La liberté chrétienne est à la fois un don de Dieu et une oeuvre à réaliser. Parce que ce don est force et dynamisme, il fait appel à la créativité et à l’engagement du croyant.
Jésus de Nazareth, un homme libre
Face à Dieu et aux êtres humains, une grande liberté
Aux racines mêmes du christianisme, Jésus de Nazareth est l’exemple parfait d’une grande liberté face à Dieu et face aux gens de son temps.
Il a vécu son existence terrestre dans une relation personnelle faite de liberté et d’assurance par rapport à Celui qu’il nomme Père et en qui il place sa confiance.
Une liberté qui se vit en relation avec son Père
La fréquentation de l’Évangile nous permet de vraiment découvrir en Jésus une personne entièrement libre. Et cette liberté puise à la source même de sa relation d’amour avec Celui qui l’a envoyé : « Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait » (Jn 5,20). Ou encore : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir » (Mt 3,17).
Il n’est donc pas surprenant de constater que l’agir de Jésus soit marqué quotidiennement par l’assurance de l’amour de Dieu à son égard et, en conséquence, par la liberté.
L’Esprit, source de liberté
De plus, les Évangiles nous montrent clairement que la source immédiate de sa grande liberté, c’est l’Esprit en lui.
Jésus vit constamment sous l’emprise de l’Esprit qui l’a marqué de son onction lors de son baptême :« Voici que les cieux s’ouvrirent et Jésus vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui » (Mt 3,16).
Toujours il demeure sous l’influence de l’Esprit. Marc s’exprime ainsi : « Tout de suite après (son baptême), l’Esprit le pousse dans le désert. Jésus y resta pendant quarante jours et il fut tenté par Satan » (Mc 1,12-13).
À son tour, Luc mentionne que Jésus a commencé son œuvre en Galilée, « plein de la puissance du Saint-Esprit … et il enseignait dans leurs synagogues» (Lc 4,14-15) ; il laisse ainsi entendre que Jésus s’est laissé guider par l’Esprit tout au cours de sa mission terrestre. De là sa grande liberté!
Une liberté qui s’exprime dans l’amour et le don
Sa liberté s’exprime d’abord dans l’amour et le service des autres. Il affirme être venu pour servir et donner sa vie (Mc 10,45); « Celui qui veut être grand doit se faire le serviteur de tous » (Mc 10,43-44).
Une liberté par rapport à l’interprétation pharisaïque de la Loi
Sa liberté est vraiment une façon de vivre. Elle se manifeste, entre autres, par rapport à l’interprétation pharisaïque de la Loi de Moïse qui, peu à peu, était devenu un fardeau pour les croyants et aliénait leur propre liberté : « Ils (les Pharisiens) lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes, alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt » (Mt 23,4).
Une liberté dans ses relations avec les personnes
Jésus fait montre aussi d’une grande liberté dans ses relations avec les gens :
- sa fréquentation des pécheurs;
- son comportement à l’endroit des femmes;
- ses miracles en régions païennes;
- ses guérisons en faveur des gens déclarés impurs, tels les lépreux…
Sa liberté s’accompagne du souci constant de libérer la vie autour de lui. Ses nombreux miracles en faveur des gens malades l’attestent fortement. À y regarder de près, Jésus est vraiment le plus libre des enfants des hommes!
Marcher librement à la suite de Jésus
Marcher librement à la suite de Jésus, voilà une note caractéristique de la foi chrétienne. Et qui donc peut tracer la route de la vraie liberté, sinon Jésus qui l’a parcourue le premier?
Et si pour Lui être libre veut dire « Agir uniquement par amour, sans aucune trace d’égoïsme » (François Varillon), il en va de même pour les disciples de Jésus.
L’amour est tellement important pour Jésus qu’il en fait même la marque essentielle de ceux et celles qui le suivent : « Le Père vous aime (Jn 16,27)… Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Comme autrefois les disciples d’Emmaüs, nous sommes appelés à laisser le Seigneur nous éduquer à la vraie liberté dans l’amour.
Saint Paul et la liberté chrétienne
Le Ressuscité ouvre la route de la liberté véritable
À vrai dire, c’est le Ressuscité qui va ouvrir pour ses disciples la route de la liberté. Saint Paul l’a bien compris et annoncé dans ses lettres aux communautés chrétiennes qu’il a fondées et visitées. Oui, Paul a été le grand héraut de la liberté conférée par le Christ aux siens dans le mystère de sa mort-résurrection.
Aux Galates il proclame avec force : « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale » Ga 4,4-5). Selon ce passage, le fondement de la liberté du disciple, c’est la venue, la mort et la résurrection du Christ.
