Les jeunes québécois et la foi

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Quelques caractéristiques


11 juin 2020


Chargée de pastorale au Collège Bourget de Rigaud au Québec, Annie Perreault se retrouve en présence de jeunes en recherche et en quête de sens alors que le modèle traditionnellement offert par l’institution ecclésiale ne semble plus répondre à leurs attentes. Elle cherche à comprendre leur rapport à la foi et à offrir des réponses à leurs attentes.

Quatre caractéristiques

Puisque la modernité a déclenché des bouleversements importants dans l’univers religieux des adolescents d’aujourd’hui, la littérature scientifique propose quatre caractéristiques distinctes de la foi des adolescents d’aujourd’hui :

  • L’analphabétisation religieuse,
  • L’absence de repères spirituels uniformes,
  • La recherche d’une religion événementielle,
  • La foi reçue sans transmission. 

Des mots devenus incompréhensibles

Plusieurs chercheurs mentionnent que les jeunes ont perdu l’habilité à parler le langage religieux.

Jean-Philippe Perreault1 explique que les adolescents n’ont plus la capacité à nommer des représentations religieuses ou à reconnaître les références historiques chrétiennes.

Jacques Grand’Maison2 a remarqué que les jeunes vivent leur foi détachée des églises et qu’ils ont développé des incohérences dans leurs discours spirituels.

Comment parler aux jeunes de la religion chrétienne s’ils ne comprennent pas les mots que l’on utilise?

Des jeunes déculturés

Jambes d'adolescents par Gaelle Marcel (unsplash.com)Puisque nous vivons dans une société pluriculturelle dans laquelle les jeunes ne reconnaissent pas les grandes institutions, il est difficile pour eux de trouver des repères communs et universels auprès de la population québécoise.

Jean-Philippe Perreault explique que cette déculturation prive les jeunes de systèmes de pensée suffisamment solides et reconnus par le corps social.

Plusieurs chercheurs remarquent aussi que les jeunes ne possèdent plus la capacité d’être critique face au religieux et au spirituel car ils n’ont pas de repères signifiants et uniformes socialement.

Comment faire un choix si le cadre pour décider n’est pas là?

« Hors de l’église… »

On note aussi un déplacement dans le lieu et le moment choisi par les jeunes pour vivre leur spiritualité.

Aujourd’hui ceux-ci participent davantage aux grands événements religieux hors de la structure religieuse habituelle ou lorsqu’ils reçoivent une invitation spéciale pour un événement extraordinaire.

Pour les chercheurs, ces participations ponctuelles jouent un rôle de régularisation de leur foi et leur permettent de trouver un lieu pour s’unifier aux autres.

Par exemple, les JMJ (journées mondiales de la jeunesse) indique une nouvelle représentation religieuse chez les jeunes.

Comment nos messes dominicales peuvent-elles être invitantes si les jeunes veulent vivre des moments forts, une fois de temps en temps, entre jeunes?

Privés d’expériences

Finalement, l’ensemble des chercheurs s’entendent pour dire que la foi des jeunes québécois n’est pas celle de leurs parents.

Jean-Philippe Perreault explique que les adolescents ont entendu parler de la foi de leurs parents, de leur rejet des institutions mais ils n’ont pas vécu d’expérience religieuse.

Il y a une déconnection entre la religion et la vie sociale.

Jacques Grand’Maison ajoute que, même dans les familles, on ne parle pas de religion et que le temps alloué aux services religieux est presque disparu.

Comment les jeunes voudraient vivre une foi s’ils ne l’ont jamais expérimentée et que leurs parents ne veulent plus vivre d’expérience religieuse quotidiennement?

Inventer

Personnellement, après avoir fait ces recherches sur les caractéristiques des jeunes, j’ai mieux compris les résistances des jeunes face à mon discours et face à certains projets.

Depuis, j’utilise des mots des mots différents (ex: vœux au lieu de prière), je préfère organiser un événement à la fois, je leur propose des activités hors religieux dans lesquelles j’insère de petits temps spirituels et j’explique ma foi avec des liens pluri-religieux pour montrer les ressemblances et les différences.

Je n’ai pas encore trouvé de formule magique pour les accompagner mais ces petits changements me permettent de marcher à leur rythme tout en respectant le mien.

  1. Jean-Philippe Perrault, chercheur et professeur à la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval. Il a publié avec François Gauthier, Jeunes et religion au Québec, PUL et INRS.
  2. Jacques Grand’Maison (1931-2016), écrivain, sociologue, théologien, prêtre québécois.
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