Ghislaine Salvail, bibliste québécoise, s’est amusée à retrouver dans la culture populaire, dictons, expressions ou proverbes et même chansons venus tout droit de la Bible. Elle nous partage quelques-unes de ses trouvailles.
Le parler chrétien
La langue française est une langue riche, personne n’en doute. Aussi, au cours des siècles, elle a engrangé de nombreuses expressions issues de diverses origines dont certaines sont connues et d’autres demeurées nébuleuses.
C’est ainsi que la bible, entre autres, est un terreau fertile en expressions familières, proverbes ou dictons devenus des expressions courantes.
Je vous en propose quelques-unes tout en vous invitant à lire dans la bible l’événement ou le personnage les ayant inspirées. Cela vous fera une bonne raison d’ouvrir ce livre d’une grande richesse et vous renseignera sur la provenance de ces expressions.
De l’Ancien Testament
Expressions
Regardons-en quelques-unes qui nous viennent de l’Ancien Testament :
- Qui n’a jamais dit d’un colosse qu’il était « Fort comme Samson » cet homme qui fit crouler les colonnes du temple Dagôn (Jg 16,29)?
- Les étudiants ou les professionnelles qui prennent « une année sabbatique » prennent-ils conscience qu’ils se réfèrent au jour du Seigneur mentionné au livre de l’Exode (Ex 20,9-10)?
- Dire de quelqu’un qui a toujours à se plaindre et que ces plaintes s’apparentent aux lamentations de Jérémie, cela ne veut pas nécessairement dire, je pense, qu’il soit familier avec les écrits du prophète en question (Lm 1,1s).
Proverbes
D’autres expressions ont pris, au fil du temps, valeur de proverbes :
- « Qui sème le vent, récolte la tempête » (Os 8,7).
- « Être le nombril du monde » aussi (Éz 38,12).
- Notre bon vieux Qohéleth a aussi fait sa part. Mentionnons cette phrase prononcée sur tous les tons par de nombreux parents : « Chaque chose en son temps » ma fille! « Rien de nouveau sous le soleil » en est une autre tout aussi célèbre. Elles ont toutes été prononcées à l’intérieur du même livre prophétique.
Le livre des Proverbes est également une bonne source d’expressions connues. De plus, elles ont pour richesse de ne pas avoir été transformées par l’usage :
- « Deux poids deux mesures » (Pr 20,10) en est une.
- Réussir « pour une bouchée de pain » (Pr 28,21) à mettre la main sur un bien convoité en est une autre.
Ce Livre écrit il y a des millénaires fait partie, qu’on le veuille ou non, de notre héritage culturel. C’est ainsi que la Bible colore notre langage et cela au fil des jours et des situations, créant ce qu’on peut appeler le « parler chrétien ».
Autres dictons, proverbes ou expressions
- Quand quelqu’un vénère l’argent ou les biens matériels à outrance, on dira qu’il adore le veau d’or (Ex 32,4).
- Quand on veut signifier qu’on se désintéresse totalement de ce qui peut arriver pour la suite des choses on ironisera en ces termes : Après moi le déluge! (Gn 6)
- Embrasser une personne proche ou amie et ensuite la trahir c’est lui donner le baiser de Judas (Lc 22,48).
- Quand on dit de quelqu’un qu’il fut pour l’autre une aide précieuse on dira de lui qu’il est un bon Samaritain (Lc 10,33).
- Il arrive que l’on tienne un individu responsable de tous les malheurs, et cela sans véritables preuves. On l’affublera alors du surnom bouc émissaire (Lc 16).
- Qui n’a pas déploré qu’un enfant, un parent, une personne amie s’égare sur la route de la vie? On dira de lui ou d’elle qu’il s’agit d’une brebis égarée (Mt 18,10).
- La chambre de nos adolescents présente souvent un désordre indescriptible. D’aucuns diront qu’elle est un vrai Capharnaüm (Mt 11,23).
- Il arrive qu’une entreprise multinationale se mette sous la loi de la faillite alors qu’on la croyait indestructible. On parlera alors d’un colosse aux pieds d’argile (Dn 2,33).
- Dans un combat inégal au sens figuré comme au sens propre on soulignera qu’il s’agit d’une bataille qui affronte David contre Goliath (1 S 17).
