« Selon la Bible, 9 aspects du sacrement de l’Eucharistie. L’Eucharistie est, avec le Baptême, un sacrement tant au fondement qu’au sommet de la vie chrétienne. « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils aient en abondance » (Jn 10,10).
L’Eucharistie revêt, dans son origine biblique, une diversité de sens qu’il est bon de rappeler pour en saisir toute la richesse de signification.
Selon les Évangélistes Matthieu, Marc et Luc, Jésus, avant de mourir, a voulu célébrer la Pâque avec ses disciples : « Où veux-tu que nous te préparions à manger la Pâque? » (Mt 26,17). Le cadre pascal de la dernière Cène est assez sûr pour qu’on en tienne compte dans l’interprétation du sens de l’Eucharistie. Jésus a institué ce sacrement au cours de son dernier repas avec ses disciples, au cours d’un repas pascal juif.
L’Eucharistie est le repas de la charité fraternelle
L’Eucharistie est un rite de nourriture. « Le pain que je donnerai, c’est ma chair donnée pour que le monde ait la vie » affirme Jésus (Jn 6,51). Dans le monde sémitique ancien, la nourriture avait une valeur sacrée; elle était un don de Dieu qui procure la vie. Le repas pris en commun établit un lien sacré entre les convives et avec Dieu; et il réalise l’amitié la plus profonde.
L’Eucharistie est le repas de la charité fraternelle et de l’amour. Paul avertit les chrétiens et chrétiennes de Corinthe :
« Il y a parmi vous des divisions, me dit-on… Car chacun se hâte de prendre son propre repas, en sorte que l’un a faim tandis que l’autre est ivre… Voulez-vous faire affront à ceux qui n’ont rien?… Quand vous vous réunissez pour manger (le repas du Seigneur), attendez-vous les uns les autres » (1 Co 11,18-33)
Pour Paul, célébrer le repas du Seigneur en détruisant la charité fraternelle ou sans se préoccuper de ses frères pauvres, c’est profaner l’Eucharistie. C’est profaner le Corps du Christ qui constitue les uns et les autres membres d’un seul et même corps, en communion entre eux. La solidarité avec les pauvres et les exclus a donc une origine eucharistique.
On vient à l’Eucharistie pour nourrir sa vie spirituelle de la vie et de l’amour même du Seigneur. Bien plus, l’Eucharistie symbolise et anticipe le banquet céleste où le Maître « se ceindra, fera mettre les gens à table, et, passant de l’un à l’autre, il les servira » (Lc 12,37). Banquet où chacun sera en tête-à-tête avec le Seigneur : « J’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20).
Sans cette nourriture divine, la vie de foi risque de s’étioler et de dépérir. Au plan humain, peut-on vivre sans nourriture? Ne serait-ce pas aussi vrai au plan spirituel?
L’Eucharistie est constitutive de la communauté chrétienne
« Ceci est mon corps donné pour vous » (Lc 22,19). Dans l’anthropologie juive, le corps, c’est toute la personne, mais en relation avec ses semblables et avec l’univers. L’être humain est corps; il est un être en relation.
Au chapitre 10 de sa 1ère lettre aux Corinthiens, Paul écrit :
« Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ? Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps; car tous nous participons à cet unique pain » (v. 16-17)
La communion au corps du Christ ressuscité réalise donc l’unité des chrétiens et des chrétiennes au point qu’ensemble, ils forment l’Église, la communauté des disciples devenus le Corps mystique du Christ.
Il ne s’agit pas d’un corps moral (comme le corps professoral) formé à l’initiative des chrétiens et chrétiennes, mais bien du Corps ressuscité du Christ qui réunit en sa personne la totalité de ses disciples.
