Un exercice de mémoire

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Réflexion sur le premier dimanche du Carême de l’année C

Cette réflexion accompagne et présente la liturgie de la parole proposée pendant le Carême de l’année C. Parce qu’il y en a deux autres, le A et le B tout simplement parce que la liturgie des dimanches propose des pages d’Évangile réparties sur trois ans. Durant une année, la parole est alors laissée à Matthieu (année A), à Marc (année B) puis à Luc (année C). Quant à Jean on le retrouve lors des grandes fêtes. Des pages tirées du Premier Testament et entre autres, des Lettres de Paul complètent le tout. Cette année, Luc est au programme. Voilà pour la technique. Le présent article offre pour sa part un fil conducteur pour en faciliter la lecture.

« Mon père était un araméen nomade »

Personne qui marche dans le désertLa page d’Écriture qui ouvre le premier dimanche du Carême commence sur une directive donnée par Moïse. Elle se trouve au livre du Deutéronome chapitre 26 versets 4 à 10.

On doit présenter au Seigneur les premiers fruits de la terre et une prière bien particulière doit accompagner ce geste rituel.

Tu prononceras ces paroles ordonne Moïse au prêtre : Mon père était un Araméen nomade qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan et il est devenu une grande nation… J’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Seigneur.

Mon père était un araméen nomade… Des mots qui introduisent la prière accompagnant le sacrifice d’offrande prescrit par Moïse. Or on l’aura compris, il y a ici plus qu’un simple rituel.

Un exercice de mémoire

Les fils d’Abraham sont conviés à un exercice de mémoire, un exercice qui les amène à se souvenir des bontés de Dieu. Ils en ont tant reçu de ce Dieu.

J’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Seigneur… Sans les dons reçus de la terre, ils seraient arrivés les mains vides. Ils se souviennent qu’ils sont un peuple de migrants. Souvent ils ont erré. Ils ont été infidèles. Mais toujours Dieu est demeuré avec eux comme il est encore avec eux.

Pour nous aussi

Il n’est pas sans intérêt que cette première page d’Écriture soit une invitation à se souvenir comme pour nous exhorter à faire du Carême un temps de mémoire.

Un temps pour se souvenir et se redire qui est ce Dieu de notre foi. Ce Dieu lui aussi avec nous, n’a pas changé. Il est toujours ce Dieu de tendresse et de miséricorde lent à colère et plein d’amour.

La formule est peut-être un peu usée, mais c’est tout de même à travers elle que Yahweh s’est révélé à Moïse (Ex 34,6).

Le carême comme un voyage

J’aime bien me redire qu’on entre en Carême comme on part en voyage au pays de ses origines. On entre en Carême pour mettre nos pas sur une route qui de dimanche en dimanche nous donne de se redire quelques essentiels de la foi, une route qui nous conduit à la lumière de Pâques.

Mon père était un araméen nomade… vagabond disait l’ancienne traduction. Il me semble qu’elle fait davantage image. À travers elle, c’est un peu chacun, chacune de nous qui est évoqué. De Carême en Carême, de Pâque en Pâque nous cheminons tant bien que mal, un peu comme des migrants vagabonds en quête de salut.

Nous ne sommes pas seuls sur la route

Par ailleurs, comme Abraham, l’araméen nomade et vagabond nous ne sommes pas seuls et c’est bien ce qu’à sa manière rappelle le psaume 90, ce si beau psaume qui prolonge la lecture du Livre du Deutéronome….

Jeune femmeQuand je me tiens sous l’abri du très haut
Et repose à l’ombre du Puissant,
je dis au Seigneur : « Mon refuge, mon rempart ».
Le malheur ne peut me toucher,
car il a donné ordre à ses anges de me garder…

Quand je me tiens sous l’abri du très haut… Si ce psaume est aussi pour les marcheurs que nous sommes, il s’offre comme une clé de lecture pour comprendre l’évangile relatant le récit des tentations. Relu dans la dynamique des autres textes proposés, il devient lumineux. Chacun s’éclaire mutuellement.

Luc nous raconte qu’après son baptême, Jésus rempli de l’Esprit Saint quitta les bords du Jourdain… Il se rend au désert pour être mis à l’épreuve. Mais là, comme dans le psaume, Jésus se tient à l’abri du très haut.Il est rempli de l’Esprit.

Les tentations de Jésus

Or au désert, il revit comme un condensé des grandes tentations qui auront menacé Israël tout au long de son histoire. Trop souvent le peuple élu aura cherché d’autres sécurités, d’autres abris que ceux que le Seigneur lui offrait.

Israël a souvent fréquenté des dieux étrangers comme les baals, les dieux cananéens, dans l’espoir d’être mieux nourri, de conquérir d’autres territoires et d’être protégé.

C’est bien ce qu’évoque de manière symbolique l’offre qu’est faite à Jésus celle d’un pain magique, du pouvoir et de tous les royaumes de la terre, offre aussi d’une protection sans limites.

Pourtant Jésus reste fidèle et dit bien en cela qu’il est Fils de Dieu. Il se sait à l’abri du très haut… Et d’où vient sa force : de la Parole. Par trois fois il est tenté, par trois fois il répondra : Il est écrit…

Jésus est bien à l’image du Dieu de toutes les fidélités. Comment ne pas en faire notre nécessaire balise sur la route de la vie chrétienne?

Le témoignage de Paul

Paul aussi se savait à l’abri du Très-Haut, il sait que Jésus est Seigneur, que Dieu l’a ressuscité, que c’était là son rempart. Il sait aussi que l’acte de foi permet de s’y loger. Si tu crois que Dieu l’a ressuscité, alors tu seras sauvé (Rm 10,9).

C’est le cœur de la Bonne Nouvelle. La résurrection est elle aussi repère sur la route.

La suite du carême

Et la suite du Carême est à lire et à méditer dans la même foulée.

  • Le deuxième dimanche avec son récit de la transfiguration du Christ porte cette fois l’attention sur le regard, celui d’Abraham invité à contempler les étoiles image de sa descendance à venir, celui de Paul occupé à relire l’histoire d’Israël et celui des disciples qui entrevoient la véritable nature du Christ. Il est le Fils bien que Dieu a choisi. Le Transfiguré est un phare sur le chemin de la foi. S’enchaînent trois autres contemplations.
  • Le troisième dimanche, en lien avec les misères et les infidélités d’Israël, Luc évoque le Dieu de toutes les patiences avec la parabole du figuier qui ne produit pas.
  • Le quatrième dimanche, comme en écho avec l’arrivée en terre promise, Luc présente cette fois, le Dieu de toutes les miséricordes, avec le père de l’enfant prodigue qui est là sur la route à s’user les yeux attendant le retour de son fils.
  • Le cinquième dimanche, cette fois Luc offre à contempler le Dieu de tous les pardons. Jésus se retrouve pris en flagrant délit de pardon avec la femme adultère. Il l’a sauvé de la mort. Il ouvre devant elle une route de liberté et de libération.

Un temps de grâce

Route dans un désert en fleursQue de choses essentielles à se redire!
Que de merveilles à célébrer!
Le Christ est là bien vivant pour tracer la route!
L’Écriture est là pour y mettre sa lumière!
L’Esprit guide nos pas!

Le carême un exercice de mémoire…
Le Carême un temps de grâce…

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