Présentation des grandes lignes de l’excellent ouvrage intitulé « L’intériorité à l’âge de la pensée concrète » de Ghislaine Rigolt Beaudoin.
RIGOLT BEAUDOIN, Ghislaine, L’intériorité à l’âge de la pensée concrète – Accompagner des jeunes de 8-12 ans en catéchèse, Médiaspaul, 2008, 191 p.
Introduction
Le présent article se propose de présenter les grandes lignes de l’excellent ouvrage intitulé « L’intériorité à l’âge de la pensée concrète » de Ghislaine Rigolt Beaudoin. Certes, rien ne saurait remplacer la lecture de l’ouvrage, ce que nous vous conseillons grandement.
Quatre chapitres de l’ouvrage (que nous n’avons pas pu résumer dans le présent article) nous présentent dans le détail le cheminement de 4 enfants qui ont expérimenté la démarche catéchétique.
Contentons-nous pour l’instant de mentionner les changements opérés chez ces jeunes :
- Valérie, 11 ans, a senti plus de liberté. Au lieu de travailler à mériter l’amour de sa mère, elle choisit de s’ouvrir à l’amour inconditionnel de Dieu et à partager cet amour.
- Cassiopée, 9 ans, a senti l’amour attentif de Dieu qui pardonne. Au lieu de se venger par jalousie, elle décide de se confier au Seigneur et d’exprimer ses émotions dans un cœur à cœur avec ses parents.
- David, 10 ans, a senti la vie de Dieu en lui. Au lieu de craindre les conflits dans les relations, il décide de faire le bien et de faire la paix avec ceux qui le dérangent.
- Maxime, 12 ans, s’est senti plus vrai avec lui-même. Au lieu d’avoir peur de grandir et de se transformer, il choisit de vivre dans la confiance et l’espérance du Dieu vivant.
En proposant aux jeunes de vivre des intériorisations, le catéchète-accompagnateur aide les enfants à prendre le chemin de leur cœur et ainsi goûter la Présence de Dieu qui les accompagne dans leur recherche de mieux-être et de mieux-vivre. Bonne Nouvelle! Des transformations s’opèrent dans le cœur des jeunes.
Voyons maintenant de plus près quelle est l’originalité de cette démarche catéchétique qui fait grande place aux symboles personnels et bibliques, véritables messagers où s’exprime le cœur de l’être.
Originalité de cette approche
Dans la foulée de la « Catéchèse biblique par le jeu et les symboles » de Jacques Tremblay et Ghislaine Rigolt Beaudoin, cette approche que nous pourrions qualifier de psychospirituelle…
- … se propose d’éduquer à l’intériorité, d’éveiller à la spiritualité, et ce, au service du développement humain intégral.
- … consiste à faire appel au langage des symboles tant personnels que bibliques.
- … porte une attention toute particulière à l’intelligence du cœur (sans négliger l’intelligence rationnelle).
- … s’inspire du document de l’Assemblée des évêques du Québec intitulé « Jésus Christ, chemin d’humanisation ».
- … ne se contente pas d’une simple transmission de connaissances.
- … propose une catéchèse de formation à la vie chrétienne qui tienne compte de l’expérience humaine, spirituelle et religieuse.
- … promeut une pédagogie de l’accompagnement où le catéchète est appelé à être sensible à la présence et à l’action du Ressuscité au cœur de la vie du jeune.
Les 8-12 ans
Des chercheurs ont remarqué que le goût de Dieu ne se développe pas par la seule transmission de connaissances, et ce tout particulièrement pour les 8-12 ans.
Le jeune a besoin de vivre des expériences concrètes signifiantes afin qu’il puisse vibrer à la « Vie » de l’intérieur. Il a de plus besoin de se dire à un adulte avec qui il se sent en confiance.
La « Catéchèse biblique par le jeu et les symboles » se propose de favoriser l’émergence d’expériences de foi qui font du sens pour le jeune, et ce, à partir de situations concrètes. Une attention toute particulière est portée à ce qui se passe dans le cœur de la personne.
