Deux catéchèses sur l’Eucharistie, don du Christ à son Église : le lavement des pieds et le dernier repas.
Ces catéchèses s’inpirent notamment d’un texte du Cardinal Godfried Danneels, dans Eucharistia, Encyclopédie de l’Eucharistie, Cerf, 2000, p. 11-14.
Don du Christ à son Église
Au soir du Jeudi saint, Jésus a confié aux Douze, premier noyau de l’Église, le plus grand de ses dons, le don de sa Vie intime. Ce cadeau est donc fait à chacune des communautés chrétiennes qui se rassemblent pour faire mémoire de leur Seigneur. Quel mystère !
Une table avec le pain et le vin, une autre pour la Parole proclamée, une communauté rassemblée : Jésus et les siens prient pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Place à la contemplation : au dernier soir de sa vie, Jésus a livré son secret intime, avec les mots du cœur. Il a posé des gestes nouveaux qui sont venus jusqu’à nous, des signes qui ne cesseront de nourrir la vie des disciples tout au long de l’histoire.
Pain et coupe partagés : c’est déjà l’Église qui vit avec son Seigneur un moment d’amour intense et une grande chaleur fraternelle.
L’Eucharistie est le sacrement du Christ qui se donne en nourriture aux hommes pour les transformer en Lui-même et ainsi constituer son Corps mystique qui est l’Eglise (“mystique” ou “réel”).
Pour comprendre cela, il faut toujours revenir à ce qui a été dit précédemment : le dessein fondamental de Dieu est de s’unir tous les hommes dans l’amour et de leur faire partager sa Vie propre. Dieu a partagé notre humanité pour que nous partagions sa divinité… (François Varillon, Joie de croire, joie de vivre, Centurion 1981, p. 279-280)
Don du Christ à son Église, l’Eucharistie mérite qu’on prenne le temps d’une contemplation avec les yeux de la foi et avec un cœur rempli d’amour.
Je vous propose deux tableaux : le lavement des pieds et le dernier repas.
Suggestion pour se mettre en route
Faire silence et lire lentement le texte de Jn 13,1-20 ci-dessous. Prendre le temps de s’arrêter à ce qui touche tout particulièrement son cœur.
Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son heure était venue, l’heure de passer de ce monde au Père, lui, qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu’à l’extrême.
Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait jeté au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, la pensée de le livrer,
sachant que le Père a remis toutes choses entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il va vers Dieu,
Jésus se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge dont il se ceint. Il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint.
Il arrive ainsi à Simon-Pierre qui lui dit : “Toi, Seigneur, me laver les pieds!” Jésus lui répond: “Ce que je fais, tu ne peux le savoir à présent, mais par la suite tu comprendras.” Pierre lui dit : “Me laver les pieds à moi! Jamais!” Jésus lui répondit : “Si je ne te lave pas, tu ne peux pas avoir part avec moi.” Simon-Pierre lui dit : “Alors, Seigneur, non pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête!”
Jésus lui dit : “Celui qui s’est baigné n’a nul besoin d’être lavé, car il est entièrement pur : et vous, vous êtes purs, mais non pas tous.” Il savait en effet qui allait le livrer; et c’est pourquoi il dit : “Vous n’êtes pas tous purs.”
Lorsqu’il eut achevé de leur laver les pieds, Jésus prit son vêtement, se remit à table et leur dit : “Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous? Vous m’appelez le Maître et le Seigneur et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres; car c’est un exemple que je vous ai donné: ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi.
En vérité, en vérité, je vous le dis, un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie. Sachant cela, vous serez heureux si du moins vous le mettez en pratique.
Je ne parle pas pour vous tous; je connais ceux que j’ai choisis. Mais qu’ainsi s’accomplisse l’Écriture : Celui qui mangeait le pain avec moi, contre moi a levé le talon. Je vous le dis à présent, avant que l’événement n’arrive, afin que, lorsqu’il arrivera, vous croyiez que Je Suis. En vérité, en vérité, je vous le dis, recevoir celui que j’enverrai, c’est me recevoir moi-même, et me recevoir c’est aussi recevoir celui qui m’a envoyé.”
