Sur sa route, les événements conduisent le chercheur de Dieu à des lieux; les attitudes des gens l’interpellent et il reprend la marche. Mais où doit se situer le catéchète?
Des situations de vie
Pour peu que l’on sache observer, on peut voir combien l’être humain est en quête de réalisation de toutes les dimensions de sa personne. Sa recherche est parfois intense. Son bonheur en dépend! Voici quelques exemples :
- Ils sont deux à se présenter au curé pour inscrire leur poupon au baptême.
Quelles questions va-t-il nous poser?
Que va-t-il exiger? Bien sûr, nous ne sommes pas mariés… est-ce que ça va nous causer des problèmes?
Un baptême communautaire, ça ne nous dit pas grand chose. En fait, nous aimerions vivre une expérience intime, familiale, mais… bon! on va faire avec…
En définitive, il y eut une rencontre intéressante avec un homme compréhensif.
Ce que nous vivons semble avoir de l’importance à ses yeux. -
Il est seul et recherche un lieu différent.
Fatigué de fonctionner comme si la vie était une course et de se demander quand il aura enfin le temps de faire autre chose que de s’assurer le « vital ». Dimanche matin, il prend la route de l’Oratoire sans trop se poser de questions… sinon il risquerait de faire demi-tour. Il a besoin d’un espace qui lui reflète autre chose que ce qu’il a sous les pieds. Simplement une place discrète dans ce lieu habitué au va-et-vient des gens. Se confondre aux touristes! Le grand espace, la nature, la montagne, sa solitude entourée par des centaines d’autres personnes, le silence et des mots de foi qui lui parviennent aux oreilles. Ne pas réfléchir… seulement se laisser atteindre par tout cet environnement qui semble ouvrir à un grand univers. À qui en parler? -
Je suis jeune et je cherche.
Dans notre monde, que reste-t-il pour une jeune femme en quête des mots d’une foi intelligente, engagée et qui ne veut pas se sentir « embarquée » trop vite dans quelque chose. La solution : GOOGLE.CA. Champ de recherche : « jeunes, chrétiens, Montréal ». Résultat : Relais Mont-Royal, Bande FM et autres… Petite visite sympathique, pas nécessairement concluante. Ma paroisse? C’est vieux, dépeuplé. -
J’apprends que la librairie Paulines vient d’offrir un lieu alternatif…
Non seulement les sœurs veulent-elles vendre leurs volumes, mais elles offrent une vraie oasis, un lieu de ressourcement, une belle plate-forme éducative. Présentement, le Centre comprend la librairie, un café-bistro et une salle de soixante-quinze places; il sera doté éventuellement d’un site Internet.
Ce Centre permettra de rendre service aux milieux ecclésiaux et de rejoindre d’autres publics : les groupes du quartier, les jeunes, les parents, et particulièrement les personnes en recherche d’un sens à donner à leur vie, de même que celles qui ont pris leurs distances par rapport à l’institution ecclésiale. Il y aura aussi des activités pour les personnes qui s’intéressent aux événements littéraires ou aux questions philosophiques, sociales et religieuses.
www.paulines.qc.ca - Un confrère récemment de retour de plusieurs années de travail missionnaire à Taiwan me disait sa joie profonde d’aller quotidiennement « perdre son temps » au service des passants à la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes. Au cœur du Quartier latin, il est là, disponible pour qui veut le rencontrer, discuter, faire le point ou simplement avoir son avis. Il écoute, encourage, soutient, et, à l’occasion, offre la certitude de la miséricorde de Dieu. J’accompagne, dit-il, celui ou celle que je ne reverrai jamais. Mon défi, c’est de faire comme si je l’avais toujours attendu. Ma foi profonde, c’est de croire qu’on se reverra un jour!
Sur sa route, les événements conduisent le chercheur à des lieux; les attitudes des gens l’interpellent et il reprend la marche. Mais où doit se situer le catéchète?
Sur nos routes d’Emmaüs
Jésus allait son chemin. J’aime l’imaginer offrant simplement des « Bonjour », des « Comment ça va ce matin? » des « Quoi de neuf? » aux personnes qu’il rencontrait.
Au-delà des paroles et des gestes qui ont fait de sa vie un Évangile, Jésus a croisé tant et tant de gens qui allaient et venaient. Son point d’ancrage, c’était la vie; sa mission: parler du Père aux carrefours de cette vie, là où les gens vont et viennent.
Il y avait certes les disciples, ce groupe au cœur saisi, qui ne peuvent faire autre chose que de le suivre à la recherche d’un enseignement nouveau. Ils sont convaincus d’être en marche sur la route de l’essentiel. Ils ont tout quitté pour être à sa suite! Mais les autres? Jésus n’a pas interpellé seulement à coup de : « Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi »?… (Mt 19,21) Les hommes et femmes de ma vie me donnent à penser…
Notre Église a saisi l’importance de mettre sur pied un vaste chantier catéchétique. Il faut non seulement faire connaître Jésus-Christ, évangéliser, mais relancer les chrétiennes et chrétiens, à la suite du Ressuscité, sur nos propres routes d’Emmaüs. Pour ce faire, deux passages s’imposent : du lieu à la disponibilité, de l’habileté à l’attitude.
