La résurrection du Christ est au cœur de la foi chrétienne, mais encore faut-il pouvoir en rendre compte. C’est que fait Joseph Moingt à travers un petit livre qui ne se veut pas un savant traité de théologie, mais le témoignage du questionnement d’un croyant quant à son espérance et à sa foi.
Joseph Moingt, L’évangile de la résurrection – Méditations spirituelles, Novalis-Bayard 2018, 94 p.
Centenaire
Le jésuite Joseph Moingt – maintenant centenaire – publie encore. Son œuvre est considérable. Par ailleurs il n’est pas qu’écrivain de renom et enseignant de haut calibre, il est aussi homme de terrain. C’est ainsi qu’en 2008 il a offert à l’église Saint-Ignace à Paris six méditations spirituelles sur le thème de la résurrection et de son annonce. La maison Bayard vient d’en rééditer le texte.
Une pensée claire et des convictions
Les propos du père Moingt se caractérisent toujours par une pensée claire qui n’élude jamais les questions délicates. La thématique de la résurrection n’en est pas exempte. Des préoccupations accompagnent donc sa démarche ce qui lui permet de partager quelques-unes de ses convictions et d’éclairer la rumeur de la résurrection qui est venue jusqu’à nous. En voici quelques-unes retrouvées au fil de ses méditations.
Le binôme mort et résurrection
La réalité de la résurrection est indissociable de la foi chrétienne sinon elle est vaine, pour reprendre les mots de saint Paul. Il en est de même du binôme mort et résurrection. Même si c’est le cas trop souvent, mort et résurrection ne peuvent être séparés.
Et Joseph Moingt de rappeler que si nous les séparons, toute l’œuvre du salut se résume dans la souffrance endurée par Jésus en expiation de nos fautes par ordre de la justice divine, et sa résurrection, détachée de l’histoire, se réduit à sa glorification en Dieu et à la récompense qui nous attend au ciel.
L’affirmation est majeure, car il en va de la compréhension de l’action de la résurrection à l’œuvre dans la mort du Christ. Elle travaille déjà à la destruction de toute mort. Sa mort produit une semence de vie éternelle. Habitant nos corps elle les conduit à la résurrection.
La cohérence des Écritures
Notre auteur en bon exégète est sensible à la question de la cohérence des Écritures et de ce qu’il appelle la convergence des deux Testaments. Ils éclairent la foi des disciples comme ils éclairent la nôtre. L’acte créateur se déploie en histoire de salut. Il invite ainsi son lecteur à mieux s’approprier la démarche de saint Paul cherchant à comprendre l’événement de la croix. Pour Paul, le Premier Testament est comme une « préhistoire » du Christ.
Le salut devient alors une œuvre globale. La mort vaincue par la vie annonce à sa manière la réussite de la création. L’événement de la résurrection transcende l’histoire.
Et l’objectivité?
Une question revient toujours : le Jésus de l’histoire est-il le même que le Jésus de la foi? En d’autres mots, la lumière de Pâques a-t-elle transfiguré le passé de Jésus dans l’esprit des narrateurs? La préoccupation n’est pas négligeable, car elle confronte le désir de faire croire par la transmission d’un savoir. L’objectivité est ici en cause et un chrétien ne peut se dérober.
Les propos du père Moingt sont éclairants. Il insiste sur deux points principaux à savoir que les disciples de Jésus revenant sur le passé de Jésus après Pâques ont repoussé la tentation de garder leurs yeux fixés sur sa gloire invisible. Ils ont tenu au contraire, à le replonger dans sa carrière humiliée et souffrante, dans la condition commune à tous les hommes.
Les évangélistes ont eu le souci de ne pas laisser Jésus s’évader de l’histoire, ce qui met davantage en lumière les moments où les rédacteurs laissent transparaître, ce que notre auteur appelle des éclairs de divinité. Peut-on prétendre les séparer? Nous sommes en présence d’une seule et indivisible histoire de Jésus.
Donner corps à l’homme nouveau
Dans la mort et la résurrection de Jésus Dieu a mis au monde un homme nouveau pour reprendre le vocabulaire de saint Paul, quelqu’un d’unique, d’unifié par la pratique du commandement nouveau.
Pour conclure ses méditations, Joseph Moingt porte un regard courageux sur la perte de vitalité de l’église menacée par la sécularisation et les scandales qui l’affligent. Il nomme sans détour le risque qu’elle court de se confiner dans le sacré, d’être davantage préoccupée de restaurer son passé et de se soucier plus de son avenir que des affaires et des malheurs du monde.
C’est alors qu’il affirme avec vigueur que l’annonce de la résurrection passe par le témoignage rendu à l’humanité dans le service fraternel. C’est la seule voie possible pour donner corps à l’homme nouveau.
À méditer
Félix-Antoine Savard le poète et romancier québécois disait que l’héritage engage l’héritier. Enzo Bianchi fondateur de la communauté œcuménique de Bose en Italie reconnaît pour sa part que transmettre est la seule manière de rester fidèle à ce qu’on a reçu. C’est bien ce que fait Joseph Moingt à travers six méditations qu’il nous offre à savourer et à… méditer.