Une vie de plus en plus humaine passe par une croissance dans l’expérience d’aimer. L’amour inconditionnel en est le terme, à l’exemple de Jésus.
Introduction
Dieu est amour! Toute notre vie repose en Lui. Et cela, tant humainement que divinement. C’est dans l’Amour que nous nous accomplissons!
Il existe en réalité 4 degrés dans l’amour. Chacun de ces 4 degrés nous est disponible en dehors de Jésus. Mais ils trouvent en Lui leur plein accomplissement, tant au plan humain qu’au plan divin.
Les voici :
- Il y a d’abord l’amour charnel dès le sein maternel. Nous pouvons aussi l’appeler « amour vorace ».
- Vient ensuite l’amour attirance, non pas envers une chose, mais envers une personne. Cette 2ème étape ne nous prive pas de la première, c’est même tout le contraire.
- Avec le 3ème degré d’amour, l’amour amitié, nous entrons vraiment dans le partage d’amour. L’attirance se fait réponse active.
- Le sommet qui englobe et donne tout leur sens à ces 3 degrés d’amour, c’est l’amour oblatif, celui dont Jésus reste l’exemple suprême. Même si nous étions incroyants, ce n’est qu’en Jésus que nous pourrions atteindre un tel couronnement de tout amour humain.
Quelques pistes de réflexion vous sont proposées à la fin de chaque section.
Ai-je conscience du fait que toute vie est appelée à évoluer? Où est-ce que je me situe là-dedans?
L’amour charnel
L’amour charnel, c’est d’abord l’amour parental porté au bébé que nous avons été. Notre réponse a alors consisté à nous laisser choyer. Nous avons savouré, mais nous n’étions pas encore en mesure de répondre activement à un tel amour inconditionnel.
Jésus bébé l’a vécu tout comme chacune et chacun de nous. Tout être humain passe par ce stade. Et il est déjà dans l’amour. Oui, l’accueil de l’amour donné est une réponse d’amour.
Spirituellement, c’est pareil : sans que nous y soyons pour rien, Dieu nous aime.
La première épître de Jean nous le dit clairement : « En ceci consiste Son amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Lui qui nous a aimés… » (1 Jn 4,10)
Est-ce que je me perçois comme porté dans l’Amour sans avoir à le mériter? Comment puis-je renouveler ce sentiment le plus souvent possible?
Est-ce qu’il m’arrive de m’arrêter sur ce fait que Dieu me soutient amoureusement dans l’être, à chaque instant de ma vie? Quels moyens me donner pour y demeurer?
L’amour attirance
Nous avons une étape à franchir : c’est le passage de « l’amour vorace » à « l’amour attirance ». Dans notre vie humaine, ce passage se fait dès les premières années.
Dans la vie spirituelle, plusieurs demeurent au stade de l’amour vorace. Toute leur vie, ils sont les quémandeurs de Dieu : « Dieu, si tu m’obtiens telle faveur, je te rendrai hommage, j’irai à la messe, je ferai des sacrifices, etc.
Est-ce vraiment cela que Jésus avait en tête quand il a conseillé de demander afin de recevoir? « Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai. » (Jn 14,13)
Dans la 1ère étape de notre vie spirituelle, nous nous laissions gâter sans engagement de notre part. Mais voilà un homme qui change tout… Sa personnalité, ses idées, son action, tout de Lui nous attire. Nous misons sur Lui et il nous dit que notre engagement ne sera pas vain. Pierre a bien rendu compte de cet amour attirance quand il a répondu à Jésus : « Sans toi, où irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 7,67-69)
Humainement, nous vivons régulièrement cette étape de l’amour attirance. Une personne peut nous attirer par sa beauté, mais aussi par sa personnalité, par sa bonté, par ses convictions, par son sens du respect, etc. Avec Jésus, c’est la profondeur de l’humanité de cet homme qui nous fascine. Attirance, fascination, oui, pour un être qui transpire à ce point l’Amour divin.
