pages, nous voudrions rappeler les principaux tournants de l’histoire de l’Église dans sa mission d’annoncer la Bonne Nouvelle qui engendre des disciples de Jésus. Ce faisant, nous tenterons de dégager les modèles catéchétiques correspondants pour en tirer des leçons pour aujourd’hui.
Au départ, une parabole source
Pour comprendre le dynamisme de l’évangélisation, il faut remonter à la source de tout engagement au service de la Parole. De façon judicieuse, le Directoire général pour la catéchèse (DGC) fait appel à la prédication de Jésus : « Voici que le semeur est sorti pour semer » (Mc 4,3).
Cette parabole est source d’inspiration pour l’évangélisation d’aujourd’hui comme hier. « La semence, c’est la parole de Dieu » (Lc 8,11). Le semeur est Jésus-Christ. Il annonça l’Evangile en Palestine il y a deux mille ans et envoya ses disciples le semer dans le monde. Jésus-Christ, aujourd’hui, présent dans l’Église par son Esprit, continue de répandre la Parole du Père dans le champ qu’est le monde.
La qualité du terreau est toujours très variée. L’Evangile tombe « au bord du chemin » (Mc 4,4) lorsqu’il n’est pas réellement écouté; il tombe sur le « terrain rocheux » (Mc 4,5), sans pénétrer la terre en profondeur; « dans les épines » (Mc 4,7), et il est aussitôt étouffé dans le cœur des hommes, aux prises avec nombre de préoccupations. Mais une partie tombe « dans la bonne terre » (Mc 4,8), c’est-à-dire en des hommes et des femmes ouverts à la relation personnelle avec Dieu et solidaires avec leur prochain, et elle donne du fruit en abondance.
Jésus, dans la parabole, annonce une bonne nouvelle: le Royaume de Dieu vient, en dépit des difficultés dues au terrain, des tensions, des conflits et des problèmes du monde. La semence de l’Evangile féconde l’histoire des hommes et annonce une récolte abondante. Jésus informe également que la Parole de Dieu ne germe que dans un cœur disposé à l’accueillir (cf. DGG 15).
Après avoir examiné le terrain, le semeur envoie ses ouvriers annoncer l’Evangile dans le monde entier, en leur communiquant — dans ce but — la force de son esprit. Il leur enseigne, en même temps, à lire les signes des temps et exige d’eux qu’ils soient bien préparés pour les semailles (DGG 31).
La parabole de Jésus garde toute sa force aujourd’hui encore. Nous sommes tous envoyés pour faire retentir la Parole de Dieu dans notre milieu d’insertion, comme le rappelle Mgr Bertrand Blanchet :
« On sait que le mot “mittere”, d’où origine celui de “mission”, signifie envoyer. Or, quand nous considérons le grand plan de Dieu sur notre humanité, nous constatons, assez étrangement, que tout le monde est envoyé.
Jésus est envoyé : ” L’Esprit du Seigneur est sur moi, Il m’a consacré par l’onction, Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle… ” L’Église est envoyée. Jésus dit à ses Apôtres et à ses disciples : ” Allez, je vous envoie… “.
Toute communauté chrétienne est envoyée. Cela lui est rappelé au terme de chaque célébration eucharistique: “Allez, dans la paix du Christ…” Tout baptisé est envoyé. Il reçoit, au moment du Baptême, la redoutable mission d’être, au coeur du monde, prêtre, prophète et roi. »
Regard panoramique de la catéchèse
À la suite des apôtres, témoins du Christ ressuscité, chaque génération de baptisés transmet à d’autres ce qu’elle a reçu à la génération suivante qui, à son tour, prend le relais pour assurer le pèlerinage de la Parole et la formation de nouveaux disciples du Christ.
Jetons un regard sur l’histoire de cette annonce de l’Évangile et sur les modèles catéchétiques mis en place. Cet exercice jettera une lumière sur les options catéchétiques qui influencent notre engagement catéchétique d’aujourd’hui…
Dans l’Église primitive
Comme l’a rappelé Benoît XVI, c’est l’Esprit Saint qui conduit les croyants et croyantes à vivre l’expérience du Christ ressuscité à travers les âges. La source première en sera, bien sûr, le témoignage des Apôtres tels que nous le rapportent les Évangiles. En effet, au cœur de la Bible, les Évangiles sont destinés à susciter de véritables disciples de Jésus Christ. Dans cette ligne, nous aurions avantage à découvrir, à la suite du Cardinal Martini, les Évangiles comme des manuels d’initiation chrétienne utilisés par l’Église primitive.
