Inspiré du récit d’apparition de Jésus aux disciples d’Emmaüs (Lc 24,13-35), un parcours de croissance spirituelle en 6 étapes, axé sur l’espérance.
Introduction
Parmi les récits des apparitions du Christ que nous rapportent les Évangiles, l’un des plus intéressants est sans doute celui de la rencontre avec les disciples d’Emmaüs (Lc 24,13-351). On peut facilement y retracer les étapes de notre propre cheminement spirituel en ce début du 3e millénaire où nous nous sentons souvent déroutés par la situation de l’Église et de la société.
Nous vous convions à un pèlerinage sur la route d’Emmaüs, dans l’Esprit du Ressuscité. Ce parcours comporte une introduction et 6 étapes faciles à accomplir.
« Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux »
Encore une fois, dans l’histoire du salut, nous reconnaissons l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. Jésus prend l’initiative de s’approcher, de s’intéresser à leur désarroi. Mais une chose mérite de retenir notre attention. Lorsque Jésus leur demande l’objet de leur discussion, ceux-ci s’étonnent de ce qu’il semble ignorer ce dont tout le monde parle : « Tu es bien le seul à ignorer les événements de ces jours-ci ». Mais alors qu’on s’attendrait à ce que Jésus réplique : « S’il y a quelqu’un qui est au courant, c’est bien moi », il leur demande plutôt : « Quels événements? »
Car ce qui importe, ce ne sont pas les événements tels qu’ils se sont objectivement passés, mais comment ils ont rejoints les 2 disciples dans leur réalité bien concrète. Chez Jésus, on peut véritablement parler d’empathie… de cette attitude qui consiste à entrer dans l’univers de l’autre pour communier à ce qu’il y a de plus personnel, de plus subjectif dans son expérience.
L’espérance déçue
« Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël »
Comme bien d’autres, les disciples d’Emmaüs avaient cheminé avec Jésus. Ils avaient entendu sa prédication, ils avaient été témoins de ses miracles, ils avaient assisté à ses controverses avec les docteurs de la loi. Partout, il apportait un message de liberté, de libération :
- il guérissait le jour du sabbat;
- il se laissait approcher par les lépreux;
- il allégeait les pesanteurs de la loi;
- il se faisait proche des pauvres et des petits;
- il avait accueilli le centurion et exaucé la prière d’une païenne;
- il faisait bon accueil aux publicains et aux pécheurs…
Comment n’aurait-il pas suscité une grande espérance?
Comment ne pas voir en lui Celui que les prophètes avaient annoncé?
Et voilà que ce Jésus « les chefs des prêtres et nos dirigeants l’ont livré, l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié ». Au lendemain de la passion et de la mort de Jésus, ces 2 disciples rentrent chez eux tout tristes, car leur espérance était déçue.
Et nous? Pouvons-nous revivre l’expérience des disciples d’Emmaüs, être attentif à Jésus qui chemine encore avec nous pour nous écouter et qui nous demande pourquoi nous sommes tristes, moroses, inquiets.
Soyons honnêtes : ne sommes-nous pas perplexes en voyant notre monde déchiré par de multiples conflits où les espoirs de paix sont très minces, la situation économique sans issue des pays pauvres, l’absence d’hommes politiques capables de proposer un projet stimulant? Et plus proche de nous, l’instabilité des familles où les jeunes se sentent ballottés, le nombre inquiétant de jeunes qui se suicident, l’incapacité de l’Église de trouver une parole prophétique capable de réveiller, etc.
En quoi notre monde et notre Église ont-ils besoin de guérison, de conversion, de lumière? À partir de mes tensions, de mes déceptions, de mes frustrations, de mes inquiétudes, de mes souffrances, de mes critiques, puis-je dire en quoi l’espérance que je portais a été déçue, quelle est la distance entre mes rêves et ma réalité d’aujourd’hui?
L’espérance entrevue
« des anges disent qu’il est vivant »
À un certain moment, le discours des disciples prend une autre tournure. La présence attentive de Jésus crée un climat favorable à l’émergence de souvenirs plus récents qui sont déjà signes d’espérance. « À vrai dire, nous avons été bouleversés… » Des femmes sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps et elles prétendent avoir vu des anges qui le disent vivant. Devant ce témoignage, leur 1ère réaction avait été négative : « Ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas » (Luc 24,11).
Mais comme ils le diront plus tard, une certaine sérénité tempère maintenant leur tristesse. Parce qu’ils ont pu ouvrir leur cœur en présence de quelqu’un qui les écoutait vraiment, ils se sont libérés de ce qu’ils avaient sur le cœur et ils sont devenus ouverts aux signes que Dieu leur proposait par le témoignage des femmes.
