Où se loge la catéchèse aujourd’hui ?

Dans un contexte de pluralisme religieux grandissant au Québec, l’Église est invitée à « revisiter » les sources de son identité chrétienne et à prendre résolument en main la formation catéchétique.

Le virage catéchétique

Au Québec, on a connu une révolution tranquille au plan social à compter de 1960, et une autre en catéchèse au début des années 80.

De fait, le virage catéchétique a été plus ou moins tranquille, compte tenu du lot de changements successifs apportés, sans crier gare, à l’école et à la paroisse.

Un enseignement qui manifestait des signes inquiétants

Ce virage catéchétique s’est d’abord manifesté dans le domaine de la préparation des enfants aux sacrements d’initiation. Déjà, dès les années 1980, la situation de l’enseignement religieux à l’école manifestait des signes inquiétants. Plusieurs enseignants se plaignaient du désintéressement d’un nombre croissant de parents face à la formation religieuse de leurs enfants.

En même temps, les contraintes syndicales amenaient plusieurs enseignants du secondaire formés en d’autres disciplines à donner en complément de tâche l’enseignement religieux. Au primaire, un nombre croissant d’enseignants, ayant pris leurs distances face à la foi catholique, ne prenaient plus la peine de demander à être exemptés du cours d’enseignement religieux et acceptaient de le dispenser tant bien que mal sans y mettre de convictions personnelles.

Rôle grandissant de la paroisse

Alertés de cette situation, les évêques décidaient, en 1983, de confier aux paroisses la préparation immédiate aux sacrements de l’initiation chrétienne pour en assurer la qualité. En paroisse, il s’agissait de trois ou quatre rencontres préparatoires à chacun des sacrements.

Tandis que l’école continuait à dispenser un enseignement confessionnel de la religion. Toutefois, la situation s’est aggravée au cours des années 1990. L’inculture religieuse des élèves n’a cessé d’augmenter de même que celle des jeunes enseignants.

La déconfessionnalisation du système scolaire

Un contexte nouveau a été créé par l’adoption, en juin 2000, de la loi 118. Cette loi enclenchait le processus de déconfessionnalisation du système scolaire québécois en commençant par les commissions scolaires.

Par la même occasion, on procédait à une réduction substantielle du temps alloué à l’enseignement religieux confessionnel (catholique et protestant) et à l’abolition des services d’animation pastorale scolaire.

Pour leur part, les responsables de l’Église, les communautés chrétiennes et un certain nombre de parents ont entrepris, à des rythmes divers, le rapatriement des responsabilités jusqu’alors confiées à l’école en matière d’éducation chrétienne.

L’urgence de l’éducation de la foi

C’est ainsi que s’amorça une sorte de virage catéchétique singulier dans la plupart des milieux ecclésiaux.

Il s’accompagnait de la prise de conscience grandissante qu’il était urgent d’imaginer des parcours plus longs d’éveil à la foi et de formation à la vie chrétienne pour les personnes de tous âges et non seulement pour les enfants.

Apparurent alors très tôt, dans les Églises du Québec, le besoin de personnel qualifié en matière catéchétique et le besoin d’outils de formation à la vie chrétienne.

Mais la plus grande exigence fut sans doute celle de l’accompagnement et de la formation continue des personnes appelées à intervenir auprès des enfants, des adolescents, des jeunes, des parents, des adultes et des aînés.

Un peu partout, surgirent des catéchuménats pour accueillir un nombre croissant de jeunes ou d’adultes, candidats au baptême ou à la confirmation. Ces catéchuménats exigèrent aussi des ressources qualifiées, et beaucoup d’accompagnement.

Le cours ECR

Introduction d’une approche culturelle

En 2008, un événement important est venu modifier encore plus le statu quo. Il s’agit de la décision gouvernementale de ne pas reconduire la clause dérogatoire qui protégeait le maintien dans les écoles publiques du Québec d’un cours d’enseignement religieux confessionnel.

