Mourir pour renaître. Mais comment?

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Réincarnation versus Résurrection


16 février 2017


Croire à la résurrection de la chair, c’est faire le pari que notre corps, créé à l’image de Dieu et en lien étroit avec notre histoire personnelle et ses expériences, est assez important pour être ressuscité en la résurrection de Jésus Christ.

Introduction

Christ ressuscitéLorsque les chrétiens confessent « Je crois en la résurrection de la chair », ils confessent que l’être humain, dans sa réalité corporelle, revivra après la mort.

Pour toutes les religions chrétiennes, la foi en la résurrection de la chair est basée sur la foi en la résurrection de Jésus Christ.

Si le chrétien considère la mort comme la fin de son histoire terrestre, il ne la considère pas comme la fin de son existence, car si Dieu a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts, il le ressuscitera lui aussi dans son être corporel. D’autres mouvements religieux enseignent plutôt la croyance en la réincarnation. Voyons brièvement ce qui distingue ces deux types de croyance.

Réincarnation

Le problème de l’injustice dans le monde

Depuis des millénaires, des centaines de millions d’humains ont cru et croient à la réincarnation qui, pour eux, apporte une réponse au problème de l’injustice dans le monde.

Il est incontestable que la justice et l’égalité n’existent pas au sein de l’humanité : certains sont riches, d’autres pauvres; certains sont heureux, d’autres malheureux, certains sont considérés, d’autres méprisés, certains sont brillants, d’autres ternes.

Comment expliquer tant d’inégalités? Le hasard peut-il en être la cause? Cela n’expliquerait pas l’injustice. Dieu peut-il en être responsable? Il serait lui-même injuste? À ce sujet, la doctrine de la réincarnation prétend fournir une réponse et corriger ces inégalités.

Le cycle des réincarnations

Cycle des réincarnationsLa réincarnation enseigne que l’homme connaît plusieurs vies successives : il vit et meurt, puis il renaît, vit et meurt à nouveau, et ainsi de suite jusqu’à ce que son être spirituel ait atteint son accomplissement, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit purifié, libéré et parfait. Bien sûr, le cycle de ces réincarnations peut durer fort longtemps.

Pendant ses vies successives l’être humain garde son identité : c’est la même personne, le même « je » qui se réincarne. Ce qui est différent, c’est le corps et ses traits physiques. Ainsi le corps peut être beau dans une vie et laid dans une autre. La situation sociale aussi peut être différente : quelqu’un peut être riche et puissant dans une vie et pauvre et méprisé dans une autre.

Dans le langage courant, le mot réincarnation est employé très souvent comme synonyme de transmigration : celle-ci professe que l’âme peut réapparaître sur  terre sous une forme non humaine (plante ou animal) ou encore humaine.

Cette conception se retrouve chez beaucoup de penseurs religieux à travers les siècles et remonte même à des philosophes grecs anciens tels Platon.

L’implacable loi du karma

La doctrine de la réincarnation est basée sur la loi du karma (= action). Les bonnes ou mauvaises actions déterminent le destin de chacun tant dans la vie présente que dans la vie future. Une bonne vie entraîne une réincarnation heureuse, une mauvaise entraîne une réincarnation plus ou moins malheureuse. Justice est faite.

La loi du karma est implacable et sans pitié. Sous cette loi, il n’y a pas de place pour le pardon gratuit de Dieu. Il n’y a pas de place pour la grâce.

Comme on peut le constater, la réincarnation est inconciliable avec la foi chrétienne. L’Église enseigne, et a toujours enseigné, que le salut de l’être est réalisé au cours d’une seule vie, la vie terrestre.

Chacun accueille ou refuse ce salut pour lui-même. Il n’est pas esclave de son destin et des multiples cycles de réincarnations. Au contraire, il est libre de se mettre ou non à la suite de Jésus Christ ressuscité « premier-né d’entre les morts » (1 Co 15,20), qui, dans la foulée de sa propre résurrection, l’entraîne à partager la victoire de Dieu sur la mort.