Selon saint Paul, le Baptême et l’Eucharistie sont les 2 sacrements constitutifs de la communauté chrétienne :
« Nous avons été baptisés pour ne former qu’un seul corps » (1 Co 12,13)
L’Eucharistie est une bénédiction adressée à Dieu
Saint Paul écrit aux Corinthiens :
« La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas une communion au sang du Christ? » (1 Co 10,16)
L’Évangéliste Marc dit pour sa part :
« Pendant le repas, il prit du pain, et après avoir prononcé la bénédiction… » (Mc 14,22)
Mais quel est donc le sens biblique de la bénédiction? Ce mot vient du latin bene-dicere, en français « dire du bien ».
Ainsi dans le livre de l’Exode, on trouve la phrase suivante :
« Béni soit Yahvé qui vous a tirés des mains des Égyptiens (…) qui a libéré le peuple de la sujétion égyptienne » (Ex 18,10)
La bénédiction est le fruit de l’admiration et de l’émerveillement. Elle est…
- une prière de louange adressée à Dieu pour chanter ou raconter ses merveilles;
- une confession louangeuse de Dieu;
- une proclamation des merveilles de l’amour divin;
- une glorification de la puissance à l’œuvre dans la libération réalisée par le Seigneur.
L’atmosphère de la bénédiction est toujours la joie, l’exultation, l’allégresse.
À la Cène, Jésus a proclamé les merveilles de l’œuvre de Dieu dans le monde, dans sa vie et dans celle de ses disciples.
Et après lui, les chrétiens et les chrétiennes redisent dans l’Eucharistie leur admiration au Père :
- pour tout ce qu’il a accompli dans la création;
- pour tout ce qu’il accomplit dans leur vie et leur communauté;
- et pour tout ce qu’il accomplira dans le monde, malgré le péché des êtres humains, en conduisant son Royaume vers la plénitude.
En ce sens précis, la bénédiction est différente de l’action de grâce.
L’Eucharistie est une action de grâce
Après avoir employé le mot bénédiction pour le pain, Marc continue ainsi : « Puis il prit une coupe, et après avoir rendu grâce, il la leur donna… » (Mc 14,23).
Dans son sens étymologique, l’Eucharistie est une action de grâce. Son expression se manifeste dans la gratitude et la reconnaissance pour les bienfaits reçus du Seigneur.
Alors que le motif de la bénédiction est le souvenir des merveilles de Dieu, le motif de l’action de grâce est le souvenir des bienfaits accordés par Dieu. Il ne faut pas bien sûr opposer ces 2 genres littéraires, car souvent ils se voisinent dans la Bible.
Nous sommes habitués à dire notre reconnaissance à Dieu au cours des célébrations eucharistiques, et c’est bien ainsi. Mais il est bon aussi de ne pas oublier de proclamer les merveilles de Dieu (la bénédiction).
Nos Eucharisties seront alors imprégnées à la fois de louange et de gratitude, d’admiration et de remerciement.
L’Eucharistie est le sacrement de la présence du Seigneur
« Celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur mange et boit sa propre condamnation » (1 Co 11,29). Auparavant, saint Paul avait averti les Corinthiens : « Celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, se rendra coupable envers le corps et le sang du Seigneur » (1 Co 11,27).
Ces avertissements montrent que Paul croyait vraiment en la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Paul affirme dans le même passage qu’il a reçu à ce propos une tradition qui remonte au Seigneur (1 Co 11,23).1 On voit par cette remarque que la communauté primitive croyait en la présence du Seigneur dans la réalité de son corps et de son sang.
D’ailleurs, l’Évangile de Jean confirmera un peu plus tard cette foi en la présence réelle du Seigneur : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle (…) Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang un breuvage » (Jn 6,53-56). Il y a ici plus qu’un symbole.
Mais il ne s’agit pas d’une présence statique, comme d’une idole à admirer ou même à contempler. Il s’agit du Seigneur ressuscité présent dans son dynamisme de résurrection, de libération, d’amour créateur et de vie offerte.
Par l’Eucharistie, le Christ est vraiment au milieu de nous pour nous transformer en Lui-même afin que nos vies soient elles-mêmes illuminées par sa grâce libératrice.