Le modèle catéchétique : dans l’Église primitive, la catéchèse se présente comme une annonce explicite de Jésus Christ, sous forme de récits, et un appel à devenir disciple. Mais cette foi naissante devait progressivement se vivre en communauté et apprendre à rayonner dans le monde.
Non seulement on reconnaissait des étapes dans la formation chrétienne, mais celle-ci durait toute la vie et s’adressait d’abord aux adultes et aux petites communautés.
Leçons à retenir : les Évangiles doivent être la source première et le modèle de tous nos parcours catéchétiques. Raconter Jésus Christ demeure la forme la plus captivante pour catéchiser les générations d’aujourd’hui.
Le Directoire général pour la catéchèse affirme ce caractère christocentrique du message évangélique transmis par la catéchèse (No 98).
Devenir chrétien dans les 1ers siècles
Les années passent et l’on voit le christianisme émerger dans l’empire gréco-romain comme une bonne nouvelle qui se répand de bouche à oreille. Pourquoi? Parce que dans un monde païen rempli de cultes et de diverses religions, on se demande où trouver une issue devant la fatalité et la mort.
Or, dans les lieux publics et dans l’intimité des maisons, on se met à parler d’un certain Jésus qui est mort mais que des témoins disent toujours vivant (cf Ac 25,19). Un salut offert par Jésus devenait ainsi fascinant. Mais pour suivre Jésus et devenir disciple, cela exigeait un nouveau style de vie. L’adhésion à Jésus et la décision de vivre l’Évangile conduisaient à l’entrée dans une Église non reconnue par la loi, donc menacée, et même persécutée.
C’est à cette époque que la liturgie baptismale a mis en place de forts symboles qui signifiaient le rejet des idoles pour se tourner vers le Christ. Pour y préparer ceux et celles qu’elle en juge capables, l’Église propose une initiation, dans l’institution du catéchuménat : un long temps d’écoute de la Parole annoncée et célébrée pour essayer d’en vivre chaque jour, dans ses comportements.
Le modèle catéchétique …
… dans l’Église des premiers siècles, la catéchèse est proposée à travers une initiation dans un long parcours, appelé catéchuménat.
Le cœur de cette démarche reposait sur l’écoute de la Parole de Dieu, sa célébration et sa mise en œuvre dans la vie.
Leçons à retenir …
… l’initiation chrétienne portera sans doute de meilleurs fruits si elle puise dans le cheminement catéchuménal qui s’appuie sur la Parole de Dieu, approfondie à travers des étapes progressives.
En effet …« la catéchèse est une activité graduelle et les éléments du catéchuménat doivent inspirer la catéchèse actuelle » (DGC 88 et 90).
Un monde de chrétienté (6e–15e siècles)
Nous savons jusqu’à quel point le monde de chrétienté a influencé l’éducation de la foi chez nous. Ce fut le cas pour une très longue période dans l’histoire de l’Église. En effet, à partir du 6e siècle, l’Empire romain s’est mis à décliner et l’Occident fut ébranlé par les invasions, l’insécurité et des pénuries de toutes sortes.
Dans ce contexte, les populations voyaient tout naturellement en l’Église une force stable. Même les rois se sont mis à chercher son appui. De là est né ce qu’on a appelé un monde de chrétienté. Au centre, l’Église occupe la place de mère et d’éducatrice. N’a-t-elle pas sauvé le meilleur de l’Antiquité gréco-romaine pour le transmettre à la civilisation européenne qui se forgeait lentement?
Pour survivre dans ce monde dur, il fallait compter sur le clan et le village. C’est dans cet environnement que l’Église s’est engagée au développement de la foi collective, en misant sur l’imprégnation par la liturgie, l’art, le sentiment du sacré, l’encadrement paroissial.
Rien n’est prévu pour les enfants baptisés dès leur naissance. La catéchèse consiste dans l’apprentissage, tout au long de la vie, des mœurs et des attitudes chrétiennes : un art de bien vivre et de bien mourir.
Cependant, à partir du XIIIe siècle, une sorte de révolution pastorale est en route, appuyée sur la communion et la confession obligatoire au moins une fois l’an et sur l’apport des ordres mendiants comme les Dominicains et les Franciscains.
Le modèle catéchétique : pendant une très longue période de l’Église, la foi s’est donc transmise par le témoignage, le vécu chrétien de la famille et celui de la communauté paroissiale.