Lavement des pieds
Dans son Évangile, saint Jean ne parle pas de l’institution de l’Eucharistie, mais il nous introduit dans son mystère. Avec le regard de l’ami de l’Époux, il nous livre ce qui habitait le cœur de Jésus au cours de son dernier repas.
En décrivant le lavement des pieds, l’évangéliste nous présente le Christ, Maître et Seigneur, nous donnant un exemple de l’amour qui va jusqu’au bout du service. Le plus grand s’est fait le plus petit.
Le Serviteur se met à genoux devant chacun de ses disciples pour lui laver les pieds, le purifier et l’introduire dans son offrande d’Amour qu’il va vivre le lendemain. Cela veut dire qu’en chaque Eucharistie célébrée, les membres de l’assemblée sont accueillis, aimés et pardonnés par le Christ, doux et humble de cœur.
Jean semble nous dire : « Chaque fois que vous célébrez l’Eucharistie, invisiblement le Seigneur fait le tour de la table pour laver les pieds de chacun d’entre vous, à commencer par les plus petits, les pécheurs inclus. » (p. 12).
Allons-nous offrir des résistances au Seigneur qui veut nous purifier et nous manifester ce grand signe d’amour et de miséricorde? Ne l’oublions pas : « dans le lavement des pieds se révèle se révèle le profond mystère de la nature de l’amour de Dieu.
Comme Pierre en fit l’expérience, l’Église est aimée de Dieu, bien avant et au-delà de la mesure dont elle aime son Seigneur. » (p. 12). L’Eucharistie est un don reçu avant même que nous formulions notre accueil et notre reconnaissance au Seigneur. À travers elle, nous recevons grâce après grâce.
Allons un peu plus loin. L’eucharistie est davantage qu’un événement à méditer et à contempler. Elle contient une exigence sur laquelle Jésus attire notre attention : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait? (…) Si moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné un exemple pour que vous agissiez comme je l’ai fait pour vous » (Jn 13,12-15).
Toute communauté chrétienne qui célèbre l’Eucharistie doit donc s’ouvrir à une double grâce :
- celle de se laisser purifier et servir par le Seigneur;
- mais aussi de transmettre aux autres la tendresse de Jésus à travers les services même les plus simples au quotidien de la vie.
Laissons-nous vivifier par ces mots de Jean Vanier
« Quand il s’agenouille devant les pieds de ses disciples Jésus sait que le lendemain il sera mort. Mais il veut avoir un moment avec chaque disciple. Pas seulement pour dire au revoir. Il veut les toucher, toucher leurs pieds, toucher leurs corps, les toucher avec tendresse et amour. Il dit peut-être une parole à chacun, il les regarde dans les yeux. Il y a un moment de communion.
Le lavement des pieds et l’institution de l’Eucharistie sont intimement liés. Nous sommes appelés à manger le Corps du Christ pour pouvoir nous laver les pieds les uns aux autres.
C’est un moment particulier de Jésus avec ses disciples : Jésus a dû toucher ces corps avec un immense respect, avec amour et tendresse. Il leur révélait, d’une façon spéciale, son amour pour eux. Mais il leur révélait aussi que chacun d’eux était beau, choisi, et aimé, pour continuer cette mission, qui est sa mission, d’annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, la liberté aux prisonniers, pour redonner la vue aux aveugles, la liberté aux opprimés, et pour annoncer une année de grâce et de pardon.
Lorsque Jésus lave les pieds de ses disciples, il lave les pieds pour montrer que c’est leurs cœurs qu’il veut purifier. Jésus ne juge pas, il ne condamne pa ; il purifie. Il veut seulement que nous soyons un peuple de la résurrection – des personnes debout qui croient au don de Jésus pour pouvoir apporter ce don à notre monde brisé. »
(Crédit – Port St Nicolas (http://www.portstnicolas.org)
Pour un temps de prière
- Un temps de retrait silencieux, devant une icône du lavement des pieds ou devant un vase rempli d’eau et un linge bien disposé. Un cierge peut être allumé. Un chant ou une musique pourrait t’aider.