Comme aimait à le rappeler Maurice Zundel, « Dieu s’éprouve beaucoup plus qu’il ne se prouve ». Le psalmiste pour sa part nous invite à « voir et goûter comme est bon le Seigneur » (Ps 34,1).
« Par le jeu et les symboles »
La « Catéchèse biblique par le jeu et les symboles » a pour objectif principal d’amener le jeune à cultiver une relation intime avec « l’Hôte de son cœur », avec le Dieu de Jésus-Christ. C’est le chemin de l’intériorité qui conduit à la paix intérieure et à la vie en abondance.
À l’aide du jeu (conte, dessin, modelage, moyens d’expressions divers, …) qui fait appel à l’imagination, les jeunes peuvent plus aisément prendre contact avec leur vécu et apprivoiser le langage du cœur.
Dans ce pèlerinage au cœur de l’être, l’usage des symboles personnels et bibliques s’avère très prolifique pour la découverte de Dieu. Au fait, les symboles sont porteurs de messages où s’exprime et se déploie le vécu issu des profondeurs de la personne.
Anthropologie et pédagogie
Une anthropologie spirituelle
La pédagogie employée découle, comme le souligne Ghislaine Rigolt Beaudoin, d’une anthropologie spirituelle (ou psychisme de l’être humain) qui s’inspire notamment de celle du psychologue Carl Jung, bonifiée par Léandre Boisvert.
Les différentes couches du psychisme sont (de la superficie vers le centre de la personne) :
- Persona (ou moi idéal) : partie de soi où nous cherchons à nous conformer aux attentes de notre milieu afin de se sentir accepté. Le danger consiste à se couper de sa vie émotionnelle.
- Moi rationnel (ou conscient) : partie consciente du psychisme.
- Ombre : partie refoulée par souci d’adaptation. Ce que nous n’exprimons pas (émotions, désirs, besoins, sentiments) se retrouve enfoui et caché dans l’ombre.
- Soi : centre profond du psychisme ouvert sur le spirituel et sur Dieu, porteur des valeurs de fond qui donnent sens à notre vie. À partir de ce centre de sagesse, il est possible d’éclairer les autres couches de notre être et ainsi vivre en meilleure harmonie avec soi et les autres.
- Temple intérieur (selon Léandre Boisvert) : lieu de la rencontre authentique avec Dieu. « Dieu se dit » à ce niveau, de manière symbolique.
Des moyens pédagogiques adaptés
Les moyens pédagogiques employés se proposent d’aider l’enfant à apprivoiser son monde intérieur et favoriser une rencontre libératrice avec Dieu :
- Histoire biblique. Une histoire ciblée qui propose un chemin de vie en lien avec une problématique toute particulière au jeune. L’histoire biblique peut aider le jeune à apprivoiser son vécu émotionnel parfois difficile à cerner et à exprimer. De plus, il aide le jeune à découvrir Dieu qui est à l’œuvre dans sa vie.
- Jeu ludique. Le jeu est un outil privilégié pour stimuler l’imagination, entrer en relation avec son vécu, susciter l’intérêt et exprimer son expérience de vie. Des activités toutes aussi diverses que le dessin, la peinture ou le modelage (…) favorisent l’expression du vécu.
- Le dialogue pastoral. L’être humain est un être de relation. Plus d’un père spirituel a souligné l’importance de trouver un bon accompagnateur. Le catéchète est appelé à apprivoiser l’art de l’accompagnement afin d’offrir à l’enfant un espace où il puisse progressivement se révéler à lui-même, faire du sens avec son vécu et ainsi découvrir un chemin de vie.
- Expérience d’intériorité. C’est en cherchant Dieu dans une expérience d’intériorité que le jeune pourra goûter sa Présence et grandir sur les plans humain et spirituel. Le désir de l’engagement et du don de soi est signe d’une expérience spirituelle authentique.
