« Qui me voit, voit le Père » affirme Jésus. À la lumière du Christ, le visage de la paternité divine se révèle « initiative », « liberté », « don », « service », « compassion » …
Cet article reprend quelques idées de l’ouvrage de Rémi Brague intitulé « Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres » que nous vous conseillons grandement (Éditions Flammarion, 2008).
« Dieu est Amour » nous dit saint Jean (1 Jn 4,8).
La foi au Dieu trinitaire (Père, Fils et Esprit-Saint) exprime l’idée que Dieu vit l’Amour (communion, accueil et don) de toute éternité, donc avant même la création du monde.
Dieu-Amour… Dieu-Trinitaire… mais aussi… Dieu-Père… :
« Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié… » (Mt 6,9)
Dans la tradition judéo-chrétienne, Dieu est Père. Mais dans quel sens nous demanderons-nous?
Un Dieu Père qui prend l’initiative
Dieu dit : « Faisons l’homme (être humain) à notre image, selon notre ressemblance.
Dieu créa l’homme (être humain) à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. (Gn 1,26-27)
Dans le poème de la création…
- … Dieu prend l’initiative, en toute liberté, de créer le monde : l’avènement de l’homme et de la femme étant le couronnement de l’acteur créateur.
- … Dieu crée par sa Parole (Verbe).
Il se dessine donc dans ce récit une paternité divine marquée par l’initiative et la liberté, traits distinctifs de l’Amour véritable. (p. 123)
De plus, le récit de la création apporte à celle de la paternité divine une mise au point de très grande importance :
Le récit de création affirme également que « l’homme (être humain), et l’homme sexué, comme homme-et-femme, est l’image de Dieu (…). Nous sommes hommes et femmes parce que nous sommes à l’image de Dieu. De plus, nous sommes hommes-et-femmes-à-l’image-de-Dieu parce que nous sommes créés. » (p. 122-123)
Dieu est Père… mais il n’est pas mâle. La révélation judéo-chrétienne est révolutionnaire sur ce point : la femme tout autant que l’homme dit quelque chose de Dieu.
Dit autrement, contrairement à une conception très répandue : Dieu n’est pas plus mâle que femelle.
La paternité de Dieu ne peut donc servir à fonder un privilège au sexe masculin ou à être récupéré dans le sens d’un abus de pouvoir en faveur de l’homme au détriment de la femme. (p. 127)
Comme l’affirme Rémi Brague :
Si Dieu peut être le Père, le Père absolu, c’est précisément parce qu’il n’est pas mâle. (p. 124)
La réflexion d’Israël sur son expérience de Dieu
L’image de « Père » présente dans la révélation judéo-chrétienne n’a, étonnamment, rien d’évident :
Cette image connaît différentes préfigurations dans différentes religions, mais n’est pleinement développée que dans le judaïsme et le christianisme. À titre d’exemple, le Dieu de l’islam n’est pas appelé « père », et la piété musulmane ne place pas ce terme parmi les 99 « plus beaux noms de Dieu » qu’énumère la tradition. (p. 123)
Dès le début de la réflexion d’Israël sur son expérience de Dieu, et de plus en plus nettement au fur et à mesure que celle-ci se précise, le choix par Dieu est compris comme ce qui le constitue comme peuple (p. 122) :
- Dieu se choisit un peuple (Dt 4,34). C’est l’alliance avec Dieu qui constitue le peuple d’Israël. Elle est vue dans la Bible à travers diverses images conjugales. (p. 122)
- L’idée de création, appliquée d’abord implicitement au peuple, puis explicitement à l’ensemble de ce qui existe, entraîne une autre image, qui vient s’ajouter à l’image conjugale de Yahweh époux d’Israël. Le Dieu biblique apparaît aussi comme le père de son peuple qui est son fils :
« Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils. » (Osée 11,1)
« Tu diras à Pharaon : Ainsi parle le Seigneur : Mon fils premier-né, c’est Israël. » (Ex 4,22-23a)
La paternité de Dieu à la lumière du Christ
Selon saint Paul, c’est de la paternité de Dieu, que toute véritable paternité, au ciel comme sur la terre, tient son fondement (Ep 3,15). Il y a là un appel à repenser la paternité humaine à partir de la paternité divine :
C’est le projet éternel que Dieu a réalisé dans le Christ Jésus notre Seigneur. (…)
C’est pourquoi je tombe à genoux devant le Père,
de qui toute paternité au ciel et sur la terre tient son nom.
Lui qui est si riche en gloire, qu’il vous donne la puissance de son Esprit, pour que se fortifie en vous l’homme intérieur.
Que le Christ habite en vos cœurs par la foi; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. (Ep 3,11.14-17)
Le Christ nous a révélé, par ses gestes et paroles, le sens de la paternité divine :
Mais il leur dit : « Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs.
Pour vous, rien de tel! Au contraire, que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert? N’est-ce pas celui qui est à table? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. (Lc 22,25-27)
Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père.
Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. »
Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. »
Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père”?
Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres.
Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes. » (Jn 14,7-11)
« Qui me voit, voit le Père » affirme Jésus.
À la lumière du Christ, le visage de la paternité divine se révèle « initiative », « liberté », « don », « service », « compassion » …