- Un temps de rumination du verset 1.
« Jusqu’à l’extrême… » Jésus se donne, sans haine et malgré elle, car il pressent ce qui va se passer au cœur de la nuit ainsi que le lendemain. L’amour est don de soi, sans espoir de retour. Jésus se présente au monde : « Faites de moi ce que vous voulez ». Son Amour sera toujours victorieux. Jésus veut montrer comment l’Amour remporte la victoire sur le mal. - Le lavement des pieds : un geste prophétique. Comme le pain et le vin, il devient le symbole de son Amour. Prends le temps d’adorer le Christ, tout-puissant et devenu rien. En chaque Eucharistie, Jésus fait pour nous un geste de service et de purification pour montrer que son Amour est toujours agissant en nous et au milieu de nous.
- Dialogue Pierre-Jésus : Prends le temps de les voir l’un devant l’autre. Pierre aime Jésus, mais pas à la manière de Jésus. Il refuse le service de l’humble amour du Christ pour lui. Il refuse l’abaissement de son Maître. Jésus lui lave les pieds pour lui permettre de rencontrer Dieu et de recevoir le salut. Se laisser laver les pieds est une condition pour avoir part avec le Christ qui veut être tout pour son disciple. Comme Pierre, il nous faut accepter que l’Amour aille jusque là pour nous. Comme Pierre, ça nous prend des années pour comprendre cela. Pierre veut comprendre tout de suite et n’accepte pas la lenteur de la grâce ou la pédagogie du temps. Cela est éclairant pour moi.
- Le geste : signe du plus grand amour. Et c’est cela que Jean veut nous faire découvrir dans toute Eucharistie célébrée.
- Pour terminer : Action de grâce, offrande, demande pardon, etc.
Dernier repas
L’importance donnée aux repas dans les Évangiles
Nous connaissons l’importance que les évangélistes donnent aux repas auxquels Jésus a participé. Ce qui est éclairant pour nous, c’est la diversité des circonstances et des personnes rencontrées par Jésus. Brièvement, rappelons que le Seigneur a été invité…
- à la table comme un ami par Marthe et Marie (Lc 10,38-39);
- à un banquet de noces à Cana, annonçant l’abondance du vin de l’Alliance nouvelle (Jn 2,1-11);
- au repas préparé par le pharisien Simon et où il a accueilli les larmes et le parfum de la pécheresse (Lc 7,36-47);
- au repas de fête de Matthieu appelé à devenir apôtre (Mt 9,9-13); et enfin, chez Zachée qui a bénéficié du salut avec toute sa maison (Lc 19,1-10).
Voilà un éclairage qu’il ne faut pas oublier en portant notre regard et notre réflexion sur le dernier repas de Jésus, où il se livre en nourriture de vie éternelle.
Le dernier repas
Matthieu, Marc et Luc nous ont transmis des témoignages clés pour nous aider à comprendre et à vivre l’Eucharistie. Jésus sait que son heure est venue et qu’il est le Maître des événements : « Combien j’ai désiré prendre ce repas de la Pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22,14).
Il fait donc préparer le repas avec un grand soin, s’occupant lui-même de certains détails, en envoyant Pierre et Jean en ville (Lc 22,7ss). Soulignons que la chambre haute recevra la communauté des Douze autour du Seigneur ce qui laisse entendre que l’Eucharistie sera toujours au cœur de l’Église.
Moment sublime, car il s’agit bien du dernier repas que Jésus va présider avec les siens. Comme l’a écrit un auteur spirituel, « on ne peut aller au-delà ni rien ajouter après l’Eucharistie; il n’est plus rien vers quoi on puisse tendre, il faut s’arrêter là. » (Nicolas Cabasilas, La vie en Christ, cerf, 1989)
Le cœur de ce repas unique réside dans les gestes de Jésus et les paroles qu’il prononce. Il prend du pain dans ses mains puis la coupe, « assumant ainsi toutes les richesses de la création. » Jésus prononce alors des paroles qui donnent le sens à ce qu’il fait : « Prenez et mangez, ceci est mon corps qui est donné pour vous. Prenez et buvez, ceci est mon sang versé pour une multitude, pour le pardon des péchés. Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22,19; Mt 26ss).