- Devant une générosité qui surprend parce qu’elle dépasse les ressources de la personne qui la donne, on fera référence à l’obole de la veuve (Mc 12,42).
- Se montrer nu en public étonne toujours. Aussi, au lieu de le dire crûment ont dira que ce personnage s’est présenté en costume d’Ève ou d’Adam (Gn 2,25).
- Croquer le fruit défendu fait allusion à une tentation à laquelle nous n’avons pu résister (Gn 3).
- Condamner quelqu’un à priori c’est lui jeter la pierre alors que l’on est loin d’être sans reproche (Jn 8,7).
- Quelqu’un est sans ressource aucune? On dira de lui qu’il est pauvre comme Job (livre de Job).
Cette recherche biblique vous a intéressé? Vous pouvez poursuivre l’exercice.
Le chanter chrétien
Il n’y a pas que nos conversations qui se retrouvent émaillées d’expressions tirées de la Bible.
En fouillant dans mes souvenirs d’enfance, je me suis donnée comme défi de vérifier comment les chansons du folklore français héritées de nos ancêtres, ont pu servir de catéchèse biblique. J’ai commencé par fredonner quelques refrains comme ça, de mémoire…
C’est notre grand-père Noé
Un des premiers textes à références bibliques que j’ai mémorisé fut la chanson qui commençaient par ces mots : c’est notre grand-père Noé, patriarche digne… Le seul Noé que je connaissais c’était un vieil oncle qui avait immigré aux États-Unis et dont ma mère parlait avec une certaine gêne. Le mystère de l’oncle Noé n’a jamais été résolu mais la chanson qui porte son nom a résisté à l’usure du temps.
Les deux testaments
Une autre chanson à saveur biblique a alors monté à mes lèvres et qui donnait comme refrain : il n’y a qu’un seul Dieu qui règne dans les cieux… Et la chanson continuait : On dit qu’il y en a deux, deux testaments, l’Ancien et le Nouveau ho, ho, ho, ho… Je ne connaissais alors que les testaments des dernières volontés des vieilles gens… Quand même! C’est vous dire combien mes connaissances bibliques étaient pauvres. Cependant, à ma défense, je n’avais que sept ou huit ans, la bible n’était pas encore sur les rayons de notre maigre bibliothèque familiale. Et à l’école, c’était « L’histoire sainte » qui en tenait lieu.
La tête remplie de refrains pieux, je suis allée chercher les albums de chants qui ont nourri mon enfance et je les ai feuilletés avec un brin de nostalgie. Je me suis rendue compte que tout était bien gravé dans la mémoire du cœur et que je pouvais chanter plusieurs de ces chansons presque sans fausses notes… Je me permets d’en tourner les pages avec vous.
D’autres souvenirs, d’autres chansons
Les anges dans nos campagnes demeure ma préférée. Les gravures qui l’accompagnaient frappaient l’imaginaire. L’Écho de nos montagnes n’en était que plus mélodieux. Pour ce qui est de la chanson, D’où viens-tu bergère, elle nous mettait devant une situation inconnue chez-nous, en notre pays de froidure.
Aucune bergère dans la famille proche ou éloignée. Ce qui rendait cette petite fille étrangement singulière. Elle racontait ce qu’elle avait vu dans l’étable : un petit enfant sur la paille fraîche mis bien tendrement. Celui-là, le petit Jésus, nous était bien familier. C’est pourquoi nous aurions bien aimé qu’il y ait des bergères parmi nous pour nous raconter tout ce qu’elles avaient vu.
Quant à La marche des Rois mages, elle nous rendait le texte des évangiles plus accessible. Même s’ils partaient de grands matins on ne se posait pas de question sur le comment ils avaient vu l’étoile. La veille sans doute…
Que dire du Jonas dans la baleine dont je n’ai pas trouvé de traces écrites. Sa situation nous donnait le frisson mais la fin du récit, racontée au catéchisme, rendait les boum boum du refrain plus que joyeux.
Tout cela pour dire que la chanson, tout comme le théâtre, ont beaucoup contribué à nous apprendre les rudiments de ce beau livre qu’est la bible.
Aujourd’hui ce livre a connu un essor considérable chez nous. Il est entré dans les foyers. Mais est-il lu? Les textes sont-ils gravés dans les mémoires. Cela reste à voir…