Et nous? Pouvons-nous entrevoir des signes d’espérance dans le monde et dans l’Église d’aujourd’hui? Est-ce qu’un second regard, moins superficiel, peut nous permettre de discerner la présence d’un monde en train de naître? Jean XXIII nous invitait à lire « les signes des temps ».
Au-delà de nos inquiétudes, de nos tentations de démission, de nos doutes, entendons-nous le témoignage des prophètes que Dieu nous envoie au lieu de penser qu’ils radotent? Déjà le prophète Isaïe proclamait aux désespérés de son temps : « Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas? » (Is 43,19) et l’auteur de l’Apocalypse « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5).
L’espérance proclamée
« il leur expliqua, dans toutes l’Écriture ce qui le concernait »
Jésus a écouté les disciples d’Emmaüs raconter leur désarroi et rappeler à leur mémoire le récent témoignage des femmes. Il prend la parole. Mais cette parole, il l’adresse à des hommes qui ont pris conscience de leur situation bien concrète, elle les rejoint dans leur vécu. C’est d’abord une parole d’amour pleine d’affection : « Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes! »
C’est aussi une parole d’intelligence. Il ouvre leur esprit pour les aider à relire la Parole qu’ils connaissaient bien, mais qu’ils comprenaient si mal. Pendant sa vie terrestre, combien de fois Jésus a voulu les ouvrir au mystère pascal. Les Évangiles rapportent 3 annonces de la passion. Mais leurs cœurs étaient fermés. Ils étaient incapable de s’ouvrir à la lecture inouïe et mystérieuse que Jésus faisait des prophètes. Tout ce qui nous reste de ce discours c’est la phrase centrale de cette rencontre : « Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ».
Et nous? Nous vivons un moment de l’histoire de l’Église où la Parole de Dieu nous est donnée en abondance. Mais elle ne pourra être féconde que si elle est reçue dans le concret de notre vie, non pas pour nous donner des réponses toutes faites, mais pour être « lumière pour nos pas » comme dit le Psaume 118.
Il n’est pas facile de voir mourir un monde, de voir disparaître notre monde, de nous voir déposséder, d’entendre des jugements qui mettent en relief les erreurs pour mieux occulter nos réalisations. Pour nous, il n’y a pas d’autre chemins que celui de Jésus : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas… ». La Parole de Dieu continue à proclamer l’espérance aujourd’hui et elle nous aide à saisir comment Dieu agit encore et toujours.
L’espérance vérifiée
« Jésus fit semblant d’aller plus loin »
Il y a, dans cette page d’Évangile, une petite phrase qui semble peu importante, mais qui nous révèle toute la délicatesse de Dieu : « Il fit semblant d’aller plus loin ». Pour aller de Jérusalem à Emmaüs, il faut 2 heures. Lorsqu’ils arrivent à destination, Jésus ne s’impose pas. Il laisse les disciples décider de l’inviter.
D’une certaine façon, il peut vérifier si la Parole est vraiment entrée dans leur cœur. Ils ne sont plus hypnotisés par leur désespérance car la Parole de Jésus leur a permis de mieux saisir le sens de ce qu’ils viennent de vivre. Ils ne sont plus repliés sur eux-mêmes, mais sont ouverts à l’étranger. Parce qu’ils se sont sentis vraiment accueillis, ils sont devenus capables d’accueillir à leur tour. C’est pourquoi, ils s’efforcent de le retenir : « Reste avec nous… »
Et nous? Nous avons un proverbe qui dit : « L’homme propose et Dieu dispose ». Or, dans toute l’Écriture, nous découvrons un autre visage de Dieu. Dieu n’est que proposition, jamais il ne s’impose. « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe ». Notre cheminement avec l’étranger d’Emmaüs ne vise pas seulement à nous faire entendre une parole, à nous faire mieux comprendre le sens du mystère pascal et de notre participation à ce mystère… Il faut encore mettre la Parole en pratique.
Pendant le temps pascal, nous pourrions relire les Évangiles en regardant comment Jésus se comporte avec les personnes… Parfois il accueille ceux et celles qui viennent à lui (Nicodème, le jeune homme riche, la syro-phénicienne), parfois, il prend l’initiative d’aller vers les personnes (la Samaritaine, les disciples d’Emmaüs, le lavement des pieds). A quels signes sommes-nous reconnus comme disciple du Ressuscité, comment est-il possible de vérifier que la Parole a été reçue dans nos cœurs?
