Optimiste? Réaliste? Pessimiste? Le regard de l’Évangile est plutôt traversé par un fort courant d’espérance dans le Royaume de Dieu en germe dans notre monde.
« La foi que j’aime, dit Dieu, c’est l’espérance » Charles Péguy
Réalisme, pessimisme, optimisme… voilà autant de « regards » face à la vie et à l’avenir.
Certains motivateurs ou mouvements de pensée nous encouragent à un optimisme sans borne, et ce, en dépit de la présence évidente du mal dans le monde.
Pour d’autres, tout est sombre, aucune lueur d’espoir, « c’est toujours du pareil au même ».
Qu’en est-il du chrétien? Qu’en est-il de l’Évangile comme source de notre foi? Est-il optimiste? pessimiste? …
Un courant d’espérance
L’Évangile se situe difficilement dans des catégories comme celles de l’optimisme ou du pessimisme. Disons plutôt que l’Évangile est traversé par un fort courant d’espérance dans le Royaume de Dieu en germe dans notre monde.
L’attente active et l’annonce du Royaume de Dieu ont été au cœur même de la vie de Jésus.
Pour les disciples qui se sont mis à sa suite, c’est la Résurrection de Jésus qui est devenu le centre d’un Évangile conçu comme première réalisation du Royaume et comme promesse d’un avenir.
Dans cette perspective, l’espérance chrétienne repose sur trois assises indissociables :
- la mort-résurrection du Christ comme événement situé dans l’histoire (réalité passée);
- le Christ ressuscité à l’œuvre dans notre monde (réalité présente);
- l’attente de l’avènement du Royaume plénier de Dieu (réalité future).
Plus précisément, en quoi l’espérance évangélique change-t-elle le regard, voire l’attitude de fond du chrétien face à la vie et à l’avenir?
L’espérance comme moteur de l’avenir
Comme chrétiens, nous croyons que l’humanité a de l’avenir parce que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts :
- en Lui, Dieu a vaincu toutes les forces du mal et de mort à l’œuvre dans notre monde;
- en Lui, Dieu nous appelle à un dépassement de toutes nos limites humaines pour une réalisation plénière dans le Royaume.
En Jésus-Christ ressuscité, nous espérons un avenir définitif, « absolu » : l’avènement du Royaume du Père. En Lui, Dieu a délivré « tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort » (Heb 2,15).
L’espérance est une force qui nous tire audacieusement vers l’avant, vers la nouveauté, vers le changement, vers l’inédit. L’espérance est le contraire de la nostalgie du passé, de la stagnation, de l’immobilisme, de l’installation dans le présent.
L’espérance est orientation et guide sur le chemin de la vie et audace sur les sentiers de l’avenir.
Le Royaume de Dieu, qui est objet de notre espérance, n’est pas simplement et purement une réalité de l’au-delà. Ce Royaume a été inauguré de multiples façons dans l’activité de Jésus (prédication, guérisons, accueil des pécheurs, pardon, actions privilégiées en faveur des pauvres et des petits) mais de façon particulière dans l’événement de sa mort-résurrection.
Pour nous aussi, le Royaume est une réalité déjà inaugurée dans nos existences personnelles et collectives. Une réalité qui s’insère au creux de notre vie humaine et chrétienne, au cœur de nos amours, de nos luttes et de nos souffrances comme appel et force de dépassement.
L’espérance chrétienne n’est donc pas fuite en dehors de notre histoire, évasion dans des paradis artificiels ou perte de contact avec la réalité. Sans cet enracinement dans l’existence concrète, l’espérance chrétienne n’est plus que rêve et utopie.
L’espérance s’enracine dans le présent
Cette vision chrétienne de l’espérance nous amène à affirmer que l’avenir est déjà présent dans le « ici et maintenant ». L’avenir est le fruit de décisions personnelles ou collectives que nous prenons, jour après jour, sans toujours se rendre compte de leur portée.
Par nos activités et nos engagements qui vont dans le sens de plus d’humanité, nous participons à la venue du Royaume en notre monde.
Une telle vision d’avenir ne doit pas nous voiler la réalité dans ses aspects les plus durs, avec son cortège d’aliénation, d’oppression et de mort.
Pour inaugurer le Royaume, le Christ n’a pas fui la dureté de l’existence humaine : c’est même à travers la souffrance et la mort qu’il a ouvert la voie d’un avenir pour l’humanité.
Nous non plus, nous ne ferons pas l’économie de la lutte et de la souffrance dans un monde marqué par le péché et le mal et où les voies d’avenir semblent trop souvent sans issues.
L’espérance comme interpellation
L’espérance chrétienne nous appelle à collaborer à l’édification du Royaume, c’est-à-dire à construire un monde plus juste, plus vrai, plus fraternel et cela, malgré l’indifférence des uns et la « désespérance » des autres.
Pour ce faire, nous aurons besoin d’un surcroît d’« esprit » dans nos vies personnelles et dans nos engagements collectifs. Qu’est-ce à dire?
Cela comporte sûrement :
- une volonté décidée de partager le meilleur de nous-même;
- une bonne dose de courage pour contester certaines valeurs prédominantes du monde actuel;
- le goût de témoigner des valeurs de l’Évangile;
- une faim et une soif de justice et une grande ouverture à l’Esprit du Seigneur en nous.
C’est travailler à remplacer l’amour du pouvoir par le pouvoir de l’amour.
Une urgence en termes d’avenir, c’est sûrement le service du pauvre et du petit.
Comme chrétiens, nous ne pouvons plus ignorer le contexte social qui est le nôtre :
- l’écart toujours grandissant entre les riches et les pauvres;
- l’augmentation effarante du nombre de pauvres et de déshérités sur notre planète;
- la distance énorme qui sépare les pays riches des pays pauvres;
- le vice structurel de nos sociétés face au problème de l’exploitation des plus démunis.
La justice et le service du pauvre sont désormais le chemin obligé de notre avenir comme humanité.