Nous pouvons dire que la catéchèse revêtait un caractère communautaire, en s’appuyant sur la liturgie et l’art chrétien.
Leçons à retenir : l’éducation de la foi, amorcée dans la famille et consolidée par le vécu de la communauté chrétienne produit d’excellents fruits. Ce rôle des parents, premiers éducateurs de la foi de leurs enfants et celui de la communauté chrétienne comme foyer de catéchèse sont rappelés par le Directoire (226 et 253).
L’apparition du catéchisme (16e–19e siècles)
Après une longue période de relative stabilité, l’Occident se réveille au 15e et 16e siècles. Il redécouvre la littérature et l’art antiques, tout en manifestant un vif intérêt pour l’être humain, pour ce qu’il peut trouver et penser par lui-même.
Au plan extérieur, l’Europe découvre le Nouveau Monde et ses richesses. Cependant, elle connaît un dur réveil avec la réforme protestante et la contre-réforme catholique qui entraînent les guerres de religion et l’ignorance religieuse.
L’Église répond par le catéchisme, conçu comme une instruction religieuse systématique qui doit permettre à chacun de savoir ce qui est nécessaire au salut. Le catéchisme s’exporte au Nouveau Monde comme un condensé de la foi chrétienne, le même, valable pour tous et partout.
Le modèle catéchétique : pendant trois siècles, l’Église mise avant tout sur les connaissances à acquérir dans l’éducation de la foi, peut-être au détriment de l’expérience de Jésus Christ. Un retour à la Parole de Dieu deviendra nécessaire pour un vrai renouveau catéchétique.
Leçons à retenir : il nous apparaît impensable de revenir à ce modèle catéchétique basé sur les questions-réponses pour engendrer de vrais disciples de Jésus Christ et susciter des communautés chrétiennes où la foi est annoncée, vécue et célébrée. Cependant, retenons la nécessité de transmettre la connaissance des principaux éléments de la vie chrétienne pour que les baptisés puissent rendre compte de leur foi.
Le Directoire nous rappelle les tâches fondamentales de la catéchèse : aider à connaître, à célébrer, à vivre et à contempler le mystère du Christ. Il faut donc favoriser la connaissance de la foi, assurer une éducation liturgique, donner une formation morale et enseigner à prier, sans oublier l’éducation à la vie communautaire et à la mission (DGC 84-86)
Un 20e siècle pluraliste et sécularisé
La société a tellement changé, entendons-nous dire. Une chose devient de plus en plus évidente : le catéchisme tel qu’il est devenu est de plus en plus contesté à cause des différences culturelles diversifiées, d’un pays à l’autre. C’est alors que les responsables des Églises locales veulent une adaptation de l’enseignement religieux pour rejoindre les mentalités contemporaines. Un peu partout, on devient de plus en plus réfractaire aux vérités toutes faites, imposées d’en haut.
Après le concile Vatican II, l’Église reconnaît que bon nombre de chrétiens vivent dans un monde pluraliste et sécularisé. Plus que jamais, croire en Jésus Christ devient un choix, éveillé par le témoignage de vrais disciples du Seigneur.
Dans les diverses approches catéchétiques, on cherche à proposer un réel partage de foi, une expérience de Jésus Christ et de vie en Église. Les catéchisés sont invités à parcourir un chemin, à partir de là où ils sont et dans leurs conditions de vie réelles. Les outils, les manuels, les parcours proposés deviennent de plus en plus adaptés dans les différents milieux.
Désormais, le mot inculturation exprime la nécessité d’enraciner le message chrétien dans chaque culture, chaque groupe humain, par des catéchèses diversifiées à travers le monde.
Conclusion
Ce bref rappel de l’histoire de l’Église met en évidence la nécessité de s’adapter aux époques et aux différentes cultures pour l’annonce de l’Évangile et la formation à la vie chrétienne dans toutes ses étapes. Comme dans tout renouveau, un retour aux sources devient nécessaire.
Une deuxième constatation s’impose. Dans chacun des modèles catéchétiques mis en place dans la lente évolution de la catéchèse, il y a du positif qu’il faut retenir. Dans la période actuelle, où bien des ajustements sont nécessaires, tirons du trésor de l’Église du neuf et du vieux pour que Jésus soit connu et aimé et que de véritables disciples prennent le relais de la transmission de la foi dans le monde d’aujourd’hui.