L’espérance retrouvée
« Leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent »
Jésus entre dans la maison et, au moment de se mettre au table, il pose les gestes qui révèlent son identité. Comme lors de la multiplication des pains, comme à la dernière Cène, il prend le pain, dit la bénédiction, le rompt et le leur donne. C’est à ce moment-là que leurs yeux s’ouvrent, mais il disparaît aussitôt.
Soudain, ils prennent conscience de ce qu’ils viennent de vivre; ils comprennent comment la parole de Jésus a disposé leurs cœurs à lire les signes dont ils viennent d’être témoins. « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et qu’il nous faisait comprendre les Écritures? »
Et nous? Entendre la Parole de Dieu. Prendre le pain, le bénir, le rompre et le partager. Combien de fois n’avons-nous pas répété ces gestes fondamentaux au point de les avoir peut-être rendus routiniers ou banals… Le temps pascal et le pèlerinage avec Jésus sur la route d’Emmaüs nous invite à redécouvrir le mystère extraordinaire de l’Eucharistie Parole et Pain, lieu d’une rencontre vivante et créatrice avec Dieu.
Comment notre cœur peut-il devenir brûlant en entendant la Parole, comment nos yeux peuvent-ils s’ouvrir lorsque, à nouveau, les gestes de Jésus sont répétés sous nos yeux? Si chaque eucharistie nous faisait communier plus profondément à la personne de Jésus et contribuait à approfondir notre communion ecclésiale en lui…
L’espérance partagée
En arrivant à Emmaüs, les disciples s’efforcèrent de retenir Jésus qui voulait poursuivre sa route : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse ». Puis, ils ont sans doute pris le temps d’accueillir dans leur maison cet étranger si sympathique, peut-être de lui laver les pieds, et de pourvoir aux préparatifs du repas.
Quand, finalement, ils ont reconnu Jésus, le temps a passé, il fait sans doute nuit.Et voilà que sans hésitation, ils se lèvent et retournent à Jérusalem pour partager le Bonne Nouvelle avec leurs compagnons qu’ils ont laissés tristes et désemparés comme eux-mêmes.
Et nous? Dans un monde qui semble avoir besoin d’une « nouvelle évangélisation », allons-nous devenir les témoins de la Bonne Nouvelle? Partager notre espérance moins par un enseignement, si pertinent soit-il, que par un témoignage d’une « vie authentiquement chrétienne, livrée à Dieu dans une communion que rien ne doit interrompre mais également donnée au prochain avec un zèle sans limite ». C’est, disait Paul VI, le 1er moyen d’évangélisation, une proclamation silencieuse mais très forte et efficace de la Bonne Nouvelle.
-
Lc 24,13-35
24:13 Et voici que, ce même jour, deux d’entre eux se rendaient à un village du nom d’Émmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem.
24:14 Ils parlaient entre eux de tous ces événements.
24:15 Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et fit route avec eux;
24:16 mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
24:17 Il leur dit: “Quels sont ces propos que vous échangez en marchant?” Alors ils s’arrêtèrent, l’air sombre.
24:18 L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit: “Tu es bien le seul à séjourner à Jérusalem qui n’ait pas appris ce qui s’y est passé ces jours-ci!” –
24:19 “Quoi donc?” leur dit-il. Ils lui répondirent: “Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en action et en parole devant Dieu et devant tout le peuple:
24:20 comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié;
24:21 et nous, nous espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël. Mais, en plus de tout cela, voici le troisième jour que ces faits se sont passés.
24:22 Toutefois, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bouleversés: s’étant rendues de grand matin au tombeau
24:23 et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles ont même eu la vision d’anges qui le déclarent vivant.
24:24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ce qu’ils ont trouvé était conforme à ce que les femmes avaient dit; mais lui, ils ne l’ont pas vu.”
24:25 Et lui leur dit: “Esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu’ont déclaré les prophètes!
24:26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela et qu’il entrât dans sa gloire?”
24:27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait.
24:28 Ils approchèrent du village où ils se rendaient, et lui fit mine d’aller plus loin.
24:29 Ils le pressèrent en disant: “Reste avec nous car le soir vient et la journée déjà est avancée.” Et il entra pour rester avec eux.
24:30 Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna.
24:31 Alors leurs yeux furent ouverts et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible.
24:32 Et ils se dirent l’un à l’autre: “Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures?”
24:33 A l’instant même, ils partirent et retournèrent à Jérusalem; ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons,
24:34 qui leur dirent: “C’est bien vrai! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon.”
24:35 Et eux racontèrent ce qui s’était passé sur la route et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain.
TOB