En dehors de la Messe, la présence du Christ dans le tabernacle ne peut se concevoir sans le lien direct avec l’Eucharistie comme sacrement et signe de la présence agissante du Ressuscité au milieu de son peuple.
L’Eucharistie est une participation au sacrifice de Jésus à la Croix
Comme la Pâque juive et le sacrifice de l’agneau pascal, la Cène s’est déroulé dans un contexte sacrificiel. Les termes employés par Jésus sont sacrificiels : « Ceci est mon sang (…) répandu pour la multitude » (Mc 14,24).
Jésus fait donc un lien entre sa mort sanglante et ce pain et ce vin. Il annonce par des paroles et des gestes hautement symboliques le sens du sacrifice de sa vie sur le Golgotha.
« Prenez et mangez (…) prenez et buvez ». Par ces paroles exprimant le don de son corps et de son sang aux siens, Jésus annonce qu’il donne sa vie pour l’ensemble de l’humanité dans un geste d’amour ineffable : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13).
Toute son existence a été vécue pour le Père et pour ceux et celles qui l’entouraient, principalement les pauvres, les petits et les exclus. De fait, Jésus a été condamné et mis à mort en raison de ses options en faveur des exclus de la société et de la religion du temps.
L’attitude de Jésus durant sa vie donne la clé d’interprétation de sa mort. La loi de sa vie sera aussi la loi de sa mort. Il a toujours vécu pour les autres; il mourra pour les autres. À la Cène, Jésus offre librement sa vie en sacrifice dans le sens bien existentiel d’un acte d’offrande et d’abandon à Dieu au nom de tout le genre humain.
Une vie donnée
Jésus a toujours vécu pour les autres; il mourra pour les autres.
En communiant, les fidèles communient à son sacrifice, participant à son offrande d’amour.
Le repas de la Cène dit donc symboliquement le sens que Jésus va donner à sa mort. Elle sera le don d’un amour plus fort que la mort. Son amour retournera une situation négative de trahison et de condamnation en victoire de l’amour et de la vie, tant pour lui que pour l’ensemble de l’humanité. Le terme de sacrifice est ainsi libéré de ses connotations négatives.
Chaque Eucharistie est la réactualisation de l’offrande de Jésus à son Père. Comme nous le rappelle la liturgie dans l’acclamation après le consécration : « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection… ».
En communiant au corps et au sang du Christ, les fidèles communient à son sacrifice, participant à son offrande d’amour. Comme nous le verrons en parlant du mémorial, l’Eucharistie n’est pas un nouveau sacrifice que Jésus offrirait.
Par contre, l’Eucharistie …
- … réactualise la Cène et le sacrifice existentiel de Jésus en les rendant présents aux chrétiens et chrétiennes de tous les temps;
- … invite tous et chacun à vivre comme le Christ, offrant à Dieu leur existence « en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu (…) en culte spirituel » (Rm 12,1).
L’Eucharistie est le mémorial de la Pâque de Jésus
« Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,19). L’Eucharistie est le mémorial de la Pâque de Jésus, de son passage de la mort à la vie. Dans la pensée juive, faire mémoire, ce n’est pas seulement se souvenir d’un fait du passé, c’est rendre présent un événement favorable au peuple.
Depuis l’Exode, chaque génération juive fêtait la Pâque en disant :
« C’est à cause de ce que Yahvé a fait pour moi lors de ma sortie d’Égypte » (Ex 13,8)
Et on commentait ainsi :
« En chaque génération, on doit se regarder soi-même comme libéré d’Égypte ».
C’est en ce sens que la Pâque juive est un mémorial, une fête liturgique qui actualise la libération d’Israël de la servitude d’Égypte.
De même, l’Eucharistie réactualise et rend présent l’événement salutaire du passage de Jésus de la mort à la vie. Ce passage de la mort à la vie s’est réalisé d’abord pour Jésus lui-même, mais il a été fait au nom de toute l’humanité et en sa faveur.