Même si nous ne pouvons le voir avec les yeux du corps, il nous apparaît dans une limpidité surprenante et une cohérence exceptionnelle à travers tout le Nouveau Testament, particulièrement chez Jean et Paul, mais aussi chez Matthieu, Marc et Luc. Chaque Évangéliste met son accent propre, mais c’est toujours le même homme-Dieu qui se dévoile dans le texte : l’incarnation même de l’Amour divin.
Comment cette étape de l’attirance pour Jésus peut-elle me permettre de vivre aussi la précédente, l’abandon de l’enfant?
En quoi cette attirance pour l’homme Jésus peut-elle me rendre plus humain(e)?
L’amour amitié
Passer de l’amour attirance à l’amour amitié ne va pas de soi. Jusqu’ici, nous avions tout de même déjà fait un geste, nous nous étions engagé(e) à Sa suite, nous avions tiré des enseignements tant de Sa vie que de Ses paroles. Nous étions en train de nous préparer pour l’étape suivante : l’amour amitié.
C’est le passage qu’ont eu à opérer les disciples de Jésus. Et ce ne fut pas facile. La trahison de Judas, l’endormissement des disciples au jardin des oliviers, le reniement de Pierre, les peurs du petit reste confiné à résidence après la mort de Jésus, les doutes de Thomas ainsi que des pèlerins d’Emmaüs, toutes ces faiblesses bien humaines témoignent de la difficulté de ce 3ème passage.
L’amour amitié consiste à aimer ceux et celles qui nous sont proches. Il s’agit en somme de rendre le bien pour le bien… et parfois le bien pour un mal passager. Humainement chacune et chacun de nous connaît peut-être quelques rechutes en ce domaine.
Dans un véritable amour amitié, le pardon des offenses ne devrait-il pas commencer par les plus proches? Or combien de fois, oh faiblesse humaine!, ne voit-on pas les rancunes les plus profondes perdurer entre parents et enfants, entre mari et femme, entre frères et sœurs, entre amis de longue date? Non, l’amour amitié ne va pas de soi. Mais cette sorte d’amour doit se réaliser un jour dans notre vie, si nous voulons accéder à l’étape suivante.
C’est dans l’amour amitié que se manifeste le plus l’humanité de Jésus. Et c’est alors qu’il devient pour nous le modèle par excellence pour notre parcours d’humanisation. Jésus a tellement aimé ses disciples qu’il les a appelés, dans un élan d’amour, « mes petits enfants » (Jn 13,33), puis « désormais je vous appellerai mes amis » (15,15). Nous pouvons apprendre de lui la façon la plus humaine possible d’être présent(e) à nos amis. Présence du cœur, présence de disponibilité, présence d’humanité, finalement présence de divinité si c’est réalisé dans la foi en Jésus.
Comment pourrais-je m’exercer au pardon envers ceux qui m’aiment avant de le réaliser envers ceux qui me haïssent?
Nous aimer les uns les autres, n’est-ce pas le plus beau témoignage d’humanité accomplie? Comment profiter des occasions qui se présentent spontanément?
Quelles initiatives puis-je prendre pour le réaliser encore davantage dans ma vie de tous les jours?
L’amour oblatif
L’amour oblatif, c’est l’amour inconditionnel, celui-là même que Jésus a enseigné avec insistance. Aimer même ceux qui nous font du tort. Est-ce possible? La réponse est clairement « Oui en Jésus! ». En Jésus seulement parce qu’aucun humain ne pourrait aller jusqu’à cette limite en dehors de Lui. Parce que c’est depuis Jésus que nous savons à quel point ce dernier passage se situe dans la logique même d’une véritable humanisation.
Pourquoi la vie en société, surtout dans nos pays développés, est-elle de moins en moins humaine, sinon parce que nous n’avons pas encore compris ce que Jésus est venu nous apporter? Pourquoi l’homme est-il un loup pour l’homme, sinon parce que nous n’avons pas encore saisi ce qu’il y a de profondément humain dans le don de sa vie pour les autres?