Résurrection

Un acte du Dieu créateur

Pour dire ce que devient la personne humaine après sa mort, la Bible emploie le mot résurrection. C’est une métaphore, une image empruntée au langage du sommeil (en grec : anistamai, egei­romai = se lever, s’éveiller).

La résurrection n’est pas le retour du cadavre à la vie, c’est plutôt l’accession de l’être tout entier, du « je », à la vie parfaite et définitive.

C’est un acte du Dieu créateur qui, par sa puissance, assure l’achèvement de sa créature en la conduisant à son accomplissement final. Tous les désordres, le mal, le péché, la mort sont alors vaincus.

L’après-vie selon l’Ancien Testament

Le shéol

Selon l’Ancien Testament, les Hébreux n’avaient, au début, qu’une vague croyance en un shéol « pays des ténèbres et de l’ombre épaisse » (Jb 10,2). C’était le lieu, où après la vie, l’homme se reposait sans espoir de retour (cf. Jb 14,11). C’est pour cela que les patriarches bibliques avaient une vision temporelle et matérielle de leur alliance avec le Dieu vivant. La bénédiction de ce Dieu assurait une longue vie, une nombreuse descendance et la prospérité.

Apparition de l’idée de résurrection personnelle

Ce n’est qu’au IIe siècle av. J.C. qu’on voit apparaître l’idée de résurrection personnelle. Nous sommes alors à l’époque d’Antiochus IV Épiphane, une époque de persécution.

Devant la fidélité des martyrs de la foi, le prophète Daniel annonce une ère nouvelle où tous ces morts reviendront à la vie après avoir dormi « au pays de la poussière ».

Cette vie sera sans fin. Les martyrs, témoins de la foi, seront récompensés et leurs persécuteurs punis : « En ce temps-là… un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, l’horreur éternelle » (Dn 12,1-2).

Dans la Septante (l’Ancien Testament dans sa version grecque) c’est le 2e livre des Maccabées qui nous parle de résurrection. Au chapitre sept on découvre une théologie de la résurrection d’une grande densité. Entre la mort du premier et du dernier des sept frères martyrisés sous les yeux de leur mère, l’auteur déploie cette théologie dans des paroles qui se complètent et s’affinent au fur et à mesure que l’histoire se déroule. Dans l’espérance de la résurrection, ces croyants sont prêts à assumer, jusqu’à la mort, les risques de leur fidélité à Dieu.

Ces deux textes, celui de Daniel et celui de 2 Maccabées, montrent bien l’apparition progressive de la foi en la résurrection de la chair. Cependant, pour atteindre la force et la sérénité de la foi chrétienne, il faudra attendre la venue de Jésus de Nazareth, qui après sa vie dans notre chair mortelle et sa mort sur la croix, sera ressuscité par Dieu son Père.

La foi de Pâques

La foi de Pâques est unique. Dès l’aube de l’Église, elle se transmettra par la prédication en une formule concise qui contient déjà le noyau de notre Credo :

Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, il a été enseveli,
il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures,
il est apparu à Céphas puis aux Douze… »
(1 Co 15,3-5).

Résurrection du Christ / Résurrection de l’être humain

La foi de saint Paul en notre résurrection

Résurrection des mortsLa foi en la résurrection corporelle est fondée en christianisme sur la résurrection de Jésus Christ. L’apôtre Paul est celui qui a le mieux développé cette théologie de la résurrection. Aux Corinthiens qui mettent en doute la résurrection corporelle des morts, il rappelle avec vigueur le lien entre la résurrection de Jésus et celle des chrétiens.

Pour lui, qui est Juif et qui comprend la personne humaine comme une entité, sans distinction de corps et d’âme, une résurrection qui n’inclurait pas le corps ne serait pas une résurrection. Ce ne serait pas la foi qu’il a reçue ni celle qu’il a enseignée. Ce ne serait d’ailleurs pas la foi de l’Église.