Et, par la même occasion, on annonçait l’introduction, dès septembre 2008, du nouveau programme d’Éthique et de culture religieuse, destiné à tous les élèves du primaire et à ceux des quatre premières années du secondaire, en remplacement de l’enseignement religieux confessionnel.

Ces décisions gouvernementales achevaient d’une certaine façon le processus de la déconfessionnalisation de l’institution scolaire. Mais elles introduisaient par le biais d’une approche culturelle une orientation scolaire de plus en plus laïque.

Une Église appelée à prendre en main la catéchèse

Par la place donnée aux traditions religieuses non chrétiennes, ce nouveau programme d’Éthique et de culture religieuse constitue pour l’Église une pressante invitation à prendre résolument en main la formation catéchétique, en même temps qu’une occasion pour beaucoup à « revisiter » les sources de leur propre identité chrétienne.

On perçoit vite à ce niveau les besoins qu’éprouveront et qu’éprouvent déjà les communautés chrétiennes à relever ce nouveau défi.

Auparavant, un autre événement avait soulevé la question du pluralisme religieux dans le milieu québécois, en même temps que celle de l’« identité » chrétienne. Il s’agit de la Commission Bouchard-Taylor.

Dans une société à « laïcité ouverte », marquée par le pluralisme, quels seront les canaux de transmission « culturelle » de l’héritage chrétien? L’Église et les parents pourront-ils s’appuyer sur un tel héritage chrétien pour épauler leurs efforts d’éducation à la foi? Comment former à une pratique de l’engagement chrétien inspirée de l’Évangile, qui soit convenable dans le contexte d’une laïcité dite ouverte?

Optique du gouvernement (du Québec)

Le programme (non confessionnel) d’Éthique et de culture religieuse a comme objectif officiel « le mieux vivre ensemble » dans le Québec d’aujourd’hui. On veut, par là, amener les enfants à mieux connaître des éléments de leur tradition religieuse ainsi que celles des autres traditions religieuses présentes au Québec. On désire aussi favoriser l’épanouissement de chacun et chacune dans une société où se côtoient plusieurs valeurs et croyances. Avec ce nouveau programme, le gouvernement estime que les responsabilités distinctes de l’école et des Églises seront plus clairement situées.

Le nouveau programme porte un regard privilégié sur le patrimoine religieux de la société québécoise. En effet, il souligne de façon particulière l’importance historique et culturelle du catholicisme et du protestantisme au Québec. Il s’intéresse aussi au judaïsme, à l’islam, aux spiritualités des peuples autochtones, etc. Ce programme prétend respecter totalement la diversité des croyances, des valeurs et des différentes façons de penser.

Perspectives et questionnements

Le nouveau cours a l’avantage de s’adresser à tous les étudiants et, pour les catholiques, de présenter au moins certains aspects du catholicisme et du patrimoine religieux du Québec. De plus, il offre une vision positive de la religion. Cependant quelques questions demeurent…

Au primaire notamment, les jeunes enfants qui suivront les parcours catéchétiques en paroisse sauront-ils bien intégrer la formation catéchétique avec ce nouveau cours à l’école?

Comment les enfants vont-ils réussir à se situer dans tout cela? Qu’en sera-t-il de leur quête identitaire?

Peut-on craindre un relativisme nuisible au développement harmonieux de l’enfant? Est-ce que certaines valeurs fondatrices (démocratie, égalité homme-femme, etc.) de notre société pourraient être remises en question sous prétexte de respecter les valeurs des autres?

Est-ce que qu’un sens critique aiguisé sera cultivé afin de prévenir tout dogmatisme, quel qu’il soit?

Et que dire de la formation des professeurs où la majorité de ceux-ci sont loin d’être des experts dans une matière à la fois très vaste et très subtile?

La vigilance est donc de mise afin d’apporter des réponses adéquates à ces questions bien légitimes et ainsi effectuer les correctifs nécessaires.