La réciprocité

L’acte catéchétique se joue dans un univers relationnel. Mais prend-on suffisamment en compte qu’il suppose un rapport de réciprocité? Les réflexions de la théologienne américaine Rita Ferrone ouvrent sur des perspectives rejoignant à la fois l’expérience de l’annonce et de la réception, tout autant que celle de la communauté.

Formation et réciprocité

Lors du congrès international de la Societas Liturgica tenu à Québec en août 2015, la théologienne américaine Rita Ferrone aborda la question de la réciprocité dans la formation. Si l’objet de sa conférence concernait d’abord la liturgie, elle ne pouvait faire l’économie d’un détour par la catéchèse.

En survolant les courants majeurs développés aux États-Unis, tant en milieux catholiques que protestants, elle se référa au concept d’« écologie des institutions ». Ce dernier offre une double possibilité d’analyse.

Dans un premier temps, il permet une relecture de l’histoire de nos milieux respectifs en mettant en évidence l’interrelation étroite qui existait, dans un passé encore récent, entre école, paroisse et famille. Dans un deuxième temps, il permet de bien identifier la réciprocité comme facteur déterminant dans la transmission de l’expérience croyante.

La culture communautaire

Évidemment les milieux se sont transformés. Au Québec, « l’écologie des institutions » le confirme aisément. On a bien compris que le « catéchuménat social » dont parlait le père Joseph Colomb dans les années soixante est à mettre au chapitre des nostalgies.

Néanmoins, le concept de réciprocité demeure. Madame Ferrone en fait même un paradigme. En contexte de formation, il permet de remettre de l’avant la culture communautaire et ses nécessaires interactions.

Le directoire de la catéchèse

Par ailleurs, en resserrant sa réflexion, la conférencière quitte le terrain plus large de la communauté et des milieux pour se rapprocher du catéchète et du catéchisé. Elle aborde alors la question de l’application de la réciprocité en catéchèse.

D’entrée de jeu, elle mentionne que le Directoire général de la catéchèse, publié à Rome en 1997, énonce clairement un principe qui s’y réfère: « Dans la catéchèse, le destinataire doit pouvoir se manifester comme un sujet actif, conscient et co-responsable, et non comme un récepteur silencieux et passif. » (DGC 167).

Ainsi, de manière plus pointue, se trouve affirmé qu’au point de départ, existe une nécessaire réciprocité entre catéchète et catéchisé.

Les travaux de Sofia Cavaletti

Pour illustrer son propos, elle nous fit découvrir les travaux catéchétiques d’une Italienne, Sofia Cavaletti (1917-2001). Cette dernière a conçu un système d’éducation biblique et liturgique pour l’éducation des enfants en se référant aux intuitions de Maria Montessori. On peut penser, à titre d’exemple, à sa théorie sur tout ce qu’un enfant peut acquérir par lui-même.

Bien connue aux États-Unis sous le nom de Catechesis of the Good Shepherd (Catéchèse du Bon Pasteur), les travaux de Sofia Cavaletti ont aussi inspiré de nombreuses églises protestantes.

L’écoutant et l’annonçant

Son approche repose sur un constat. Le catéchète et le catéchisé se tiennent en toute humilité devant la Révélation. Ceux qui accueillent le kérygme, l’annonce de la Bonne Nouvelle, sont à la fois, et dans un même mouvement, « l’écoutant et l’annonçant ».

Cette perspective de réciprocité inclut même dans l’échange un troisième partenaire, Dieu lui-même. La dynamique de la réponse et de l’intervention prennent alors une tout autre dimension. Les rapports ne sont plus les mêmes.

Sofia Cavaletti constate que les catéchisés, particulièrement les jeunes enfants sont devenus ses guides, des guides exigeants et rigoureux.

L’image de la fontaine

L’expérience de la foi, comme celle des sacrements, a souvent été comparée à une fontaine. Catéchiser consiste alors à aider un enfant, un adolescent ou un adulte à s’en approcher.

La conférencière, Rita Ferrone, concluait sa communication sur la réciprocité en rappelant que la grâce d’un tel service n’est pas sans offrir à la personne qui accompagne, le privilège de s’y abreuver elle-même.

Être avec

Pour faire court, ce qui se cache sous le concept de réciprocité, ne pourrait-il pas se résumer en un « être avec », plutôt qu’en un « être au-dessus ». La porte est alors toute grande ouverte pour une réflexion en profondeur sur la réalité même de la communauté.