Quand la vie ordinaire n’est plus ordinaire

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Un lieu de sainteté

Alors que nous pourrions être tentés de penser que la « sainteté » est l’apanage de personnes qui ont fait des choix de vie assez exceptionnels, Madeleine Delbrêl nous rappelle que la vie de charité, qui est le cœur même de la vie chrétienne, est offerte à tous.

Cet article a été composé à partir de « Prier 15 jours avec Madeleine Delbrêl » (p. 0-50) par Bernard Pitaud, Éditions Nouvelle Cité, 2016. Les citations de Madeleine Delbrêl sont tirées d’ouvrages qui sont le fruit de ses notes, textes de conférences et conseils destinés à des équipes.

« Ce monde où Dieu nous a mis »

L’Esprit souffle en tout lieu. La vie chrétienne se vit selon une multiplicité de vocations, selon l’attrait profond de tout un chacun.

Prier 15 jours avec Madeleine DelbrêlMadeleine Delbrêl pour sa part a été particulièrement sensible à l’appel d’une vie selon l’Évangile au cœur même de ce qu’elle appelait la « vie ordinaire » :

« Ce sont des gens qui font un travail ordinaire, qui ont un foyer ou sont des célibataires ordinaires.
Des gens qui ont des maladies ordinaires, des deuils ordinaires.
Des gens qui ont une maison ordinaire, des vêtements ordinaires.
Ce sont les gens de la vie ordinaire.
Les gens que l’on rencontre dans n’importe quelle rue.
Ils aiment leur porte qui s’ouvre sur la rue (…).
Nous autres, gens de la rue, croyons de toutes nos forces que cette rue, que ce monde où Dieu nous a mis est pour nous le lieu de notre sainteté.
Nous croyons que rien de nécessaire ne nous y manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné. »
(Œuvres Complètes, tome 7, p. 23-24)

Alors que nous pourrions être tentés de penser que la « sainteté » est l’apanage de personnes qui ont fait des choix de vie assez exceptionnels, comme la vie monastique ou missionnaire par exemple, Madeleine Delbrêl nous rappelle que la vie de charité, qui est le cœur même de la vie chrétienne, est offerte à tous.

« L’ordinaire » cesse alors d’être banal et sans intérêt, car il peut être illuminé de l’intérieur. Le Christ lui-même n’a-t-il pas vécu cet « ordinaire » pendant plus de 30 ans?

La beauté de la vie naît de la profondeur de notre engagement et non du caractère extraordinaire de telle ou telle situation :

« La taille du paradis en nous c’est l’accomplissement minutieux et magnanime de notre devoir quotidien » (Œuvres Complètes, tome 7, p. 33).

Apprendre à aimer Dieu au cœur de la vie ordinaire

L’amour de Dieu est premier

Madeleine Delbrêl insiste sur le fait que c’est Dieu qui, au premier chef, est le grand amoureux de l’être humain :

  • C’est Lui qui nous aime en premier. Son amour est absolument gratuit : c’est même sa qualité première. Son amour est créateur.
  • Son amour exceptionnel s’est donné à voir de manière toute particulière en Jésus-Christ.
  • Si nous pouvons parfois peiner à nous trouver « aimables », il est consolant de savoir que l’amour de Dieu ne dépend en rien de nous, car il est « invinciblement l’aimant » (Joie de croire, p. 50). Son amour est le fondement de notre bonté originelle.
  • Il aime « sans mesure, sans nos mesures » (Indivisible Amour, p. 21) parce qu’il n’est limité en rien et qu’il n’engage que lui-même dans son acte d’aimer, avec la plénitude de son être.

La vie chrétienne est fondamentalement une réponse libre à ce grand amour. Le désir d’aimer qui habite le cœur humain est Don de Celui dont l’amour est toujours premier.

Un amour qui se cultive

À l’instar des amoureux qui savent inventer mille et une trouvailles pour entretenir leur amour mutuel, Madeleine Delbrêl sait qu’il importe d’être imaginatif pour cultiver l’amour de Dieu.

C’est dans la « banalité des petites choses de notre quotidien » que nous pouvons concrètement aimer Dieu :

« Nous ne pensons pas que l’amour soit chose brillante, mais chose consommante; nous pensons que faire de toutes petites choses pour Dieu nous le fait autant aimer que de faire de grandes actions. » (Œuvres Complètes, tome 7, p. 28).

Le regard de la foi

Madeleine Delbrêl savait voir « Dieu à l’œuvre » dans sa vie :

« On sonne? Vite, allons ouvrir, c’est Dieu qui vient nous aimer. Un renseignement?… le voici… c’est Dieu qui vient nous aimer » (Œuvres Complètes, tome 7, p. 30).

La prière habitait et nourrissait son quotidien aux couleurs de l’action de grâce, de la demande et de l’offertoire.

Pour elle, l’amour de Dieu était inséparable de l’amour du prochain :

« L’amour du prochain n’est pas un moyen de l’amour de Dieu. Il est un état où l’amour de Dieu nous met » (Indivisible Amour. p. 73).

Cet amour est fraternel, jamais condescendant, gratuit, universel et personnel.

Dieu est partout, en tous ces visages qui cessent d’être anonymes lorsque nous commençons à les aimer. (p. 23)

On ne peut donner que ce que l’on vit

Suite à sa conversion, Jésus-Christ fut pour toujours l’ami sans lequel Madeleine Delbrêl ne pouvait plus imaginer exister.

Sa foi est source de joie profonde. Elle la qualifie de trésor « qui manque au monde et que nous devons emporter avec nous. » (Œuvres Complètes, tome 3, p. 57)

Ce trésor que nous portons demande cependant à être conquis : au-delà d’une compréhension purement intellectuelle, Madeleine Delbrêl insiste sur le fait que c’est la pratique de l’Évangile qui est gage de connaissance véritable, de joie et de vie.

« Celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3,21)

C’est par sa mise en œuvre que l’Évangile pourra être annoncé, car si nous ne sommes pas contagieux, c’est en raison de la distance qui existe entre nos paroles et nos actes.

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