Dans l’Eucharistie, c’est tous et chacun qui est appelé à assumer l’événement de la mort-résurrection du Christ et à s’approprier le dynamisme de libération qu’il contient.
La célébration de l’Eucharistie propose un passage des ténèbres à la lumière, de la rupture à l’amour, de l’esclavage à la liberté, de la mort à la vie.
L’Eucharistie établit une nouvelle alliance avec Dieu
« Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang… » (Lc 22,20). Par l’Eucharistie, Jésus conclue une nouvelle alliance avec l’humanité. Qu’est-ce à dire?
On ne peut parler de l’alliance entre Dieu et les hommes sans faire un lien avec l’alliance scellée au Sinaï :
« Moïse, ayant pris la moitié du sang (de jeunes taureaux immolés), le répandit sur le peuple et dit : Ceci est le sang de l’Alliance que Yahvé a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses. » (Ex 24,8)
En répandant l’autre moitié du sang sur l’autel, qui représente Yahvé, Moïse unit symboliquement le peuple et Yahvé. Le pacte avec Yahvé est ratifié par le sang, comme la Nouvelle Alliance le sera par le sang du Christ.
Devenir disciple
Par l’Eucharistie, le chrétien ratifie la Nouvelle Alliance et s’engage à la suite de Jésus.
Selon les conceptions des peuples sémites de l’époque (les peuples du Moyen-Orient), une alliance ou un contrat doit être conclue dans le sang. Et pourquoi donc? Parce que, dans la mentalité du temps, la vie est dans le sang (cf. Lv 17,11).2 Le sang établit ainsi un lien vital, une communauté de vie entre les 2 contractants. Il y a union dans le sang.
Dans le rite eucharistique, c’est le sang du Christ qui sert de lien de vie entre les 2 contractants, Dieu et les croyants. Le sang du Christ a lié l’humanité avec Dieu par un nouveau contrat.
Selon l’Évangile de Jean, Dieu s’est vraiment engagé : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,54). De son côté, c’est bien par l’Eucharistie que le croyant ratifie cette Nouvelle Alliance et s’engage à vivre la vie de disciple à la suite de Jésus.
L’Eucharistie est envoi en mission d’évangélisation
« Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez (évangélisez selon le verbe grec) la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11,26).
Dans la pensée de Paul, l’Eucharistie est en elle-même une évangélisation, c’est-à-dire une proclamation de la mort-résurrection du Christ comme mystère central de la foi chrétienne et comme événement porteur du salut de l’humanité.
Par le fait même, elle envoie en mission dans le monde ceux et celles qui y participent. Il y a un lien étroit entre la Table eucharistique et l’engagement dans le monde pour la réalisation du Royaume de Dieu.
L’Eucharistie implique donc le souci du monde, la volonté d’un engagement pour que celui-ci devienne le monde que Dieu veut. Elle confère une responsabilité dans la mission au sein des structures du monde pour que disparaissent l’injustice, la guerre, la haine, l’exploitation et leurs sources.
Ainsi, la célébration de l’Eucharistie est un moment où l’Église participe à la mission de Dieu dans le monde.
L’assemblée chrétienne est appelée à s’ouvrir sur le monde afin que l’événement de la Croix et de la Résurrection ait tout son rayonnement.
Le souci de la transformation du monde est, pour les chrétiens et les chrétiennes, inséparable du souci de la réalisation du Royaume de Dieu ici-bas par l’action du Christ ressuscité présent au milieu des siens.
- 1 Co 11,23 – En effet, voici ce que moi j’ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis: le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain. (TOB)
- Lv 17:11 – car la vie d’une créature est dans le sang, et moi, je vous l’ai donné, sur l’autel, pour l’absolution de votre vie. En effet, le sang procure l’absolution parce qu’il est la vie. (TOB)