La liturgie est un lieu catéchétique important. Elle rassemble chrétiens et chrétiennes et contribue à édifier l’être croyant. Pour remplir cette vocation, la liturgie est appelée à faire preuve d’inventivité et à se diversifier.
Il ne se passe pas une semaine sans que nous soyons sollicités pour célébrer divers éléments de notre vie culturelle ou sociale, ou encore de notre vie personnelle ou familiale. Pourtant, les chrétiens continuent à bouder les lieux de célébration de leur foi.
Entre le sacré et le profane le fossé semble aller en s’accentuant. Notre langage est-il adapté? Manquons-nous d’ imagination et de créativité? Et pourtant, force est de constater qu’aujourd’hui plus que jamais auparavant, le besoin de faire sens, de se retrouver, de créer des liens, de célébrer est présent « dans notre monde en recherche ».
Mais peut-être faudrait-il revenir à l’essentiel, reprendre au début, là où réside les besoins de l’être humain et le chemin proposé par le christianisme?
Nous découvririons alors que la liturgie est toujours un lieu d’apprentissage de la foi au Dieu de Jésus Christ.
Un sens de la fête toujours présent
Les Québécois n’ont certes pas perdu le goût de la fête et du rassemblement et ils savent même faire preuve de créativité quand vient le temps de célébrer la vie en ses nombreux aspects. Ainsi, nous pourrions faire une litanie des fêtes célébrées dans nos sociétés contemporaines tant elles demeurent un rituel « incontournable » pour les personnes de toutes les générations.
De festivals. On n’a qu’à penser aux nombreux festivals qui parsèment nos saisons (jazz, rire, blues, fierté gaie, poésie, feux d’artifices, les couleurs (automne), cinéma, Carnaval de Québec, jusqu’aux prostituées tout récemment).
… en rituels… Et que dire des nombreuses fêtes au niveau social : fête nationale, du travail, des mères et des pères, la Saint-Valentin, journée des personnes âgées ou des jeunes, fête des récoltes, du vin nouveau, de Noël, Pâques (devenues ou redevenues fêtes païennes – cadeaux, chocolats, etc.) et de l’An Nouveau, etc.
… en passant par le quotidien, soulignant les anniversaires de naissance, de baptême, de mariage ou de vie commune, l’aménagement dans un nouveau logis ou l’obtention d’un nouvel emploi, la mise à la retraite, ou encore les fêtes simplement improvisées pour le plaisir de se rencontrer autour d’une table pour nourrir nos amitiés, nos amours, fêter le retour d’un être cher, d’une bonne nouvelle, ou simplement être là. etc.
Mais alors, comment expliquer – en dehors des raisons historiques des années 60 – la désaffection au niveau de nos célébrations religieuses alors que la majorité des Québécois affirment être toujours chrétiens ?
Mais la liturgie ne nous parle plus
Vatican II a voulu renouveler la liturgie, en accordant une plus grande place à l’assemblée à l’intérieur des célébrations, en tenant davantage compte de la culture ambiante, en utilisant un langage qui se parle à travers tous nos sens et qui doit parler à tous nos sens. Force est de constater que, malgré d’heureuses et nombreuses initiatives, la réforme liturgique n’a pas atteint les buts qu’elle s’était fixée!
Peut-être n’avons nous pas pris suffisamment le temps de nous approprier le nouveau cadre liturgique et d’en privilégier chacune de ses composantes, de donner aux intervenants et aux assemblées une formation pertinente.
Par un usage abusif du langage qui cherche à tout expliquer, à tout rationaliser, on a tué le mystère qui vient à la rencontre de l’humain.
Le silence, cet espace vital pour bâtir une relation privilégiée, intime, a perdu sa place. Espace tout aussi nécessaire que le chant et la parole pour aider à former la communauté. Les éléments plus conservateurs de notre Église n’ont pas toujours tort en dénonçant la perte de sacré de nos liturgies.
Un manque de créativité ?
D’autre part, à vouloir trop insister sur l’eucharistie comme étant « le centre et le sommet de toute la vie de la communauté chrétienne », on a oublié qu’il y a d’autres cadres possibles pour célébrer notre foi, en marquer les moments forts ou importants, entrer en relation avec Dieu.
