Neuvième d’une série de dix articles sous la forme d’un petit voyage dans l’univers de la messe. En se laissant guider par des questions souvent posées, l’auteur propose un survol de cet incontournable de la pratique chrétienne.
Le présent article aborde la question des diverses façons de communier. L’auteur offre un éclairage tiré de la tradition.
Une pratique mise à mal dans certains milieux
Communier dans la main, quoi de plus naturel! Quand on porte à sa bouche avec respect le pain consacré, on croit entendre le « Prenez et mangez » de Jésus. Pourtant cette pratique qui nous vient des origines a souvent été mise à mal. Elle l’est encore aujourd’hui dans certains milieux où l’on s’est convaincu que la pratique de communier directement sur la langue est plus respectueuse. Ce n’est certes pas le point de vue du ministre qui distribue l’eucharistie, sans compter les inévitables problèmes d’hygiène publique.
Une tradition bien établie
La tradition de la communion dans la main – puisqu’il faut parler de tradition – est clairement attestée dans la littérature des premiers siècles. Il n’est que de consulter les catéchèses d’Augustin, d’Ambroise de Milan, de Jean Chrysostome, de Théodore de Mopsueste ou de Cyrille de Jérusalem.
À titre d’exemple, ce dernier rappelle à ceux qui se présentent pour la première fois à la communion: « Ne t’avance pas les paumes des mains étendues, ni les doigts écartés : mais fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisqu’elle doit recevoir le Roi, et dans le creux de ta main, reçois le Corps du Christ, disant ‘Amen’ ».
Ailleurs on parlera d’une symbolique qui s’établit entre les mains qui accueillent le Sauveur et la crèche de Bethléem. Il n’est pas inutile de rappeler qu’une décision du Concile In Trullo tenu à Constantinople en l’an 692 en présence de plus de 200 évêques l’affirme clairement : «On doit recevoir la sainte communion sur les mains tenues en forme de croix… » (Canon 101).
Un discrédit injustifié
Voilà qui donne à réfléchir. Mais alors pourquoi s’est-on éloigné d’une prescription aussi précise? La communion dans la main disparaît en Occident à partir des Xe-XIe siècles. Deux facteurs seraient ici en cause.
D’un côté on voit s’opérer une nette distanciation entre le peuple et la pratique de la communion. Ce serait alors progressivement introduit la pratique de la communion sur la langue. Mais ce serait davantage la mise en place d’un nouveau rite lors de l’ordination des prêtres qui serait responsable de ce changement.
Depuis le VIIIe siècle, estimant qu’elles sont destinées à toucher le corps du Christ, les mains du prêtre sont consacrées par une onction d’huile. Elles reçoivent ainsi une dignité nouvelle, mais du coup, celles des fidèles se sont retrouvées nettement discréditées, et cela bien injustement.
Une restauration
À Vatican II, les Pères conciliaires ont voté à la quasi-unanimité non pas une réforme de la liturgie, mais bien sa restauration dans l’esprit de la grande tradition. C’est donc tout naturellement que l’on a redécouvert la communion dans la main et que son usage fut restauré. N’est-il pas geste plus noble et respectueux que de communier en recevant dans ses mains posées l’une sur l’autre – en forme de croix – le Corps du Christ devenu Pain de vie et nourriture pour la vie éternelle.