Douzième d’une série de douze articles qui constituent l’essentiel de l’essentiel de la foi chrétienne catholique, à partir de la présentation de François Varillon, jésuite. Une réalité rend compte de ce désir de Dieu de se rendre présent à l’humanité. L’eucharistie nous donne de faire Alliance avec Dieu et donne à Dieu, de faire Alliance avec nous.
François Varillon, jésuite, a publié en octobre 1967 dans la revue Études un excellent « Abrégé de la foi catholique » (p. 291-315). En voici un compte rendu succinct.
« Le Christ est le sacrement de Dieu. L’Église est le sacrement du Christ. L’Eucharistie est le sacrement de l’Église »
L’Eucharistie, signe par excellence de l’Alliance qui divinise
Parmi les signes sensibles à travers lesquels l’Église exprime sa vie et actualise son être, l’Eucharistie occupe une place privilégiée.
Elle se donne à comprendre en contemplant le Christ lui-même. Au cœur de sa personne se vit une extraordinaire rencontre entre Dieu et l’humanité. Jésus a été le point de convergence d’un double mouvement, celui de Dieu vers l’être humain et celui de l’être humain vers Dieu.
Or l’eucharistie donne de voir et de vivre cette convergence. Pour le dire autrement, reprenons les mots même de Jésus. L’eucharistie nous donne de faire Alliance avec Dieu et donne à Dieu, de faire Alliance avec nous. C’est cette Alliance qui a la capacité de nous transformer, de nous rendre saint à la manière de Dieu, bref, comme le dit Varillon, de nous « diviniser ».
L’Eucharistie, sacrement de la mort et de la résurrection du Christ
On ne peut comprendre le Christ sans d’abord contempler la relation qu’il entretient avec Dieu. Il en est le Fils et c’est en tant que Fils de Dieu qu’il a épousé la condition humaine jusqu’à son extrême limite.
D’ailleurs, c’est par l’acte ultime de sa mort, qu’il aura révélé au monde sa véritable nature : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime… » (Jn 15,13)
Mais le Christ n’est pas demeuré dans le silence du tombeau. Sa mort a connu un lendemain : celui de la résurrection.
C’est pourquoi l’eucharistie ne peut être le sacrement du Christ dans toute sa réalité sans rendre compte de ces deux dimensions. Elle est donc pour une part le mémorial de sa mort. Mais comme le Christ est ressuscité et qu’il ne peut avoir d’autre présence que celle d’un ressuscité, le pain et vin consacrés, deviennent le corps et le sang du Christ ressuscité.
Ainsi l’eucharistie est essentiellement le sacrement, et de la mort, et de la résurrection du Christ. Pour cette raison on l’appelle le sacrement du mystère pascal.
Consentir à faire le passage
La mort est au cœur de toute vie donnée : mort au désir de tout posséder, mort à la tentation de s’évader de ses responsabilités, mort à tout ce qui menace ou détruit la fraternité…
Pour un chrétien qui a compris les exigences de la foi, croire à l’eucharistie, y participer, s’en nourrir, c’est déjà reconnaître qu’il n’est pas le centre et la fin de tout. C’est surtout opérer un passage décisif vers le don de soi. D’ailleurs, Pâques ne signifie-t-il pas « passage »?
En s’engageant ainsi sur le chemin du don, en empruntant ce passage, le croyant entreprend sa transfiguration.
Afin que l’être humain vive par et pour Dieu
Rendre grâces, c’est reconnaître que tout ce qui est bon, beau et bien vient de Dieu et est don de Dieu. En ce sens, tout est grâce.
Pour signifier cette totalité, le pain et le vin, « fruit de la terre et du travail de nos mains » sont précisément là pour évoquer tout ce que la vie peut nous offrir.
En consacrant le pain et le vin, en le transformant pour en faire le corps et le sang du Christ, l’Église donne déjà à contempler l’intime communion à laquelle l’être humain est appelé. Par ailleurs, quand l’eucharistie devient pour lui nourriture, elle le transforme et le transfigure faisant de lui un véritable fils de Dieu.
Le travail humain qui devient vie du Christ
Le pain et le vin sont le fruit du travail d’hommes et de femmes bien concrets, incarnés dans une histoire. Le pain et le vin disent à leur manière cette histoire. Sur la table eucharistique, elle devient une histoire sainte, celle du Christ.
Transfiguré en pain et vin du Royaume, le travail humain devient la vie même du Christ et ne peut être que l’objet d’une offrande. À ce titre, on comprendra qu’il se gagne dans la justice et l’amour.
Le Christ nous unit à Lui en nous unissant les uns aux autres
Le pain est le fruit de grains moulus devenus farine. Le vin, celui de raisins pressés. Multiples et dispersés, les voilà réunis pour se faire nourriture et breuvage. Posés sur la table ils deviennent repas. Or est-il geste plus fraternel que de manger ensemble?
Quand le pain et le vin deviennent corps et sang du Christ, ils donnent aux frères et aux soeurs attablés de communier au Christ lui-même et par Lui, d’être en communion les uns avec les autres. Est-il fraternité plus grande?
À la table eucharistique – annonce de la table du Royaume à venir – les relations humaines ne sont plus les mêmes, elles sont transfigurées à l’image du pain et du vin eux-mêmes transfigurés. Pour François Varillon, l’invitation de Jésus prend alors toute sa mesure :
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12)