Royaume présent – Royaume à venir

Deuxième d’une série de deux articles sur le thème du Royaume.
Parce que le rêve de Dieu pour le genre humain est incommensurablement plus grand que tout ce qui peut être réalisé de beau et de grand ici-bas, le chrétien est toujours appelé à aller vers l’avant.

Royaume en plénitude – Royaume à venir

Déjà là et pas encore

Si le Règne de Dieu a commencé à se réaliser en Jésus, il n’en demeure pas moins que sa réalisation plénière n’est pas encore accomplie : la présence du mal en notre monde nous le rappelle sans cesse.

Jésus a eu conscience, en sa personne, de la première réalisation du Royaume, signe du Règne plénier toujours à venir.

Dieu est à l’œuvre en ce monde (le Royaume est déjà là), mais le rêve de bonheur et de paix de Dieu pour ce monde est infiniment plus grand que ce que nous pouvons en observer actuellement (le Royaume plénier n’est pas encore là).

« Mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. » (1 Co 2,9)

Royaume à venir

Bon nombre de textes issus des Évangiles attestent que le Royaume plénier de Dieu est encore à venir :

Ces textes, ainsi que beaucoup d’autres, signifient que Jésus a bel et bien annoncé un Règne de Dieu plénier à venir, Règne qu’il a lui-même inauguré par sa venue.

Ni jour, ni date

Jésus se serait-il prononcé sur la date de la réalisation du Règne de Dieu dans toute sa plénitude ?

Même si certaines dénominations religieuses, les témoins de Jéhovah par exemple, essaient de prédire l’avenir à l’aide de certains textes bibliques, il faut reconnaître que leur interprétation des textes est plus que douteuse et que les faits ne leur ont pas donné raison.

De plus, d’après les évangélistes, Jésus n’a jamais précisé le temps de la venue du Règne de Dieu dans sa plénitude :

« Quant à la date de ce jour, ou à l’heure, personne ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, personne que le Père. » (Mc 13,32)

S’il fallait que ce texte ne remonte pas à Jésus lui-même, il en demeurerait quand bien même très significatif. Au fait, il nous révèlerait que les disciples ont gardé le souvenir que Jésus ne s’est pas prononcé sur la date de ce que nous appelons la « fin des temps ».

Une perspective différente du temps

Jésus ressemble beaucoup aux prophètes de l’Ancien Testament qui raccourcissaient considérablement les perspectives concernant l’avenir.

Au fait, certaines textes évangéliques suggèrent que Jésus attendait l’avènement du Royaume plénier dans un avenir assez proche :

Par ailleurs, on trouve dans les Évangiles de nettes indications que Jésus a envisagé un certain intervalle de temps avant l’arrivée de ce Royaume définitif et plénier :

La mort de Jésus liée à la venue du Règne de Dieu

L’hostilité croissance des autorités juives à l’endroit de Jésus l’a amené à considérer l’éventualité de sa mort prochaine.

Progressivement, Jésus a intégré la perspective de sa mort dans sa vision globale du Royaume; il l’a envisagée comme une sorte de crise préparatoire à la venue du Royaume plénier. Mystérieusement, la puissance de Dieu se manifesterait dans sa mort comme elle l’avait fait dans sa vie terrestre.

Étonnamment, le Royaume ne pourrait se réaliser pleinement qu’à travers cette crise à laquelle seraient associés ses disciples, comme en témoigne, entre autres, Mc 14,27 : « Il est écrit, je frapperai le pasteur et les brebis seront dispersés. »

Le message de Jésus concernant le Royaume

Fondamentalement, la prédication de Jésus concernant le Royaume pourrait se résumer en trois points :

Aspects qui se complètent ou aspects contradictoires ?

Ces trois aspects ou visions distinctes du Royaume ne sont pas contradictoires; au contraire, ils se complètent admirablement.

En effet, ces trois aspects sont à la base des appels fréquents à la conversion lancés par Jésus. Une nouvelle attitude est demandée par Jésus. Les êtres humains sont appelés à vivre de la vie même de Dieu, en véritables « fils et filles du Père », et ce faisant, à vivre à fond les valeurs qui sont gages d’humanisation et de vie en plénitude.

« Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10)

Jésus invite ainsi tout être humain à vivre l’amour fraternel, la justice, la réconciliation, le pardon, la miséricorde et la paix; autant de fruits de la communion avec Dieu.

Le Sermon sur la montage, en particulier les Béatitudes (Mt 5-7), illustre à merveille plusieurs attitudes et valeurs caractéristiques du véritable disciple du Christ.