Le but de sa venue dans notre condition humaine : faire éclater l’esclavage de l’être humain et sauver ainsi l’humanité par le mystère de sa mort-résurrection. Jésus a été marqué par le tragique de la condition humaine (assujetti à la Loi); il ne nous a pas sauvés de l’extérieur, sans se compromettre; il est descendu au plus profond de notre esclavage pour le briser de l’intérieur.
Voilà pourquoi la mort-résurrection du Christ est le mystère qui fonde la liberté chrétienne et la possibilité de libération pour l’humanité.
L’Esprit, source de liberté
Par ailleurs, la source immédiate de la liberté du chrétien reste l’Esprit du Christ en lui. En effet, Paul ajoute : « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie Abba, Père! Aussi n’es-tu plus esclave mais fils; fils, et donc héritier de par Dieu » (Ga 4,6-7).
Par la mort-résurrection du Christ et par le don de l’Esprit, les croyants sont passés de l’état d’esclave à l’état de fils de Dieu; et comme fils, ils sont devenus héritiers des biens du salut et dotés de la liberté des enfants face à un Père aimant. Le chrétien véritable est donc libre puisqu’il agit sous l’impulsion d’un dynamisme intérieur qui n’est nul autre que l’Esprit même du Christ en lui.
La loi, les prescriptions, les codes, en tant que principes extérieurs à l’homme, ne peuvent lui conférer cette liberté profonde dans son agir.
L’Esprit libère de la peur de Dieu
L’Esprit libère aussi le croyant de toute crainte en face de Dieu à qui on peut maintenant donner en toute confiance le titre de Père.
Avant Jésus, aucun Juif n’avait osé dans ses prières interpeller Dieu sous le titre familier d’Abba, i.e. papa. Jésus fut le premier à se permettre une telle audace. Les chrétiens, sous l’impulsion de l’Esprit, continuèrent l’exemple du Maître (cf. Ga 4,6; Rm 8,15). Pour eux, Dieu est essentiellement un Père. Cette conviction est des plus libératrice, du moins sur le plan religieux.
Vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus soumis à la loi
Ainsi, dans son développement sur la liberté, Paul donne une place importante à l’Esprit comme source de liberté. Car, dit-il, si vous êtes conduits par l’Esprit vous n’êtes plus soumis à la loi (5,18).
L’homme ne peut se libérer seul, à cause de la faiblesse de son être charnel. Il a besoin du dynamisme de l’Esprit du Christ en lui pour atteindre à la vraie liberté.
L’Esprit, dynamisme interne
Dans sa deuxième épître aux Corinthiens, Paul exprime encore la même conviction : Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté (2 Cor 3,17). Et selon lui, posséder l’Esprit du Seigneur en soi, ce n’est pas seulement avoir sa mentalité, mais bien posséder en soi un dynamisme de vie et une force d’action.
Alors que tout commandement est un principe externe, l’Esprit est au contraire un dynamisme interne qui pousse le chrétien à agir selon sa vocation profonde. En cela se trouve la vraie liberté.
C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés
Paul va préciser davantage sa pensée au chapitre 5 de l’épître aux Galates : « C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage » (Ga 5,1).
Si on traduisait littéralement le début du 1er verset, il faudrait rendre l’expression grecque par la périphrase suivante : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés ». L’expression « libérés pour la liberté » exprime une finalité, un but.
Par sa mort-résurrection, le Christ nous a libérés dans l’intention que nous demeurions vraiment libres, que nous jouissions à plein de cette nouvelle libération acquise par la Croix, et que nous ne retombions pas sous le joug des différents esclavages : le péché, l’égoïsme, la haine… La liberté entre donc dans l’intention même de la Rédemption.
Le chrétien doit exploiter à fond sa condition d’être pleinement libéré. Tout ce qui viole la liberté chrétienne va contre l’intention de la Rédemption.
Une liberté dans l’amour – Une vocation à la liberté
Un peu plus loin, Paul va affirmer qu’il s’agit d’une liberté dans l’amour : « Vous, en effet, mes frères, c’est à la liberté que vous avez été appelés. Seulement que cette liberté ne donne aucune prise à la chair! Mais, par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres » (Ga 5,13). L’équivalent grec du verbe « appeler », c’est le mot kaleô qui sert de terme technique pour désigner la vocation chrétienne. On pourrait donc traduire ainsi : « vous avez reçu une vocation à la liberté ».
Par leur baptême dans le Christ Jésus, les chrétiens ont reçu une vocation à la liberté; ils sont devenus libres par vocation. La liberté est le nouveau statut de l’homme en tant que chrétien, et la condition normale de son existence.