Oui, aimer jusqu’au don de sa vie fait souvent mal. Nécessité de s’oublier quand ceux et celles que nous aimons nous le rendent par la médisance ou même la calomnie. La voie facile est disponible : répondre à la provocation par la provocation, à l’injure par l’injure, au mépris par le mépris. Nous comprenons que, divinement, Jésus nous convie à tendre l’autre joue… Mais saisissons-nous vraiment que, humainement aussi, c’est le seul parcours valable pour l’ensemble de notre vie?
Donner sans compter, cela peut se réaliser à bien des niveaux. Il n’y a pas que l’argent, Dieu merci! Une minute d’attention au problème de l’autre qui semble vouloir déverser sur nous une bile accumulée depuis des années, cela demande d’abord une prise de conscience de base : se rendre compte que l’autre est, tout comme nous, un enfant du Père qui essaie de s’en tirer dans la vie. Cela demande ensuite de se poser une question cruciale : comment Jésus réagirait-il à ma place?
C’est vital, nous ne nous trompons jamais si nous coulons notre vie dans celle de Jésus. Laisser venir à nous les petits enfants, c’est souvent :
- tolérer les intolérants;
- aimer les difficilement aimables;
- soutenir les déviants;
- supporter les insupportables.
Ce sont tous là les petits enfants dont parlait Jésus : « Quiconque accueille un petit enfant tel que lui à cause de mon Nom, c’est moi qu’il accueille » (Mt 18,5).
Donner sa vie, c’est aimer sans condition. Aimer sans préjugé, aimer sans arrière pensée, aimer parfois dans l’aridité, aimer souvent dans la souffrance, oui, mais aimer quand même. Donner sa vie, c’est aussi aimer la vie. N’y a-t-il pas plus de joie à donner qu’à recevoir?
Il n’est pas question ici de masochisme, bien au contraire. Il faut beaucoup aimer sa propre vie pour accepter de la perdre par amour. Car à chaque perte correspond un gain. Nous le constatons souvent dans la vie de tous les jours. Or combien plus pouvons-nous le réaliser dans la vie en Jésus!
À chaque jour se présentent des occasions de don :
- don d’un bonjour;
- don d’un merci,
- don d’un sourire à qui semble harassé par le poids de sa journée,
- don d’une attention passagère même à un bébé dans sa poussette,
- don à la société en nous penchant pour ramasser un déchet qui blesse le regard des autres trop pressés pour réagir positivement, etc.
Oui, tout est pour nous occasion de don.
La vie nous est donnée; à notre tour de la donner. C’est ainsi que nous développons, en Jésus, notre humanité.
Comment le don de ma vie peut-il m’apparaître comme une démarche profondément humaine?
Comment puis-je développer la conscience d’y arriver sans quitter le bonheur profond de me sentir aimé(e)?
Comment, en Jésus, puis-je arriver à me pardonner à moi-même?
Comment arriver à voir chacune et chacun des autres enfants de Dieu comme mes sœurs et mes frères?
Conclusion
Le parcours à travers les 4 degrés d’amour n’est jamais figé. Parfois le retour en arrière est une régression. Mais souvent c’est l’Esprit qui nous ramène à la 1ère étape, celle-là même qui, bébés, nous faisait crier « Maman! ».
Quant à Jésus, il est installé à demeure dans la dernière étape, celle de l’amour oblatif qui résume et condense en lui les 3 autres étapes. Nous ne pouvons à notre tour que tendre du plus profond de notre cœur à nous y installer nous aussi un jour à demeure.
Et quand nous retournons en arrière, souhaitons que ce soit dans un esprit de confiance absolue en Celui qui nous aime inconditionnellement, quels que soient nos actes, nos pensées et nos sentiments. Avec saint Paul nous pouvons affirmer sans hésiter : « Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8,38-39)
Nous pouvons parfois penser avoir quitté l’amour… l’Amour, Lui, ne nous quitte jamais.
Et avec saint Jean, nous ne répèterons jamais trop ceci : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – car nous le sommes. Si le monde ne nous connaît pas, c’est qu’il ne l’a pas connu. Bien aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jn 3, 1-2)
Nous ne pouvons présentement que pressentir ce que nous verrons alors. Mais ce dont nous pouvons déjà avoir la certitude, c’est que cette ultime réalité pourra s’appeler l’Amour.