La procession des Rameaux et leur usage, ont une longue histoire. Mieux la connaître n’est pas sans intérêt. Elle colore notre lecture et notre compréhension de la Passion du Christ.
Vous avez dit « rameaux »…
Rameaux! Un mot quelque peu savant pour évoquer une branche d’arbre mais qui d’entrée de jeu provoque des associations : dimanche des rameaux, bénédiction des rameaux, procession des rameaux, rameaux bénits… Tout de même, du moins au Canada francophone, on emploie plus couramment le mot palmes pour désigner les rameaux. Sans trop le réaliser, on fait alors référence aux rameaux de palmier.
En cela nous ne sommes pas seuls. Ne dit-on pas en latin Dominica in Palmis, alors que les anglophones ont leur Palm Sunday. Et ce n’est pas sans raison. Alors que l’évangéliste Matthieu fait allusion à des branches d’arbres, Marc à de la verdure et que Luc ignore le détail, Jean évoque explicitement des rameaux de palmiers tenus en main pour accompagner de cris de joie l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.
Une pratique séculaire
Voilà qui suffit à fonder la pratique de les utiliser lors du rappel de cet événement préludant à la Sainte Semaine. Mais qu’en est-il au juste et comment mettre en œuvre cette coutume liturgique déjà bien établie dès les premiers siècles? Pour bien en saisir la portée symbolique un peu d’histoire s’impose.
Si généralement on s’entend pour attester que la tradition de la procession des rameaux s’implante un peu partout en Europe au VIIIe siècle, en l’an 384, une extraordinaire voyageuse, la bienheureuse Égérie, se retrouve à Jérusalem pour la fin du Carême et les célébrations pascales. Son Journal de voyage raconte ce qui suit.
Quand la onzième heure commence, on lit ce passage de l’évangile où des enfants avec des rameaux et des palmes (donc le texte de Jean) vinrent à la rencontre du Seigneur en disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »
Aussitôt après, l’évêque se lève ainsi que tout le peuple, puis, du sommet du mont des Oliviers, on fait tout le chemin à pied. Tout le peuple va devant l’évêque avec des hymnes et des antiennes, en répondant toujours : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »
Et tous les enfants du pays, jusqu’à ceux qui ne peuvent pas marcher parce qu’ils sont trop jeunes et que leurs parents portent sur leurs épaules, tous tiennent des rameaux, qui de palmier, qui d’olivier; et ainsi on escorte l’évêque de la même manière qu’a été escorté alors le Seigneur.1
La pratique de la Procession des Rameaux est déjà bien établie lors de la fixation des premiers rituels. Sa leçon n’est pas sans importance.
Une lecture pascale de la Passion
La joyeuse commémoration de l’entrée de Jésus à Jérusalem comme prélude à la Passion peut étonner, d’autant plus qu’elle vient interrompre le « sérieux » du Carême. Mais elle s’est imposée, comme s’est imposée dans la rédaction des évangiles l’association Transfiguration, Entrée triomphale et Passion. Un chrétien ne peut faire abstraction de la résurrection même quand il médite la Passion. Tout comme les Évangiles, la liturgie ne craint pas de l’attester.
Un bel exemple est celui de la Fête de la Transfiguration célébrée le 6 août, quarante jours – un Carême – avant la Fête de la Croix Glorieuse le 14 septembre. Elle donne le ton à l’ensemble de la démarche. Chez les orthodoxes, le samedi qui précède les Rameaux, est appelé « samedi de Lazare » parce que, ce jour-là, on se remémore la résurrection de Lazare.
Certes, dès que la liturgie des Rameaux se termine, le ton change pour faire place à la Passion. Mais c’est bien dans une atmosphère de résurrection que Jésus entre à Jérusalem. Elle sert nécessairement d’éclairage aux chrétiens invités à relire la Passion du Christ. Évidemment une tension existe entre les deux réalités, d’ailleurs le rouge des vêtements présent aux deux liturgies est là pour le rappeler.
Les rameaux de palmiers
Vue la mention explicite de palmes dans l’évangile de Jean, leur usage s’est largement imposé. Certes, les retrouver dans les pays plus nordiques n’est pas sans exotisme mais n’est-ce pas propre à évoquer le souvenir du pays de Jésus.
Techniquement, c’est le Sabal Palmetto, qui en Amérique du nord fournit nos palmes. Il s’agit d’un palmier décoratif poussant à l’état sauvage dans les zones humides et marécageuses de la Floride.
Par ailleurs, l’usage des palmes n’est pas exclusive. En France, le laurier, l’olivier et surtout le buis sont d’usage courant alors qu’ici on retrouve le sapin ou le thuya (cèdre). Par ailleurs, ils ne se prêtent pas facilement à la fabrication des traditionnelles cocottes si populaires, un peu partout à travers le monde.
De l’Amérique du sud au nord de l’Allemagne, on rivalise d’imagination pour tresser et orner les palmes ou les rameaux rassemblés en gerbes. La tradition populaire en a bien compris la dimension festive.
Mise en oeuvre
L’Entrée solonnelle
Même si le rituel prévoit que la bénédiction des rameaux se fait dans un lieux autre que celui de la célébration qui suivra afin de vivre une véritable procession, nos climats nous obligent à opter pour la deuxième forme: « l’Entrée solennelle ».
Tout de même, pour bien marquer que le lieux du rassemblement évoque le souvenir de la Jérusalem de Jésus, à défaut de ne pouvoir y entrer solennellement en procession, il peut être intéressant de franchir un portail décoré avec soin. Cette décoration extérieure sera un signe pour les passants et mettront déjà en appétit ceux qui entreront.
Croix de procession – Croix à promixité de l’autel – Croix décorée
Le rituel suggère que la croix de procession soit décorée. Il ne faudrait pas la négliger ni surtout l’oublier particulièrement en ce dimanche. Le rituel rappelle d’ailleurs qu’on trouve « en tête le ministre portant la croix ornée d’un rameau ».
Idéalement, comme le suggère la Présentation Générale du Missel Romain, cette croix de procession sera celle qui, en principe, se retrouve en permanence à proximité de l’autel.
Draper un tissu rouge sur son socle et y disposer harmonieusement une ou plusieurs palmes – sans toutefois la masquer – serviront à la mettre en évidence. En France, dans certaines régions, une belle expression désigne ces croix décorées de rameaux, on les appelle des « croix hosannières », faisant référence au chant du Hosanna qui accompagne la liturgie des Rameaux.
Un mot sur la distribution des rameaux
Enfin, je me permets d’attirer l’attention sur la distribution des rameaux. Souvent ils sont offerts par les paroisses. Des bénévoles fractionnement les palmes et les présentent aux participants lors de l’accueil. Ce geste mérite d’être soigné. Il crée un lien entre la communauté et la maison car la célébration terminée, on aime en rapporter chez soi et les conserver l’année durant. Dans un beau geste catéchétique, on peut à l’occasion s’y référer.