Nos liturgies sont le fruit d’un héritage reçu des premiers chrétiens. Une célébration comme celle que nous vivons le Dimanche des Rameaux en est un très bel exemple. En témoigne le journal de voyage d’une noble dame nommée Égérie.
Voici ce que l’on peut lire dans un fascinant journal de voyage rédigé au quatrième siècle.
« Le peuple va devant l’évêque. On chante des hymnes et des antiennes en répondant : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Et tous les enfants du pays jusqu’à ceux qui ne peuvent marcher parce qu’ils sont trop jeunes et que leurs parents portent sur leurs épaules, tous tiennent des rameaux, qui de palmier, qui d’olivier; et ainsi on escorte l’évêque de la même manière qu’a alors été escorté le Seigneur. »
Ce récit d’une procession solennelle des Rameaux, comme nous les connaissons aujourd’hui, n’a pourtant rien de contemporain. Il date du début des années 380. On le doit à une dame de la noblesse partie du sud de la France actuelle pour se rendre en pèlerinage à Jérusalem. Son voyage dure plus de trois ans.
Femme très religieuse, Égérie – c’est son nom – tient un journal et y décrit avec une étonnante précision les habitudes de prière des chrétiens qu’elle fréquente tout au long de son périple.
Elle est particulièrement impressionnée par les pratiques liturgiques qui se vivent alors à Jérusalem et plus précisément celles qu’ont inspirées les lieux où le Christ a vécu sa passion et sa résurrection. Le Mont des Oliviers, le Cénacle, le Jardin, le Golgotha et le tombeau du Christ deviennent des lieux saints où se sont développées des liturgies originales.
C’est ainsi qu’elle décrit dans le détail la Semaine sainte telle que vécue à Jérusalem, une semaine qu’on a tôt fait de reconnaître. Son récit du Dimanche des Rameaux a la précision d’un rituel, celui-là même que nous utilisons.
Par ailleurs, si Égérie se déplace sur des milliers de kilomètres, elle n’est pas la seule. Les pratiques liturgiques voyagent elles aussi. Les pèlerins les rapportent dans leurs bagages avec leurs plus beaux souvenirs. C’est à travers ce partage et ce brassage d’expériences que nos liturgies se sont élaborées.
Nous sommes donc les héritiers de traditions qui ont voyagé dans le temps et l’espace. Les grandes célébrations de la Semaine sainte nous mettent en communion avec les chrétiens des premiers siècles. Elle devient un beau rendez-vous avec l’histoire.
Ce sont ces chrétiens qui les premiers nous ont appris que la communion au sacré se vit à travers des paroles, mais aussi par des gestes. Ne sont-ils pas un ancrage dans le monde sensible et une porte ouverte sur l’invisible?
Marcher, porter un rameau, revivre le Repas du Seigneur, laver des pieds, vénérer le bois d’une croix, veiller dans le noir, allumer un feu, s’en partager la flamme, proclamer les Écritures, verser de l’eau, s’en signer, rompre le pain, boire à la coupe…
Autant de gestes venus des premières communautés.
Autant de gestes cherchant à traduire l’indicible.
Autant de gestes pour communier.
Autant de gestes qui font si belle la Semaine Sainte.