Le chrétien est libre pour aimer et il se libère toujours davantage en aimant
Cette liberté reçue par vocation baptismale n’a rien de commun avec le repli égoïste sur soi; au contraire, elle ne peut s’exprimer valablement que dans l’amour. Paul l’affirme explicitement au verset 13, tout en précisant au verset 14 que l’amour fraternel est l’accomplissement plénier de tous les commandements.
La charité fraternelle devient ainsi, en christianisme, une composante de la liberté.
Plus loin Paul va énumérer les fruits de l’Esprit qui sont en même temps des manifestations de l’amour et des signes de la vraie liberté. Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi : contre de telles choses, il n’y a pas de loi (5,22-23).
Tous ces fruits de l’Esprit amènent le croyant à sortir de lui-même pour aller vers les autres. Et c’est dans cette ouverture sur les autres que s’épanouit le don de la liberté chrétienne. L’amour possède tous les signes de la vraie liberté. Le chrétien est libre pour aimer et il se libère toujours davantage en aimant.
La liberté chrétienne aujourd’hui
Marche ton chemin, je marche avec toi !
La liberté est fondamentale dans la vie d’un disciple de Jésus. En effet, choisir Jésus Christ demeurera toujours un acte de liberté, la réponse à une offre : « Si tu veux, suis-moi. »
Voici un exemple actuel du respect de Jésus pour notre liberté; une question était posée à un groupe de partage de l’Évangile : « Mais pourquoi donc, Jésus parle-t-il en paraboles? » Et une jeune femme de répondre : « C’est normal : Jésus ne nous dit jamais ce qu’il faut faire. Il nous ouvre des portes et il nous dit : maintenant, marche ton chemin, je marche avec toi ! »
La liberté véritable : don de Dieu et œuvre à réaliser
La liberté chrétienne est à la fois un don de Dieu et une œuvre à réaliser.
Parce que ce don est force et dynamisme, il fait appel à la créativité et à l’engagement du croyant.
Sous la poussée de l’Esprit, tout être humain a le devoir de se libérer toujours davantage. Dieu n’est pas paternaliste, il est paternel; il ne fait pas économie de la collaboration de l’homme. Par ailleurs, Dieu est capable de suppléer aux carences humaines.
C’est ainsi que le don de la liberté apparaît parfois chez des personnes aux prises avec les pires situations de misère et d’aliénation humaines. Qu’on pense à la joie et à la paix intérieure de certains handicapés ou de certains miséreux. Dans ces cas-là, on a sans doute affaire à une liberté intérieure entièrement donnée par le Seigneur.
Et au moment de la mort, nous nous trouvons tous dans une situation de pauvre et de miséreux en quête du don de la liberté du Royaume céleste. Cette liberté-là, l’homme ne peut la réaliser : il lui est demandé de l’accueillir dans la foi.
Un dynamisme au cœur de l’être humain
La liberté chrétienne est un dynamisme qui s’insère au plus profond de la liberté humaine pour sa réalisation plus plénière en ce monde. Ainsi, elle a des exigences à tous les plans de l’existence humaine : individuel, social, religieux…
Au sein du monde, le chrétien doit témoigner d’une liberté foncière à l’égard du monde, mais au service de Dieu et des autres. Il doit témoigner du dépassement de toutes les barrières, les exclusions et les dominations qui oppriment les humains et les peuples. Il doit contester et combattre toutes ces oppressions, car elles vont contre la dignité humaine et contre le projet de Dieu en Jésus Christ.
L’Esprit du Christ fait participer à la liberté même de Jésus et donne aux croyants d’être investis d’une force de libération au service des autres. C’est là la caractéristique de la liberté chrétienne.
Le Christ : un vrai chemin de liberté
Et aujourd’hui? Quel paradoxe de penser que certains chrétiens abandonnent la religion chrétienne au nom de la liberté et de la libération personnelle, alors qu’au temps de Paul, on adhérait au christianisme pour atteindre à une plus grande liberté!
Le christianisme aurait-il trahi ses promesses depuis Paul et Jean? Ou bien, avons-nous perdu la richesse et l’originalité du message chrétien primitif?
Qu’en est-il de l’Église comme institution religieuse face aux réclamations actuelles d’une plus grande liberté de conscience et d’agir? Autant de questions qui ne peuvent laisser indifférents tant les autorités ecclésiales que l’ensemble des membres du Peuple de Dieu.
Croître ensemble dans la liberté à la suite de Jésus et favoriser la croissance de tous, voilà notre mission commune de membres de la grande communauté ecclésiale en marche vers le Royaume.