Il faut être logique : on ne peut proclamer la résurrection du Christ et son triomphe sur la mort sans proclamer en même temps la résurrection des morts à la suite de Jésus Christ. Autrement, dit saint Paul, « votre foi est vide »; « notre prédication est vide »; «nous sommes de faux-témoins de Dieu»; « vous êtes encore dans vos péchés »; « les morts sont perdus et nous sommes les plus à plaindre des hommes » (cf. 1 Co 15,12-19).

Mais ce n’est pas le cas, car « Christ est ressuscité» des morts, prémices de ceux qui sont morts » (1 Co 15,20), ce qui signifie que sa résurrection est le gage de la nôtre : « Comme tous meurent en Adam, en Christ, nous recevrons la vie » (1 Co 15,22).

Le Christ n’est pas mort pour lui-même, il est mort pour nous tous. Il n’est pas ressuscité pour lui-même, mais pour nous entraîner avec lui dans une vie nouvelle, une vie d’amour et de communion à Dieu et à nos frères et sœurs. Vie commencée dès ici-bas et achevée dans l’au-delà.

L’Esprit du Ressuscité en nous

Une telle résurrection se vit dans notre corps. Paul est d’ailleurs très explicite sur ce point : « si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11).

La résurrection est l’acte ultime de la révélation de Dieu. C’est l’acte ultime de son amour pour nous. En donnant sa vie pour nous, Jésus a voulu témoigner de l’amour de Dieu pour nous; et Dieu, en le ressuscitant, a authentifié ce témoignage de Jésus. C’est là notre foi, notre certitude.

Quelle chair, quel corps ?

« Je crois en la résurrection de la chair » Oui, mais à condition de comprendre le mot chair comme une réalité personnelle, un « je » tout entier avec sa propre histoire tissée à travers des relations interpersonnelles au cours de la vie terrestre; non, si je comprends le mot chair comme la substance moléculaire commune aux hommes et aux animaux. La résurrection, on l’a dit plus haut, n’est pas la réanimation du cadavre.

Quand Paul répond aux Corinthiens qui lui demandent avec quel corps ils vont ressusciter, il leur dit ceci :

« Semé corruptible, le corps ressuscite incorruptible, semé méprisable, il ressuscite plein de gloire,
semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force,
semé corps animal, il ressuscite spirituel »
(1 Co 15,44).

Cependant l’Apôtre ne semble pas vouloir donner une explication ou une description du corps de résurrection. La pointe de ses affirmations porte sur l’acte de résurrection du chrétien dans un corps différent du corps terrestre. Comme les Corinthiens niaient la résurrection en raison d’une certaine conception du corps, Paul se devait de leur démontrer qu’il y a plusieurs sortes de corps et que le corps de la résurrection est autre que le corps terrestre.

Ce corps est spirituel, donc différent du corps mortel tant par sa constitution que par son orientation. C’est un corps nouveau, donné par Dieu, parfaitement adapté à l’Esprit qui l’anime et le guide.

Le corps ressuscité ne tombe pas sous le processus naturel de création, il appartient à la nouvelle création des temps eschatologiques (les temps de la fin du monde et de la venue du Royaume). Ce corps, tout en étant le même « je » qui a vécu sur terre, est différent parce que la vie dans le Royaume est différente. Cette nouvelle existence place l’être humain sous l’influence de l’Esprit Saint. Le corps de la résurrection permettra de nouvelles relations à Dieu et aux autres.

Conclusion

Croire à la résurrection de la chair, c’est faire le pari que notre existence terrestre, dans ce qu’elle a de profondeur humaine, contient des germes d’éternité qui vont s’épanouir dans un au-delà de la mort, en lien avec nos frères et sœurs de parcours, de par la puissance de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts pour l’introniser dans son Royaume de gloire (cf. Rm 8,11).

Croire à la résurrection de la chair, c’est faire le pari que notre corps, créé à l’image de Dieu et en lien étroit avec notre histoire personnelle et ses expériences, est assez important pour être ressuscité en la résurrection de Jésus Christ et « être transfiguré en cette même image avec une gloire toujours plus grande… » (2 Co 3,18)

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