Voici le quatrième article d’une série de dix articles présentés par l’équipe de rédaction du Feuillet Paroissial. On trouve dans les Écritures diverses manières de désigner Jésus. Souvent on accole à son nom des titres ou des qualificatifs. Les relire avec attention nous permet de goûter à la richesse inépuisable de la personne de Jésus.
Un titre qui parle de puissance
Parmi les titres donnés à Jésus, celui de Pantocrator n’est pas sans originalité. Il a quelque chose d’exotique. Il s’agit d’un qualificatif venant de deux mots grecs : pan qui veut dire tout et kratos, puissance. Pantocrator veut donc dire tout-puissant.
Ce qualificatif est souvent utilisé pour évoquer le Christ des images byzantines – les icônes – où on le voit trôner avec gravité. On parle alors d’un Christ Pantocrator.
L’expression était bien connue des Grecs puisqu’ils avaient l’habitude de l’attribuer à Zeus, leur dieu le plus célèbre considéré comme le maître des autres dieux et des humains.
On trouve l’équivalent dans un mot hébreu que l’on a conservé sans le traduire : Sabaoth. Les aînés qui ont connu le latin se rappellent avoir chanté: Sanctus, sanctus, sanctus Dominus Deus Sabaoth…, rendu en français par: Saint, saint, saint le Seigneur Dieu de l’univers.
Une caractéristique de Dieu
Dans l’Ancien Testament, le titre est accolé au nom de Yahweh et célèbre sa toute-puissance. On le traduit habituellement par Dieu-fort. Nous voici donc en présence d’une évocation de la puissance.
Si les Grecs désignaient ainsi un de leurs dieux, dans l’Ancien Testament son équivalent évoque le Dieu d’Abrahm d’Isaac et de Jacob. Or le voilà appliqué au Christ célébré comme souverain maître de toutes choses.
L’influence de la culture grecque
Mais pourquoi avoir conservé ce mot grec de Pantocrator? Simplement parce qu’il était parvenu à s’imposer dans la chrétienté des origines, ce qui en dit long sur l’influence de Byzance, la capitale culturelle du monde grec.
Il faut se rappeler qu’avant le 4e siècle, les chrétiens qui vivaient à Rome constituaient presque une Église du silence. Les persécutions dont ils étaient victimes ne favorisaient en rien la naissance d’une culture chrétienne propre pas plus que leur organisation.
Maître de toutes choses
Dire de Jésus qu’il est Panatocrator, c’est le déclarer tout-puissant et le reconnaître comme souverain maître de toutes choses. D’une certaine manière, c’est l’associer à son Père déjà reconnu comme « tout-puissant » et « créateur du ciel et de la terre… »
Toutefois, au-delà de ces questions de vocabulaire, le qualificatif de Pantocrator fait maintenant davantage référence aux images du Christ devenues généralisées dans les églises byzantines à partir du 9e siècle. C’est ce qui aura contribué à sa popularité.
Un titre popularisé par l’art byzantin
Quand les chrétiens de tradition orthodoxe décorent leurs églises, ils le font selon un schéma bien précis. Tout s’organise autour d’une image centrale représentant le Christ assis sur un trône à la manière de l’empereur de Byzance.
Le Christ Pantocrator se retrouve alors au sommet des coupoles entouré d’anges, dominant une hiérarchie bien définie. Sur les murs, à un niveau intermédiaire – et particulièrement sur la clôture du sanctuaire appelée iconostase – sont représentés les saints, alors qu’au sol se retrouvent les fidèles priant en leur compagnie. L’architecture et la décoration des lieux évoquent ainsi la rencontre du ciel et de la terre.
Si nos églises de tradition latine ne connaissent pas une approche aussi subtile, plusieurs attestent dans la décoration de leurs coupoles ou de leurs portails, que le concept de puissance associé au Christ ressuscité se sera tout de même imposé dans l’ensemble de la culture chrétienne. Quant aux icônes devenues si populaires, elles ont favorisé l’élargissement de notre vocabulaire et donné accès à une riche tradition spirituelle.