Communier à Jésus ressuscité
Voilà l’essentiel du repas : prendre, rompre, donner, manger, boire, faire mémoire de Lui. Nous n’aurons jamais fini d’approfondir le don que Jésus fait de lui-même dans l’Eucharistie qui anticipe sa mort et sa résurrection.
Tout passe trop vite dans une seule célébration! Il faut y revenir dans la méditation, dans la contemplation et dans un temps d’adoration pour que d’Eucharistie en Eucharistie, nous comprenions de quel Amour nous sommes aimés, en devenant le Corps vivant du Christ.
« L’Eucharistie est donc un repas, une nourriture prise ensemble. Aujourd’hui comme hier, Jésus nous veut autour de la même table, pour nous manifester son amitié, son désir, sa volonté d’être avec ses disciples, de partager le même pain, de boire à la même coupe.
Célébrer l’Eucharistie consiste à être ensemble à table avec Jésus. » (Carlo Marie Martini, Les sacrements, Éd. Saint-Augustin, 2003, p. 38). Pouvons-nous demeurer indifférents à l’invitation qu’il fait à son Église, tout au long des âges : « Faites ceci en mémoire de moi »?
Signe d’une vie donnée
C’était « dans la nuit où il fut livré » (1 Co 11,23-27), que Jésus prit du pain pour le rompre en signe de sa mort prochaine. Cela veut dire que le pain et la coupe révèlent tout le sens de sa vie et de sa mort. Dans le repas eucharistique, Jésus donne vraiment sa vie « pour la multitude », pour moi, pour vous. Pourquoi? « Pour le pardon des péchés ». Comme le souligne le cardinal Martini, « la dernière Cène est signe de la vie de Jésus qui, donnée pour nous jusqu’à la mort, et une vie qui toutefois ressuscitera. Jésus qui meurt, vivra, et nous aussi nous vivrons. » (Carlo Marie Martini, Les sacrements, Éd. Saint-Augustin, 2003, p. 38-39)
En conclusion
Laver les pieds de ses disciples, rompre le pain et partager la coupe de son sang, voilà ce que Jésus continue à faire dans toute communauté rassemblée en son nom, pour faire mémoire de Lui et reprendre souffle pour la mission.
À travers la personne du prêtre et l’assemblée qui célèbre avec lui, c’est vraiment Jésus qui préside, nous explique sa Parole et nous fait le don de son Amour, de sa Vie. L’eucharistie ne sera jamais un rite magique, mais une Présence qui se livre et qui s’accueille dans la foi et l’amour. Pour qu’elle produise ses fruits, il faut d’abord que nous soyons disposés à laisser le Seigneur nous aimer avec le tablier du service. Puis, communier au Christ pour apprendre à devenir frères et sœurs, responsables les uns des autres.
Prière
Donne-moi ta force pour servir
Seigneur, donne-moi des yeux pour te voir dénudé et affamé;
des oreilles, pour t’écouter criant et suppliant.
Donne-moi des mains pour te soigner, malade et emprisonné.
Donne-moi un cœur ouvert pour t’accueillir étranger et sans toit, dans la maison de la fraternité, à la table du partage.
Donne-moi l’intelligence pour construire des ponts,
un cœur pour briser les frontières
l’audace pour les dénoncer.
Donne-moi la force pour la marche,
l’appui dans les tribulations, l’intrépidité dans la prophétie.
Donne-moi le courage de raccourcir les distances,
globaliser les solidarités, rallumer les rêves,
planter des fleurs et des sourires d’un avenir d’espoir.
(Prière proposée pour la Semaine missionnaire mondiale (15-22 octobre 2006). P. José Oscar Beozzo Oscar Beozzo.