Maurice Zundel voit dans l’expérience de la “liberté entendue comme libération”, le signe par excellence de la rencontre du Dieu de l’Évangile. L’être humain s’intériorise : il devient « source » et « lumière », en communion avec le Dieu vivant.
Cet article est tiré des pages 80-84 de l’excellent ouvrage intitulé Pour toi, Qui suis-je? – Textes inédits de Maurice Zundel présentés par Paul Debains que nous vous conseillons grandement (Éditions du Jubilé – Le Sarment, 2003). La mise en forme du texte, titre, sous-titres et questions sont du Service catéchétique viatorien.
Maurice Zundel, ce génie spirituel, selon le témoignage même du pape Paul VI, nous convie à l’originalité du Dieu de l’Évangile : un Dieu intérieur, un Dieu qui s’offre, un Dieu source de Vie, un Dieu intime, un Dieu Amour.
De quelle liberté s’agit-il ?
À l’instar de l’Évangile et de Saint Paul, Maurice Zundel identifie “liberté et libération”.
« Tout le monde parle de liberté. C’est un terme qui accroche notre sensibilité, qui nous émeut et correspond à nos aspirations les plus profondes. Tout le monde en parle, j’en parle tout le temps avec cette différence que j’identifie continuellement liberté et libération. » (p. 80)
La rencontre du vrai Dieu est gage de libération
« Précisément dans l’expérience de la liberté entendue comme libération, je vois dans cette expérience à la fois la plus haute expérience de l’homme et la plus haute expérience de Dieu : l’homme se trouve qu’en se libérant lui-même, il ne connaît Dieu authentiquement que s’il se libère de lui-même. » (p. 80)
L’entretien de Jésus avec Nicodème (Jn 3,1-8) nous éclaire sur la nature de la liberté véritable
« Ceci est d’une immense importance et vous devient immédiatement sensible, je veux dire que vous pouvez trouver immédiatement une référence, qui vous est parfaitement connue, dans l’entretien de Jésus avec Nicodème : cet entretien touche de façon précise et éclaire d’une manière infiniment profonde le problème de notre liberté entendue comme une libération. » (p. 80)
Qui est Nicodème ?
« Un docteur de la Loi, un homme qui toute sa vie s’est penché sur les Écritures, sa profession étant de les lire et interpréter, c’est donc un homme de religion : si on lui enlève les Écritures et qu’il n’a plus à les interpréter, il cesse d’exister puisque sa profession est précisément la connaissance des Écritures et leur interprétation, il semble donc qualifié d’une manière particulière pour dialoguer avec Jésus, et il vient effectivement, avec prudence d’ailleurs, puisqu’il choisit de Le rencontrer de nuit, il vient s’entretenir avec Jésus. » (p. 80-81)
« Nul ne peut voir le Règne s’il ne naît de nouveau »
« Nicodème complimente d’abord Jésus sur les prodiges qu’il accomplit, sur les signes qu’il vient de donner lors de la première Pâque que Notre Seigneur a passé à Jérusalem. Le Seigneur n’enchaîne pas sur ce compliment, mais aussitôt lui fait une remarque et lui propose une exigence : ‘Nul ne peut voir le règne de Dieu s’il ne naît de nouveau.’ » (p. 81)
Un nouveau regard qui vient de l’intérieur
« Cela veut dire de toute évidence que la connaissance que Nicodème peut avoir des Écritures est insuffisante s’il ne se transforme pas radicalement : il faut qu’il renaisse ou naisse de nouveau. Il faut donc qu’il subisse une transformation de lui-même qui lui donnera un nouveau regard, et qui emplira son regard de la lumière indispensable pour entendre le sens des Écritures : un nouveau regard est nécessaire pour atteindre à travers les Écritures la Présence même de Dieu et pour découvrir en Jésus-Christ celui que l’Écriture annonce et qui est là devant lui, mais qu’il ne peut reconnaître que s’il devient intérieur à lui-même : dans cette rencontre de Jésus avec Nicodème, nous rencontrons donc le thème de la libération. » (p. 81)
L’expérience de Saint Augustin – Dieu est reconnu dans notre libération (intériorisation)
« Et je reviens donc à cette direction de pensée qui nous est devenue si familière : Dieu s’expérimente. Dieu est reconnu dans notre libération (…). C’est l’expérience d’Augustin : « Tu étais dedans, mais moi, j’étais dehors! » (p. 82)
« Augustin ne peut constater qu’il était dehors et s’en rendre compte que parce qu’il est passé du dehors au-dedans. C’est ce passage au-dedans de lui-même, c’est ce changement radical qu’il opère qui le met en face du vrai Dieu et lui fait reconnaître Dieu comme la vie de sa vie : « Vivante sera désormais ma vie, toute pleine de toi ! » (p. 82)
« Nous reconnaissons la Présence de Dieu dans un être humain que dans la mesure où (…) il devient en nous un ferment de libération parce qu’il est lui-même libéré de soi. » (p. 83)
« De là nous pouvons conclure, nous pouvons traduire que Dieu n’est connaissable réellement que dans l’histoire, par l’histoire, et en se faisant histoire. » (p. 83)
Dieu nous permet de devenir vraiment nous-même, de devenir une source
« Pour que Dieu ait une influence sur la vie, il faut qu’on l’ait rencontré dans la vie, il faut qu’il soit devenu une expérience dans la vie, il faut qu’il soit devenu une expérience de la vie, il faut que, comme Augustin, tout d’un coup, alors qu’on n’avait pas été jusqu’ici capable de se surmonter soi-même, de se libérer, de triompher de ses passions, il faut que, tout d’un coup, une lumière jaillisse au plus profond de soi, une lumière qui opère justement cette transformation, cette délivrance et cette libération de nous-mêmes. » (p. 84)
Dieu nous introduit au cœur de notre intimité
« Alors, Dieu devient une réalité incontestable. Il devient le cœur de la réalité puisque c’est lui qui nous introduit au cœur de notre intimité : si je deviens moi-même en lui, si je constate en moi cette transformation radicale, si tous mes intérêts se déplacent, s’il devient le centre de mon existence, si je respire la lumière à son contact, je ne peux plus douter de sa réalité puisque je l’éprouve à travers ma réalité! Et il devient donc alors une histoire dans mon histoire, un événement de ma vie dans ma vie, l’événement essentiel. Et c’est bien ainsi que la Révélation se présente, elle ne vient jamais au bout d’un raisonnement » (p. 84)
Quelques questions pour aller plus loin
Selon Maurice Zundel, avec la grande tradition chrétienne, l’être humain a besoin d’être sauvé, d’être libéré. En quoi consiste cette liberté à laquelle l’être humain aspire?
Qu’est-ce qui pourrait favoriser la rencontre libératrice du Dieu vivant?