Une catéchèse en « 4 étapes »
La « Catéchèse biblique par le jeu et les symboles » promeut la formation à la vie chrétienne à partir de l’expérience de vie du jeune, et ce, dans le cadre d’un accompagnement fait par un adulte…
- … en se servant du jeu ludique,
- … en se référant à un texte biblique,
- … en proposant une expérience d’intériorisation,
- … en invitant le jeune à goûter la grâce qui donne le désir de s’engager.
Voici un exemple d’une catéchèse en 4 étapes ayant comme point de départ l’émotion de la peur.
Première rencontre – Une expérience de vie
L’enfant est invité à raconter une peur qu’il a vécue dans un cauchemar :
- Il dessine son cauchemar afin de mieux ressentir sa peur et ainsi mieux la raconter.
- Il donne « forme » à sa peur en faisant du modelage.
Tout au long de cette rencontre, le jeune est invité à dialoguer avec le catéchète-accompagnateur afin d’exprimer son ressenti.
Par le biais du jeu ludique et du dialogue, le jeune s’approche d’une manière symbolique d’une impasse qui l’empêche de s’épanouir librement. Notons que le jeune en viendra peut-être à faire un lien entre son symbole et une histoire de vie où il a été blessé. Ainsi, il essaiera de trouver une solution (temporaire) à son problème grâce au dialogue.
Deuxième rencontre – Dieu ouvre un chemin de salut
Une histoire biblique est choisie en fonction de la thématique de la catéchèse (celle de la peur dans le présent exemple). Le texte choisi est « Daniel dans la fosse aux lions » :
- Le catéchète raconte l’histoire biblique. Cœur du message : avec l’aide de Dieu, Daniel fait face à sa peur.
- Le jeune dessine librement cette histoire. Il partage également ce que l’histoire lui fait vivre en lien avec sa propre histoire. Le jeune cherche une autre solution à son impasse.
Tout au long de cette rencontre, le jeune partage son ressenti et sa conception de Dieu avec le catéchète-accompagnateur. L’occasion est donnée de découvrir l’amour inconditionnel du Dieu de Jésus-Christ et de peut-être prendre conscience d’une image imparfaite de Dieu qui l’habite. Le jeune s’achemine peu à peu vers la découverte d’un chemin de vie.
Troisième rencontre – Vers le Dieu intérieur
Le jeune est invité à expérimenter l’histoire biblique en l’appliquant à sa démarche intérieure. À titre d’exemple, il sera invité, s’il le veut bien, à apprivoiser sa peur comme l’a fait Daniel dans la fosse aux lions, et ce, avec l’aide de Dieu. C’est le temps de l’intériorisation :
- Dans un lieu calme, vivre l’histoire biblique en s’intériorisant à l’aide de ses sens intérieurs (les sens qui nous permettent de goûter, entendre et voir ce qui se passe à l’intérieur de nous). L’enfant est invité à fermer les yeux et à descendre au fond de son cœur.
- Accueillir un symbole (genre de cadeau spirituel) qui vient de Dieu. Le catéchète propose au jeune de rencontrer un « envoyé » qui lui propose un symbole, un cadeau personnel qui vient de Dieu afin de l’aider à apprivoiser sa peur comme Daniel dans la fosse aux lions. Le symbole personnel traduit la présence de Dieu qui ouvre un chemin de vie pour passer de la « mort à la résurrection ».
- Apprivoiser ce symbole en dialoguant avec le catéchète-accompagnateur. Un symbole est porteur de sens et il a besoin d’être éclairé par l’intelligence rationnelle dans un dialogue pastoral afin d’exprimer tout son sens.
- Exprimer par écrit ce qui se passe à l’intérieur afin de préciser certains éléments de l’expérience.
- Donner « forme » au symbole reçu par le modelage afin de se l’approprier, de le ressentir et d’en saisir graduellement le sens. Laisser agir le symbole.