Passer du lieu à la disponibilité
Lorsque les pierres de nos grandes églises auront fini de s’effondrer ou de ruiner le portefeuille des quelques pratiquants qui tiennent, que va-t-il advenir de la chrétienté d’ici? L’inquiétude est mauvaise conseillère!
Voyez, des nouveautés apparaissent déjà aux carrefours de la vie :
- les Filles de Saint-Paul innovent;
- le centre Le Pèlerin forme des gens à l’accompagnement spirituel;
- les facultés de théologie se décloisonnent en s’ouvrant à l’univers de la science des religions;
- des communautés chrétiennes alternatives n’attendent pas l’érection d’un clocher pour exister, ni de permissions pour donner leurs mots à leur foi vécue, approfondie et célébrée.
Le lieu a peu d’importance, mais avoir des accompagnateurs, hommes et femmes au cœur d’Évangile, libres, créateurs et ouverts, voilà l’essentiel!
Certes, il restera toujours des lieux de chrétienté, de catholicité, bien identifiés. C’est nécessaire! Mais en ce temps de mouvance, il faut aussi aller sur les routes de la vie : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples… » (Mt 28,19)
Il faut que notre Église envoie, qu’elle laisse aller des hommes et des femmes de foi qui partiront à la rencontre de leurs concitoyens à la recherche de sens, porteurs de questions et de certitudes. Notre Église a encore besoin de ces envoyés.
Ici, il n’est pas question d’une catéchèse initiatique chargée de préparer des personnes à marquer les étapes de leur cheminement chrétien. Celle-là est nécessaire et bien orientée; elle répond à une attente.
Passer du lieu à la disponibilité, c’est…
- laisser résonner, de nouveau, le nom connu de Jésus-Christ au cœur de situations de vie particulières, là où cette vie a amené les gens;
- prendre le risque de s’engager sur le terrain de l’autre, là où le sens des mots ne s’impose pas d’emblée;
- pénétrer le grand espace de vie de la non-attente et risquer le témoignage. Ce type d’accompagnement n’est possible que dans une ouverture au dialogue.
L’accompagnement humain et spirituel commence par un risque : celui de la rencontre. Le tout, sans autre attente que celle nourrie par Jésus dans ses allées et venues en Galilée.
Passer du lieu à la disponibilité, ce n’est ni nier le premier, ni idéaliser le second, mais mettre de côté toute attente et donner libre cours à l’Esprit qui habite les cœurs, dérange et sait faire naître ce qui doit advenir pour son Église.
Passer de l’habileté à l’attitude
On ne s’improvise pas plus catéchiste que bibliste prétendant maîtriser le sens des textes sacrés. L’un et l’autre composent avec le mystère d’un Dieu qui s’est révélé et qui ne cesse de le faire. Il ne s’agit pas ici de nier la formation nécessaire à tout accompagnateur respectueux des gens et de la grandeur de l’Évangile dont il est porteur.
Le disciple est d’abord un chercheur qui ne cesse d’être en quête de la vérité. Le catéchiste est un être qui connaît les mécanismes de l’accompagnement humain, surtout dans cette zone délicate de la spiritualité. Avant tout, le catéchiste est une personne de foi qui ne cesse de vouloir comprendre pour mieux marcher au côté de ceux et celles vers lesquels il est envoyé.
Passer de l’habileté à l’attitude, c’est vouloir apprivoiser le récit unique d’une vie. C’est lire chaque vie comme un page d’écriture sainte pour y découvrir la trace de Dieu. Et alors, l’étonnement, le respect et même la contemplation de l’agir de Dieu dans l’existence gagnent le disciple.
« De quoi discutiez-vous en chemin? » (Lc 24,17), demandait Jésus à ces hommes assombris sur la route d’Emmaüs. Faire face à l’intensité du questionnement des pèlerins d’Emmaüs d’aujourd’hui, accepter d’aller au bout de leur sentiment, laisser leurs mots dresser des rampes d’accès à la foi, voilà l’habileté du catéchète lorsqu’elle devient une attitude incarnée. Elle ouvre alors la voie à la rencontre avec le Ressuscité.
L’étymologie du mot catéchèse se réfère à l’aller-retour de la parole. L’attitude profonde de l’accompagnateur est d’accueillir la foi qui émerge des paroles joyeuses ou blessées, craintives ou déterminées, des êtres humains en quête de bonheur.
Connaître Dieu pour mieux être à la recherche de son nom; aimer nommer Dieu avec les mots de tous les jours, voilà les attitudes qui lancent le catéchète sur les routes humaines, disponible à la réalisation du Règne de Dieu pour aujourd’hui et demain.
Les tous venants
Ils sont nombreux au bout du clavier de leur ordinateur à confier leur quête de sens à la grande toile informatique. Et combien d’autres frappent aux portes du bon vouloir des humains afin de communiquer. Ils sont des tous venants qui appellent le regard et l’écoute du cœur. Ils ne promettent rien d’autre que de repartir sans même confirmer la mission du catéchète.
Ils sont sur nos routes d’Emmaüs; ils s’approchent lorsque quelqu’un ose lancer un « Bonjour », sans plus d’intention que d’aimer rencontrer ceux et celles que Dieu a créés.
Ils sont des catéchètes, hors programmes, au service du Vivant!