Pistes d’avenir pour la mission catéchétique : prendre le tournant, aménager le temps de l’initiation chrétienne, apprendre par expérimentation et par immersion, utiliser la Bible autrement que par du placage, pratiquer le dialogue pastoral, investir dans l’éducation de la foi des adultes, prendre conscience de nos images de Dieu.
Prendre le tournant
Notre Église traverse une période de transition difficile vers un futur dont nous ignorons encore la couleur. Nous sortons d’une ère de chrétienté où le modèle de la catéchèse provenait des impulsions du Concile de Trente.
Nous sommes interpellés à sortir la catéchèse du sillage du monde scolaire, tant pour le contenu et la pédagogie que pour le rythme et l’organisation du temps.
La socialisation religieuse des personnes est appelée à emprunter d’autres voies qui ne se limitent plus à l’école, à la famille et à l’enfance. Souvent, il semble plus sécurisant de reproduire ce qui vient du passé que d’inventer du neuf. Cependant, pour inventer et créer, il faut se donner le droit d’essayer des voies inédites, quitte à rectifier le tir quand on commet des erreurs.
Aménager le temps de l’initiation chrétienne
Entre le baptême des enfants et la confirmation, l’initiation chrétienne se trouve éclatée en morceaux isolés les uns des autres dans le temps.
Nous nous tournons de plus en plus vers le modèle catéchuménal et c’est là une source d’inspiration extraordinaire. Il ne s’agit pas seulement d’assurer un « suivi » aux sacrements d’initiation.
L’enjeu est de parvenir à organiser un véritable temps de l’initiation chrétienne accessible aux personnes de tous âges, des enfants d’âges scolaires jusqu’aux adultes.
En outre, le modèle catéchuménal permet de lier étroitement la catéchèse et la liturgie. Cette dernière pourrait alors jouer un véritable rôle dans l’éducation de la foi, au lieu de n’en être que la sanction terminale.
De plus, nous pourrions redécouvrir la catéchèse mystagogique : cette catéchèse suit la célébration d’un rite, surtout celle d’un sacrement, et propose aux catéchisés un approfondissement de cette expérience liturgique et ecclésiale.
Au lieu de ne s’attacher qu’à préparer des célébrations, nous avons à inventer des manières d’approfondir leur sens avec les personnes qui viennent de les vivre.
Apprendre par expérimentation et par immersion
La tentation du discursif est omniprésente en catéchèse, et l’on se trouve à donner des réponses à des questions qui n’émergent même pas encore chez les personnes catéchisées.
Mais que se passerait-il si nous traitions celles-ci comme de véritables sujets (quel que soit leur âge) et non pas comme les objets de nos démarches?
Nous leur laisserions alors de l’espace pour découvrir, explorer, expérimenter, c’est-à-dire pour apprendre en « faisant » et pas juste en parlant ou en dessinant.
« Venez et voyez », disait Jésus à ses futurs disciples.
Que peut-on imaginer?
- Visiter une église, un monastère
- Vivre une soirée de prière (pas organisée juste pour eux, donc avec d’autres croyants déjà initiés)
- Vivre une célébration de la Parole ou une eucharistie
- Participer à un baptême (suivi d’une catéchèse mystagogique)
- Rendre des services avec des croyants engagés socialement
- Etc.
Dans le catéchuménat d’autrefois, on demandait aux aspirants de s’essayer à vivre en chrétiens en compagnie de ceux et celles qui avaient déjà engagé leur vie dans cette voie. Toutes ces démarches peuvent être ensuite réinvesties dans un temps de catéchèse plus formel. C’est l’apprentissage par immersion et par expérimentation.
Utiliser la Bible autrement que par du placage
Au nom d’une volonté d’actualisation, nous avons pris le mauvais pli de plaquer des réponses bibliques sur diverses situations humaines. Au bout du compte, nous commençons à réaliser que ce procédé donne peu de résultats en catéchèse. Le placage de textes bibliques sur des situations semble de plus en plus artificiel et moralisateur.
Il existe des méthodes catéchétiques où l’on fait place au récit pour lui-même, et où l’on guide les personnes dans la voie d’une interprétation existentielle des grands symboles bibliques et liturgiques. Développer et répandre ces méthodes fait partie des défis actuels, afin que les symboles bibliques deviennent une espèce de langue maternelle pour les croyants d’aujourd’hui et de demain.
Pratiquer le dialogue pastoral
Le dialogue avec les personnes qui demandent des sacrements à l’Église se révèle plus que jamais indispensable en post-chrétienté, a fortiori dans une période de changements comme celle que nous traversons. En fait, entrer dans un véritable dialogue avec les demandeurs devrait constituer une exigence permanente en éducation de la foi, et non une mode pastorale passagère.
Il existe, et il continuera pour un temps d’exister, un écart réel entre ce que les demandeurs s’attendent généralement à recevoir de l’Église et la réalité qu’ils y rencontrent.
Plutôt que de se fermer dans le ressentiment et l’incompréhension mutuelle, nous sommes appelés à accueillir sincèrement les demandeurs, pour ensuite les accompagner dans le discernement de ce qu’ils désirent et de ce qu’ils croient réellement.
Nous avons bien sûr à leur rendre compte des convictions qui nous animent et des choix que nous avons faits dans notre communauté chrétienne en matière de formation à la vie chrétienne. Toutefois, en écoutant les demandeurs et en leur donnant la parole, le dialogue peut devenir, pour eux et pour nous, un lieu d’apprentissage de la liberté en matière religieuse, et un véritable lieu d’éducation de la foi.
Investir dans l’éducation de la foi des adultes
Tout est encore à faire ou presque. Il existe des pratiques intéressantes et fructueuses d’éducation de la foi des adultes, mais elles demeurent peu nombreuses et assez isolées. On investit tellement avec les enfants qu’on en oublie les autres âges de la vie. On mise tout sur l’initiation chrétienne, comme si la catéchèse ne pouvait exister que dans ce cadre.
Heureusement, de nouvelles préoccupations et des pratiques inventives émergent actuellement : catéchèses communautaires, catéchèses intergénérationnelles, pastorale des recommençants.
Il faudrait aussi penser aux nouveaux baptisés adultes, qui s’intègrent mal dans des assemblées dominicales assez impersonnelles après le catéchuménat et souhaiteraient souvent continuer d’approfondir et de partager dans des petits groupes. Comment pourrions-nous penser un cycle de catéchèse permanente intégré à l’année liturgique dans nos paroisses?
Prendre conscience de nos images de Dieu
Il est crucial que les catéchètes développent une sensibilité aiguisée aux effets de leur langage sur Dieu sur ceux et celles qui le reçoivent.
Dans notre mémoire collective se trouvent des images de Dieu perverses, sources de révolte et de malcroyance, qu’il faudrait pouvoir guérir.
Il ne suffit pas de répéter sans cesse que Dieu est amour. Dans les relations humaines, on sait mieux que jamais que les grandes déclarations d’amour peuvent coexister avec des comportements blessants : manipulation, contrôle, jeux de pouvoir, abus de toutes sortes, violence psychologique et verbale.
En catéchèse, nous pouvons facilement présenter un Dieu qui aime les humains tout en les opprimant subtilement. De quel Dieu parlons-nous par nos mots et par nos gestes? Mesurons-nous les ravages que peuvent provoquer chez les autres les images de Dieu que nous véhiculons dans nos catéchèses? Dans toute formation des catéchètes, ne devrions-nous pas accorder une place importante à la conversion de nos images de Dieu?