Ce sont pourtant ceux-ci qui peuvent nous conduire à une célébration plus vraie et plus communautaire de l’eucharistie, une eucharistie davantage ancrée dans la vie quotidienne, si on ne l’enferme pas dans un rituel programmé et intouchable. Comme le soulignait Jacques Grand’Maison dans Liturgie, Foi et Culture (automne 2002) : « Une liturgie toute codée, prédéfinie, prédigérée, ne peut qu’avoir peu d’attrait pour les nomades modernes que nous sommes ».
On nous dira que c’est sans doute parce que notre Église manque d’imagination et que ses prêtres ne savent pas danser autre chose qu’une messe… (et encore la danser correctement !) Il ne faut pas craindre d’investir les rituels actuels tout en inventant de nouveaux pas, de nouveaux rituels… qui nous aident à mieux danser l’aujourd’hui de notre foi !
Faire autrement…
En milieu carcéral – Un ami, travaillant dans un milieu carcéral, me disait bâtir des célébrations qui tiennent compte des moments importants dans la vie d’un prisonnier : son arrivée dans le lieu carcéral, des événements qui marquent la vie du centre de détention et qui ont un impact sur la vie des gens, le retour à la vie en société… Autant de moments qui, à travers la prière, le chant, l’écoute de la Parole de Dieu, la solidarité entre détenus, aident à vivre les passages, les lourdeurs, les conflits.
Dans le cadre d’un engagement de jeune – En une autre occasion, lors d’un engagement d’un jeune au sein de notre projet, notre célébration a duré plus de deux heures… sans que personne s’en plaigne simplement parce que l’événement, la place qu’occupaient les participants, la fraîcheur apportée au rituel, les symboles, le chant, tout concourait à en faire une fête où il faisait bon être! Il y avait là des gens de tous les âges, mais principalement des jeunes! La célébration faisait sens, les respectait, leur donnait une place, etc.
Des temps de prière – Et que dire des moments de prière communautaire qui font naître la créativité par des textes traditionnels et nouveaux, des aménagements qui brisent la routine, des chants qui entraînent à la méditation ou à la danse…? Les manières de prier sont aussi variées que les personnes qui s’assemblent… Et sans doute que Dieu doit trouver que cela le sort de la routine, lui aussi…!
Une diversité de rassemblements… pour une diversité de besoins
S’il y a toujours place dans notre Église pour de grands rassemblements ponctuels, de grandes fêtes de la vie et de la foi (comme celle des JMJ, les week-ends de Taizé, etc.) il ne faudra pas crainte d’aller vers la vie au quotidien qui a besoin, plus que tout, d’être célébrée et remise en valeur, une vie appelée à faire sens et à créer des liens.
Il nous faudra investir de plus en plus dans de petites communautés où la foi sera vécue, approfondie et célébrée, part de nos fêtes familiales et de nos rassemblements de tous ordres.
Dieu faisant partie de notre histoire, la liturgie, pour demeurer un lieu qui aide à bâtir la communauté et à éduquer à la foi, devra apprendre à se dire à dimensions humaines, tout en répondant à des besoins réels et ponctuels de notre temps.
C’est souvent parce qu’ils ont participé à des célébrations signifiantes que des hommes et des femmes ont cherché à renouer avec la foi de leur enfance, à revitaliser leurs liens avec Dieu !
Nos fêtes de quartiers, de famille, ne nous empêchent pas de célébrer la fête nationale ou d’autres événements qui rejoignent la collectivité! Pourquoi serait-ce si différent en Église, une Église qui se veut en lien avec le monde?
Les petites communautés rendent possibles les divers moments de passages, les moments où se retrouver, où s’identifier, se reconnaître, se dire, se célébrer, s’ouvrir à Dieu et aux autres, danser et puis rire… des lieux de vie et d’espérance! Combien alors nos grands rassemblements pourraient devenir parlants de la richesse et de la diversité qui les composent!
Un lieu catéchétique
La liturgie, parce qu’elle vient nous parler de Dieu, qu’elle nous révèle sa Parole pour aujourd’hui, qu’elle cherche à nous rassembler comme peuple de l’Alliance, qu’elle est un lieu d’action de grâce, de louange, demeure un lieu de catéchèse important, même si ce n’est pas là sa fonction première.
Elle est un lieu où le chrétien, la chrétienne, apprennent à se dire sur le plan de la foi, où ils reçoivent (et se reçoivent), souvent pour la première fois, des enseignements qui les aideront à vivre au quotidien.
La liturgie, comme la catéchèse, ne peut faire abstraction des défis auxquels est confronté notre monde, si elle veut rassembler les chrétiens et les chrétiennes, tout en contribuant à édifier l’être croyant.