Eucharistie et engagement

L’eucharistie consiste à nous faire entrer dans la dynamique de la générosité où celui qui est le plus grand est celui qui donne le plus.

Une liturgie sur la place publique

« Veux-tu honorer le Corps du Christ? Ne commence pas par le mépriser quand il est nu. Ne l’honore pas ici avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre de froid et de la nudité. Car celui qui a dit : ‘Ceci est mon corps’, est le même qui a dit : ‘Vous m’avez vu affamé et vous ne m’avez pas nourri’. Quelle utilité à ce que la table du Christ soit chargée de coupes d’or, quand il meurt de faim? Rassasie d’abord l’affamé et orne ensuite sa table. Tu fabriques une coupe d’or et tu ne donnes pas une coupe d’eau. En ornant sa maison, veille à ne pas mépriser ton frère affligé : car ce temple-ci est plus précieux que celui-là… Qui pratique l’aumône exerce une fonction sacerdotale. Tu veux voir ton autel? Cet autel est constitué par les propres membres du Christ. Et le Corps du Seigneur devient pour un autel. Vénère-le. Il est plus auguste que l’autel de pierre où tu célèbres le saint Sacrifice… Et toi, tu honores l’autel qui reçoit le Corps du Christ et tu méprises celui qui est le Corps du Christ. Cet autel-là, partout il t’est possible de le contempler, dans les rues et sur les places; à toute heure tu peux y célébrer ta liturgie. » (Saint Jean Chrysostome)

« L’Évangile nous situe au centre même du débat en nous révélant que notre premier prochain, notre unique prochain, c’est Dieu, Dieu dans l’homme, Dieu dans l’univers, Dieu qui nous est confié en nous-mêmes et en chacun, Dieu nous avons à devenir la Providence dans la vie des autres comme dans la nôtre. » (Maurice Zundel, Ta parole comme une source, p. 212)

« Si ton frère devient pauvre chez toi et que les ressources lui manquent, tu le soutiendras, même si c’est un immigré ou un résident temporaire, afin qu’il puisse vivre chez toi. » (Lv 25,35)

Comme le disait Jean XXIII dans Mater et Magistra (1963), il convient de passer de l’instruction à l’action.

L’Église se doit de rappeler sans cesse aux chrétiens qu’aussi belles soient nos églises, c’est l’être humain et lui seul qui est le Temple de Dieu (« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous? » – 1 Co 3,16) et qu’à ce titre, tout ce qui blesse l’être humain blesse Dieu et ne doit donc pas nous laisser indifférents ni insouciants. Une vérité capitale et trop souvent oubliée. (Patrice Gourrier, prêtre)

Le christianisme : une mystique

Plutôt que d’être une morale imposée de l’extérieur où il suffirait de se conformer à une loi ou à un code de conduite, l’Évangile est une mystique, c’est-à-dire une prise de position par rapport à quelqu’un. Le bien c’est Quelqu’un à aimer (Maurice Zundel).

Plus précisément, le christianisme est l’invitation à la rencontre d’un amour, dans le Christ Jésus, qui nous bouleverse et nous transforme de l’intérieur, par le dedans.

Peu à peu, nous faisons le passage de la tyrannie de notre moi qui rapporte tout à soi, qui nous étouffe et étouffe l’autre, à la joie du don, et ce, à l’image du Dieu trinitaire, le Dieu de la relation et du don.

L’eucharistie au service du don

« La messe, c’est pour nous apprendre à donner » disait Maurice Zundel à de jeunes enfants. L’eucharistie consiste à nous faire entrer dans la dynamique de la générosité où celui qui est le plus grand est celui qui donne le plus :

« Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur » (Mt 20,26)

Dans une humanité qui souffre et qui lutte pour sa véritable grandeur et sa dignité, le chrétien est appelé à l’instar du Christ Jésus, animé par son Esprit, à examiner sa conscience afin de faire quelque chose de concret pour les autres. Le soin de l’être humain est même la seule manière d’aimer Dieu en vérité.

« Le principal consiste à mettre l’homme au centre de tout, et à le considérer comme le fondement, le but et le sujet de toute institution où se manifeste la vie sociale »
(Jean XXIII, 1961)

Comme le disait le prêtre Patrice Gourrier, « je rêve de célébrations qui ne se terminent pas par des annonces concernant uniquement la vie de la communauté mais qui aboutissent chaque dimanche, et tout au long de l’année, à des actions concrètes pour les hommes qui nous entourent et pour le monde où nous vivons. »

Concrètement…

« Sommes-nous prêts à soutenir financièrement des œuvres et des missions organisées en faveurs des plus pauvres?
À payer davantage d’impôts pour que les pouvoirs publics intensifient leurs efforts pour le développement?
À acheter plus cher les produits importés pour rémunérer plus justement le producteur? »
(Paul VI, Populorum Progressio, 1967)

Agir !

Si le « Royaume de Dieu est en nous » comme nous le dit le Christ Jésus (« On ne dira pas: Le voici ou Le voilà. En effet, le Règne de Dieu est parmi vous. » – Lc 17,21), ce n’est pas pour que nous le gardions jalousement, mais pour témoigner, par nos paroles, nos actes et toute notre vie, en devenant ce que Maurice Zundel appelle des « évangiles vivants ».

« Trop facile d’attendre et de compter sur les autres ou sur l’État. Sortons de cette torpeur qui nous écrase. Nous vous appelons à passer à l’acte. Pour que notre inaction ne devienne un crime contre notre humanité.
C’est quand chacun d’entre nous attend que l’autre commence qu’il ne se passe rien.
C’est quand nos voisins, nos collègues, nos amis verront que nous agissons qu’ils nous rejoindront. Faire des petites choses n’est jamais ridicule, n’est jamais inutile. Mieux vaut notre petit geste, notre petite action qu’un grand et beau rêve qui ne se réalise jamais.
C’est en agissant que nous changerons le cours des choses. Soyons exigeants avec nous-mêmes pour pouvoir exiger des autres. C’est cela la véritable solidarité. Regardons autour de nous.
Transformons ces visages anonymes de misère en femmes et hommes qui peuvent nous aider à donner un sens à notre existence. Intégrons dans notre vie quotidienne la cause des plus faibles.
Renonçons peut-être à une parcelle de confort pour faire place à ceux qui n’en ont pas.
Cela ne nous fera pas perdre la nôtre mais la rendra plus digne. »
(L’abbé Pierre, esplanade du Trocadéro, février 2004)