- Partager son expérience par la voie du dialogue. Progressivement le jeune comprendra le sens du langage symbolique qui l’habite et pourra ainsi vibrer à la Présence du Dieu Vivant dans son cœur.
Quatrième rencontre – Goûter à la grâce de Dieu
Le catéchète propose au jeune de décrire les transformations vécues et de les exprimer librement par un moyen de son choix (dessin, modelage, …). Le jeune est ainsi disposé à goûter à la grâce de Dieu et éventuellement s’engager dans la communauté au nom de sa foi. Voici les principales étapes de cette quatrième rencontre :
- Raconter ses découvertes en dialogue avec le catéchète-accompagnateur.
- Exprimer les transformations opérées en son cœur par le jeu ludique de son choix.
- Partager ses découvertes sur sa relation avec Dieu, soi et les autres.
Le symbole de la peur de l’enfant à la première rencontre est ainsi mis en relation avec le symbole personnel reçu de Dieu. Dieu transforme l’impasse relationnelle du jeune avec lui-même et les autres. Le dialogue pastoral permet l’intégration de la richesse des symboles chez l’enfant; il le conduit de plus à vivre des transformations libératrices et à s’engager au nom de sa foi.
Le catéchète-accompagnateur
Pour aider à avancer sur le chemin de l’intériorité, plusieurs savoirs (savoir, savoir-faire, savoir-être et savoir-devenir) sont constitutifs de l’art de l’accompagnement.
Être d’intelligence, de cœur et de foi, le catéchète a à cœur l’établissement d’une relation de confiance avec le jeune, conscient que les confidences ne peuvent s’opérer que dans un climat de liberté et de respect.
Témoin de l’amour inconditionnel de Jésus-Christ, le bon catéchète désire que le Christ passe par sa personne : qualité du regard, encouragement, joie, questions respectueuses et accueil sont des attitudes fondamentales pour offrir un espace qui permette au jeune de rencontrer le Dieu de Jésus-Christ.
Il est moins significatif de proposer une doctrine ou une idée déjà codifiée que de faire place aux enfants afin qu’ils révèlent leurs riches potentialités humaines pour aimer, donner et créer et leur apporter la confirmation qui donne le courage de poursuivre leur recherche sans crainte. (Henri Nouwen)
En conclusion
Au temps où le nouveau programme « Éthique et culture religieuse » offre une approche purement culturelle des religions au service d’un « vivre-ensemble » dans les écoles du Québec, l’approche de la « Catéchèse biblique par le jeu et les symboles » prend plus que jamais tout son sens, car elle …
- … permettra au jeune de s’enraciner et de faire l’expérience d’une Rencontre qui fait vivre.
- … préservera le jeune d’un certain relativisme qui guette une approche purement culturelle et descriptive des religions. Toutes les images de Dieu ne se valent pas. La Bonne Nouvelle du Dieu de Jésus-Christ est une source intarissable de liberté.
- … offrira aux jeunes la possibilité de découvrir le Dieu intérieur, cet Emmanuel (Dieu-avec-nous) qui s’offre à nous dans les profondeurs de notre être afin de nous accompagner sur les chemins de la vie, de la paix et du bonheur durable.
L’originalité de cette approche, rappelons-le, consiste à porter une attention toute spéciale au langage du cœur, par le biais des symboles bibliques et personnels, afin d’aider le jeune à vivre une expérience de croissance sur les plans humain, spirituel et religieux.
Le va-et-vient entre l’intelligence du cœur et l’intelligence rationnelle permet au jeune de mieux connaître le Dieu-Amour, de mieux se connaître lui-même et de grandir en autonomie et en liberté.
La « tâche » du catéchète-accompagnateur peut donc devenir très valorisante : à savoir faire vivre aux jeunes des expériences d’intériorité où le jeune sera disposé à « voir » Dieu à l’œuvre dans son existence.