Ce n’est que peu à peu, dans la mesure où nous nous ouvrons à la grâce de Dieu, que notre centre passe de « notre petit moi infantile qui rapporte tout à soi » à celui de Dieu qui est altruisme.
Cet article s’inspire à titre particulier de la pensée de Maurice Zundel, notamment : « Mon ami, monte plus haut » dans Ta parole comme une source, p. 57-60 et « Inconscient et nouvelle naissance » dans Silence, parole de vie, p. 9-24.
Le désir de valoir
Comme le disait le psychiatre Angelo Hesnard, « le désir de valoir » semble être le désir le plus fondamental chez l’être humain. Nous avons besoin de compter pour quelqu’un, d’avoir du prix à ses yeux.
Nous voulons que notre vie ait un sens, nous voulons pouvoir nous estimer et nous admirer, nous voulons pouvoir trouver un goût à la vie et un motif de la poursuivre jusqu’au bout. Au fait, si nous ne croyons pas à la valeur de notre vie, pourquoi continuerions-nous à la vivre?
La réponse de Jésus face à ce désir
Comme le disait saint Augustin : « Dieu s’est fait homme afin que l’homme devienne Dieu » : c’est tout le mystère de la nativité, de la fête de Noël et de l’incarnation.
Notre désir de grandeur est exaucé par le Christ : nous avons bel et bien à partager la vie même de Dieu.
Mais de quelle divinité s’agit-il?
Alors qu’on était souvent porté à imaginer la grandeur de Dieu comme étant une domination, où du haut de sa toute-puissance Dieu demanderait soumission, Jésus nous révèle un tout autre visage de la divinité.
En Jésus, être Dieu signifie se donner sans mesure. Dieu est l’Amour, l’éternelle communication, la Générosité même. Dieu n’est pas celui qui cherche à dominer ou écraser les autres du haut de sa toute-puissance.
Devenir Dieu, entrer dans la vie de Dieu, signifie donc devenir un élan de générosité et d’altruisme.
L’infini ce n’est pas de tourner autour de soi où les autres seraient ni plus ni moins comme des satellites de sa personne. Il s’agit d’être libre de soi afin de devenir don à l’instar du Dieu trinitaire révélé en Jésus-Christ.
Ainsi, notre désir de valoir, notre aspiration à la grandeur, trouve son sens en Dieu. La vraie grandeur la voilà : se libérer de soi afin de devenir « don ».
Prière
Seigneur,
Donne-moi de découvrir ton Vrai Visage.
Conduis-moi sur le chemin de la véritable grandeur.
Inspire-moi des petits pas pour que je vive concrètement « la joie et la liberté du don » pour ton bonheur et celui des autres.
La seconde naissance
Or il y avait, parmi les Pharisiens, un homme du nom de Nicodème, un des notables juifs. Il vint, de nuit, trouver Jésus et lui dit : “Rabbi, nous savons que tu es un maître qui vient de la part de Dieu, car personne ne peut opérer les signes que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.” Jésus lui répondit : “En vérité, en vérité, je te le dis : à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu.” (Jn 3,1-3)
Alors que la plupart des attitudes et décisions de bon nombre d’adultes sont encore commandées par des impulsions d’un psychisme resté trop souvent infantile (habité comme le dit le psychiatre Angelo Hesnard par le « désir de valoir »), Jésus nous appelle à un passage, à une nouvelle naissance. L’être humain a besoin d’être rejoint jusque dans ses racines.
Faire pénétrer la lumière de Dieu
« Bien tard je t’ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée. Et voici que tu étais au-dedans, et moi, au-dehors, et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas. Tu m’as appelé, tu as crié, et tu as brisé ma surdité; Tu as brillé, Tu as resplendi, et Tu as dissipé ma cécité; Tu as embaumé, j’ai respiré et, haletant, j’aspire à toi; j’ai goûté et j’ai faim et soif; Tu m’as touché et je brûle pour ta paix. » (Saint Augustin, Confessions – X, 27, 38)
On ne peut pas combattre directement son inconscient et se délivrer de son moi infantile qui recherche à tout rapporter à soi. Comme Saint Augustin, il s’agit de se rendre perméable à la Présence de Dieu qui nous habite : tel un « Soleil intérieur » qui brille par le dedans.
« Mais il y a quelque chose qui peut atteindre l’inconscient et c’est l’amour, le rayonnement d’une personne, c’est la bonté, c’est le silence, c’est la musique, c’est toute cette atmosphère qui constitue une respiration, et qui va jusqu’aux racines et qui peut les tourner vers leur soleil.
Dieu a prise sur l’inconscient parce que Dieu justement est une personne, Dieu est un vivant, Dieu est une présence, Dieu est une lumière, Dieu est un amour et Dieu est libérateur : Il est dedans. Il n’est pas dehors. C’est donc du dedans qu’il intervient. » (Maurice Zundel, « Inconscient et nouvelle naissance » dans Silence, parole de vie, p. 20-21).
Il s’agit donc de s’unir à la Vie de notre vie, d’être touché par le fond, afin que partageant la Vie même de Dieu nous puissions vivre de sa Liberté. Ce n’est que peu à peu, dans la mesure où nous nous ouvrons à la grâce de Dieu, que notre centre passe de « notre petit moi infantile qui rapporte tout à soi » à celui de Dieu qui est altruisme.
Sur la voie de l’unique nécessaire
« Il y a en nous plus grand et plus précieux que nous » à savoir la Vie même de Dieu qui nous est confiée. L’unique nécessaire est vraiment de s’unir à Dieu, d’adhérer à sa Vie.
Il ne s’agit pas tellement de combattre nos défauts que de se tourner vers Dieu, de chercher à l’écouter et à être transparent à sa Vie qui est à l’œuvre en nous.
« Quelles que soient nos difficultés, quelles que soient nos défaillances, quelles que soient nos fautes et nos chutes (…) si notre premier mouvement est de nous tourner vers Lui, tout sera finalement sauvé parce que la racine du mal c’est de coller à soi et que cette racine, Dieu seul peut l’atteindre. »
« Dieu seul peut l’exhausser (= rendre plus élevé) parce qu’en Dieu justement se trouvent toutes les valeurs. Il n’y a que Dieu qui puisse apaiser en nous ce désir de valoir parce qu’Il le réalise à sa manière, en nous fixant en Lui. »
« Quand l’adhésion à Dieu est assez ferme et assez constante, quand elle est constamment reprise et opiniâtrement poursuivie, il est impossible que, finalement, même avec tous les complexes, avec tous les désordres psychiques, que le fond de l’être ne se redresse pas et que les racines peu à peu ne s’ordonnent pas à leur Soleil. »
(Maurice Zundel, « Inconscient et nouvelle naissance » dans Silence, parole de vie, p. 23-24).