Devenir « missionnaire »

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Un défi pour l’Église du Québec


7 avril 2016


L’assemblée des évêques catholiques du Québec par la voix de son conseil « communautés et ministères » vient de publier un document important concernant la conversion des pratiques pastorales. Ils parlent de tournant, mieux de conversion pour que, reprenant les mots du pape François, l’activité missionnaire soit le paradigme de toutes ses tâches d’Église.

Conseil Communautés et Ministères – Assemblée des évêques catholiques du Québec, Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes. Devenir une « Église en sortie » à la suite de « La joie de l’évangile », Secrétariat de l’A.E.C.Q.  janvier 2016, 34 pages disponible en format PDF sur le site de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec).

Le tournant missionnaire : « sortir »

La « prospérité trompeuse des temps de chrétienté » serait bien finie, au Québec comme ailleurs.

Le tournant missionnaire des communautés chrétiennesC’est ce que vient d’écrire le Conseil Communautés et Ministères de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec dans son récent document (janvier 2016) : Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes.

Déjà, le pape François avait ouvert la porte en parlant d’une « réforme de l’Église en sortie ‘missionnaire’ » (La joie de l’Évangile no 17).

Mais n’est-ce pas un peu tard, aura peut-être envie de rétorquer Normand Provencher. Ce théologien, professeur à l’Université d’Ottawa avait déjà sonné l’alarme en 2002 avec un petit ouvrage tenant presque du pamphlet et qui avait pour titre : Trop tard? L’avenir de l’Église d’ici.

Même si en 2014, Normand Provencher nuance ses propos avec un autre livre dont l’intitulé –  Il n’est pas trop tard – donne à penser qu’il répond avec optimisme à la question, son diagnostic demeure le même, tout comme les pistes d’action qu’il propose.

Pourtant rien de neuf

Il est vrai que la question est depuis longtemps dans le collimateur de qui s’interroge sur le processus de la transmission de la foi comme sur les pratiques qui l’accompagnent.

Depuis deux décennies se publient d’importantes recherches sur le concept et les modèles de « communautés catéchisantes ».

Quant au défi d’annoncer l’évangile, il n’est pas nouveau. Jean-Paul II le laissait déjà entendre lorsqu’il évoquait la nécessité d’une « nouvelle annonce » ou d’une « deuxième annonce ».

Par ailleurs, si la plupart des diocèses ont redéfini leur « mission catéchétique », ils n’ont pas pour autant opéré les changements attendus.

À titre d’exemple, l’ensemble de l’initiation à la vie chrétienne serait à relire dans le cadre d’une véritable pratique catéchuménale et mystagogique. Et ce n’est pas tout.

À bien les comprendre, les évêques donnent clairement à entendre que les changements urgents et attendus sont beaucoup plus englobants. Il en va aussi des structures organisationnelles.

Virage, tournant, conversion… des mots qui questionnent nos « pratiques de chrétienté » pour en faire, disent les évêques du Québec, des « pratiques missionnaires ».

Missionnaire par nature

Bien joli comme discours, mais ne risque-t-il pas de laisser démunis ceux et celles qui en sont les artisans? Les évêques ont donc pris soin de préciser les assises de leur argumentaire et de fournir des pistes d’action.

Le document repose sur un constat, à savoir le caractère missionnaire de l’Église. C’est la grande leçon de son histoire ce qui n’est pas sans dicter une urgence.

Il serait impératif de ranimer cette « mémoire missionnaire » et de s’en redire les fondements qui visent d’abord « le bonheur des hommes, des femmes et des enfants ». Le propos étonne d’autant plus que s’y ajoute une remarque. Ce fondement « prime sur l’auto-préservation des figures institutionnelles de l’Église ».

Un vaste programme de conversion

Les pratiques de chrétienté

Avec courage et lucidité, le document analyse d’abord les « pratiques de chrétienté » pour en faire des « pratiques missionnaires ». Ici, c’est tout l’univers de la pastorale sacramentelle qui est questionné tant dans ses pratiques avec les initiés, qu’avec les jeunes ou les adultes, qu’ils soient en démarche catéchuménale, en formation initiale ou continue.

Les structures : administration et paroisses

En comparant ses pratiques administratives avec celles des services publics, le document tient à réaffirmer qu’un principe majeur devrait les en distinguer : l’action pastorale repose avant tout sur les liens personnels.

Mais en est-il toujours ainsi? Les communautés débordent-elles le cadre des célébrations pour devenir des communautés de prière, de transmission de la foi et de charité?

Les ensembles paroissiaux créés depuis quelques années laissent-ils place à la proximité? Ont-ils favorisé des relations qui construisent le peuple de Dieu? Peut-on parler de projet pastoral « évangélisateur et missionnaire » à moyen ou long terme?

Des conséquences

Un tel questionnement, s’il est vécu en profondeur dans les milieux, ne peut que dicter des orientations et surtout des virages significatifs. Le document des évêques les énumère en ne négligeant ni les aspects pastoraux, ni les problèmes administratifs.

La formation

S’il semble urgent de réaffirmer que tous les membres du peuple de Dieu sont protagonistes de la mission, une telle prise de conscience n’est pas sans soulever la question de la formation et cela à tous les niveaux.

On a tenu à souligner que les parcours de formation à la vie chrétienne sont ici concernés tout autant que la formation des responsables pastoraux et des ministres ordonnés. Il en va, entre autres, de la nécessité de vaincre la résistance au pernicieux repli sur soi qui ne peut que mettre en échec tout effort missionnaire.

Les structures immobilières

Les évêques du Québec bien conscients des problèmes posés par la gestion de leur parc immobilier tiennent quand même à réaffirmer par leur document que l’évaluation des immeubles nécessaires ne doit pas reposer uniquement sur des critères financiers.

Leur gestion empêche-t-elle de mettre en avant la considération des personnes et les besoins de la mission, ou tout simplement de se donner les ressources humaines nécessaires pour l’évangélisation?

Initier un processus de discernement ecclésial

L’invitation des évêques se fait pressante.

Le document traduit l’urgence de la situation lorsqu’il invite à entreprendre, rapidement, au plan diocésain et local, un processus de discernement qui conduise à une révision de vie évangélique de l’ensemble des pratiques de l’Église et de ses modes de fonctionnement.

On y parle aussi de décisions courageuses. Il en va du tournant missionnaire de l’église pour en faire une « Église en sortie » dans la foulée de La joie de l’évangile.

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