La Neuvaine, un beau film québécois qui parvient avec un rare bonheur à remettre en perspective l’expérience croyante de tradition catholique.
L’édition 2005 du festival international du film de Locarno en Suisse a accordé trois prix à un film québécois au titre pourtant peu accrocheur : La Neuvaine. Le cinéaste Bernard Émond en a signé le scénario et la réalisation.
On sait qu’il est de bon ton dans le milieu des médias de jeter le ridicule sur tout ce qui touche au catholicisme.
Et voilà qu’un cinéaste incroyant vient de consacrer un long métrage à une expérience de foi en contexte québécois. Le choix est pour le moins audacieux.
Émond s’en est expliqué à la presse. Son projet est né d’un haut-le-cœur devant le mépris de ce qu’il reconnaît comme une composante essentielle et structurante de notre univers culturel. Ce film conçu autour du thème de la foi sera suivi de deux autres consacrés à l’espérance et à la charité. Le propos est donc clair.
Une œuvre d’art
D’entrée de jeu, il est cependant important de rappeler qu’il s’agit d’abord d’une oeuvre d’art cinématographique. Le rythme, la couleur, le son, les silences surtout et les images de Jean-Claude Labrecque font de ce film du grand cinéma. Élise Guilbault crève l’écran tout autant que le jeune Patrick Drolet qui, avec ce premier rôle, aura décroché le prix du meilleur interprète masculin. Mais ce film nous amène au-delà des images.
Un dialogue longtemps espéré
L’histoire est toute simple. Une femme médecin, athée, (Élise Guilbault) vient de vivre un drame terrible qui l’a complètement anéantie. Un jeune ado (Patrick Drolet), de Petite-Rivière-Saint-François, vit seul avec sa grand-mère qui n’en a plus que pour quelques jours à vivre.
Il est croyant et a décidé d’entreprendre une neuvaine à Sainte-Anne pour obtenir sa guérison. Pendant ces neuf jours de navette entre Beaupré et Petite-Rivière se croisent leurs deux univers qui n’ont pourtant rien de commun.
Et tout se fait sans heurt, sans happy end, sans eau-de-rose, dans la dignité, dans la vérité. C’est ce qui donne tant de prix à cette neuvaine devenue un dialogue longtemps espéré entre deux autres solitudes.
Une grande leçon
Pour qui se passionne de catéchèse, nous voilà aussi devant une grande leçon. On peut rêver longtemps d’être aussi éloquent. Avec une économie de moyen qui n’a d’égal que son efficacité, Émond qui se sait et se dit catholique de culture mais incroyant, parvient avec un rare bonheur à remettre en perspective l’expérience croyante de tradition catholique. De toute évidence, Émond s’est documenté avec soin, ce qui nous éloigne de toutes ces bêtises trop facilement véhiculées par le cinéma québécois.
Son art consiste à aller chercher l’essentiel. D’ailleurs son utilisation du gros plan à la fois visuel et sonore ne trompe pas. Avec Émond, pas d’artifice. L’acharnement thérapeutique, la mort, la prière, le délicat rapport entre incroyance et foi, leurs places respectives dans la culture religieuse du Québec et plus particulièrement dans ce haut lieu de foi populaire qu’est le sanctuaire Sainte-Anne de Beaupré : autant de questions abordées en toute franchise.
Le jury des jeunes à Locarno a décerné à La Neuvaine le prix Environnement et Qualités de vie. Voilà déjà qui en dit long. Un film à voir et à revoir.