Tout ce qui fait obstacle à l’accueil du Royaume et donc à la Vie donné par Dieu doit être éradiqué. L’être humain aspire à vivre en communion avec Dieu, à la source même de son être.

Ceux qui accueillent pleinement le Royaume optent, par le fait même, pour une certaine radicalité de vie qui s’exprime dans une éthique d’engagement inspirée par l’exemple de Jésus lui-même.

Le Royaume : point de vue des premiers chrétiens

Tous sont appelés à la vie divine

L’Église primitive a compris la résurrection du Christ comme une intervention divine destinée à faire advenir le Royaume en ce monde. Le Royaume annoncé par Jésus était d’abord une promesse de vie pleine : Dieu, en ressuscitant Jésus, lui a conféré la vie en plénitude et, par cet acte, a appelé tous les êtres humains à participer à cette Vie à laquelle ils aspirent du fond de leur être.

L’espérance du Royaume en plénitude

Si, d’une part, la résurrection du Christ a d’abord été perçue comme l’avènement du Royaume de Dieu et l’inauguration d’un temps nouveau, d’autre part, on a vite compris que ce Royaume n’était encore qu’à ses débuts.

L’espérance de la communauté primitive s’est dès lors projetée dans l’attente du Royaume en plénitude qui devait accompagner le retour du Christ à la fin des temps.

Cette espérance n’a pourtant pas détruit la conviction qu’avaient les premiers chrétiens d’être dans un temps privilégié, où les prémices du Royaume sont déjà à l’œuvre, comme un dynamisme de vie et une promesse d’un accomplissement plénier.

La présence du Christ ressuscité

La communauté des premiers chrétiens a eu tendance à personnaliser, si l’on peut dire, le concept du Royaume : il n’était plus seulement l’activité salvifique de Dieu, mais aussi la présence agissante du Christ ressuscité au sein de la communauté chrétienne.

Dans le Christ se trouvait la plénitude des biens du Royaume (cf. Col 1,19), au point que s’incorporer au Christ, c’était en même temps entrer dans le Royaume. De plus, aspirer à la plénitude du Royaume, c’était attendre avec impatience le retour glorieux du Christ à la fin des temps.

Il convient de signaler qu’une telle personnalisation du concept du Royaume n’a pas été une pure invention de l’Église primitive. Au cours de sa vie terrestre, Jésus avait relié de façon tellement étroite le Royaume à sa personne (cf. Mc 10,21-24) qu’il a été facile pour l’Église primitive d’identifier les deux.

Le Royaume : signification pour aujourd’hui

Don de Dieu aux êtres humains

Dans le Christ ressuscité, le Royaume est offert à tout être humain comme un grand projet de vie à réaliser à partir du plus profond de son être. Dieu appelle à dire « oui » au don par excellence de la Vie nouvelle offerte en Jésus-Christ. Les valeurs du Royaume correspondent aux aspirations les plus fondamentales de l’être humain et répondent à son espérance ultime de bonheur et de vie.

L’appel à une Vie autre

Le Royaume offert par Dieu a quelque chose d’entièrement neuf. Un nouvel avenir est offert aux êtres humains, infiniment plus riche que ce qui leur est possible de goûter ou de réaliser par leurs seuls moyens. Après tout, il s’agit de Dieu qui, dans la plénitude de son être infini, appelle les êtres limités que nous sommes à entrer dans sa Vie même. Il ne saurait nous offrir meilleur cadeau!

Une Vie qui n’attend pas

C’est dès maintenant que la Vie même de Dieu est offerte en Jésus-Christ. L’entrée dans le Royaume n’est pas pour demain, c’est pour aujourd’hui… si la Vie bien sûr nous intéresse!

Le passage dans cette Vie s’opère dans chaque passage, dans chaque décision où l’on prend parti pour les valeurs fondamentales qui humanisent et font vivre l’être humain. Le Royaume s’insère donc au cœur des réalités présentes. Il est dynamisme de dépassement au creux de nos vies, de nos aspirations et de nos amours.

S’engager, à la suite du Christ, à promouvoir les forces d’amour, de justice, de libération et de vie ici-bas, c’est entrer dans le Royaume, c’est-à-dire dans le dynamisme de Dieu à l’œuvre parmi nous.

Un appel à se désinstaller

Parce que le rêve de Dieu pour le genre humain est incommensurablement plus grand que tout ce qui peut être réalisé de beau et de grand ici-bas, le chrétien est toujours appelé à aller vers l’avant. Il est toujours relancé vers l’avenir en cheminant vers un idéal qu’il n’atteindra qu’en Dieu et avec Dieu.