Dieu serait-il responsable de la souffrance ?

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En quel Dieu croyons-nous ?

Jésus n’a eu aucune connivence avec la souffrance. On ne le voit jamais, durant sa vie terrestre, envoyer une souffrance à quelqu’un. « La souffrance n’est pas pour lui une alliée, mais un adversaire. » Il n’a pas donné d’explication au mal, il n’a pas vraiment répondu à ce « pourquoi » que nous nous posons tous. Il nous a montré comment vivre la souffrance quand elle est inéluctable.

Cet article s’inspire à titre particulier de l’excellent ouvrage : Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, Cerf, 2002.

Introduction

Souvent associée avec l’idée du « Dieu tout-puissant et contrôlant » est la croyance en un « Dieu qui veut la souffrance ».

Ne dit-on pas de Dieu qu’il a un plan qui nous échappe et une sagesse qui nous dépasse? S’il a un point de vue qui nous échappe, des « pensées qui ne sont pas les nôtres » (Is 55,8), une « sagesse qui peut apparaître à nos yeux comme pure folie » (1 Cor 1,21) et qu’en plus, il est tout-puissant… ne sommes-nous pas amenés à penser que Dieu est directement ou indirectement responsable de la souffrance?

Suite à des malheurs de toutes sortes, n’entend-t-on pas souvent :

  • Sol fissuré« C’est Dieu qui l’a voulu ».
  • « C’est Dieu qui l’a permis (sous-entendu qu’il a bien voulu le permettre) ».
  • « C’est Dieu qui nous éprouve ».
  • « C’est dans le plan mystérieux de Dieu ».
  • « Celui-la, c’était son heure ».
  • « Merci Seigneur, tu m’as protégé dans cet accident » (alors qu’au même moment une autre personne est victime, donc, supposément n’ayant pas été protégée).
  • (…)

Rendre Dieu responsable de la souffrance et du mal fait partie des notions erronées souvent répandues, parfois inconscientes. Le mal, la souffrance sont là. Ils nous atteignent et il est inévitable de s’interroger. Il n’est pas rare de penser que Dieu veut la souffrance, le sacrifice de nos vies, la mort. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 38)

Notre rapport à la souffrance

Homme qui porte un fardeauS’il est vrai de dire que l’être humain grandit et se développe en surmontant des défis, en surmontant des obstacles et allant au bout de ses rêves les plus chers, il ne faut pas oublier pour autant que les spécialistes en santé mentale nous mettent en garde contre la souffrance inutile. L’être humain est appelé à la vie : il ne doit pas être complice d’une éventuelle destruction de sa personne.

Jésus n’a eu aucune connivence avec la souffrance. On ne le voit jamais, durant sa vie terrestre, envoyer une souffrance à quelqu’un. « La souffrance n’est pas pour lui une alliée, mais un adversaire. » Il n’a pas donné d’explication au mal, il n’a pas vraiment répondu à ce « pourquoi » que nous nous posons tous. Il nous a montré comment vivre la souffrance quand elle est inéluctable. Comment, en l’assumant dans la grâce et la présence de Dieu, elle deviendra une étape de maturité et mènera à la vie, à la Pâque. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 38-39)

Jésus de Nazareth et la croix

« Pas de croix quelle croix » ont déjà affirmé les tenants d’une certaine spiritualité. C’est comme si la vie humaine devait passer par l’expiation et la réparation. Prendre cette voie, c’est s’exposer à des conséquences qui pourraient être malheureuses sur les plans psychologique et spirituel.

Jésus de NazarethCombien pensent encore que Dieu a voulu la mort de Jésus pour racheter nos péchés et ont tout simplement adopté l’idée inacceptable de sacrifice humain!

La volonté de Dieu, à laquelle Jésus a adhéré de tout son être, qui rejoint son désir le plus essentiel, n’est pas qu’il soit torturé et exécuté sur une croix, mais qu’il remplisse totalement sa mission, dans son chemin d’incarnation.

À aucun moment de sa vie, Jésus n’a recherché la souffrance. Il vit pleinement ce qu’il a à vivre, il annonce ce qu’il a à annoncer, sans rien édulcorer. L’amour, la lumière ruissellent partout où il passe, le Royaume s’est approché des petits. Mais de mois en mois, la violence des pharisiens se fait de plus en plus menaçante, son message se heurte de plein fouet à la violence d’une structure religieuse.

Il fuit la persécution quand il le peut, mais il va finir par se trouver devant un événement inéluctable : un procès et une condamnation à mort. C’est une issue qu’il aurait aimé éviter, mais il fait face, il choisit d’aller au bout de sa tâche. Il ne renie rien de ce qu’il a à accomplir. Il refuse de répondre à la violence par la violence. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 39)

Jésus, Gandhi et Martin Luther King

Martin Luther King et GandhiQuand on y regarde de plus près, on peut facilement voir une similitude entre Jésus, Gandhi et Martin Luther King. Tous se sont levés contre la bêtise, l’intolérance et le pouvoir aveugle pour être la voix des sans voix.

Ils avaient un message de paix et d’amour, ils ont posé des gestes concrets de libération, mais l’histoire a montré que ça n’a pas fait l’affaire de tous si bien que les menaces de mort ne tardèrent pas à venir afin de les faire taire.

Devant les difficultés ou les menaces, le choix s’impose : soit on laisse tout tomber pour la facilité, soit l’on continue en fidélité à sa mission et à l’appel de son cœur profond, et ce, avec toutes les conséquences que cela peut comporter.

Vivre en enfant de lumière

C’est cela l’obéissance de Jésus : vivre un événement qui n’est pas de Dieu, comme un fils de Dieu, un fils de lumière, aussi intimement relié à son Père intérieur que lors du printemps de sa mission en Galilée : il va connaître une nuit, un désert, mais sa façon d’être relié au Père ne se relâchera jamais. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 40)

Lumière qui fuse à travers le verreTout nous montre que dans le plus profond de son cœur, dans la foi pure, dans ce désert intérieur, il reste uni au Père. Il ne subit pas, ce n’est pas un résigné : Ne vous y trompez pas, dit-il, ma vie on ne me l’ôte pas, je la donne de moi-même (Jn 10,18) Il transforme en don ce qui aurait pu rester contrainte insupportable, échec et catastrophe. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 41)

Par là même il nous enseigne comment choisir de vivre comme un enfant de lumière ce que nous n’aurions en aucun cas souhaité, qui nous est imposé par les circonstances, comment porter notre croix au lieu de la subir, comment prendre notre grabbat (Jn 5,8), au lieu de rester couchés dessus, comment ne pas nous enfermer dans une situation, donner sens à un événement qui en soi n’en a pas. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 41)

Jésus nous apprend à transformer le « chercher le sens » en « donner sens » (…) Le Christ nous montre que la vie peut jaillir absolument de tout. C’est le sens de la Pâque. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 41-42)

C’est l’amour qui est rédempteur

De même, « affirmer que le Christ nous rachète par ses plaies » (Es 53,5) ou par sa souffrance est un raccourci gros de dangers, notamment celui de « croire que c’est la souffrance en tant que telle qui rachète » (Xavier Thévenot, Souffrance, bonheur, éthique, p. 26)

C’est l’amour qui est rédempteur, pas la souffrance. L’important, c’est la façon de vivre l’événement : on peut le vivre comme un enfant de Dieu ou comme un orphelin.

Jésus qui réanime un enfantC’est par sa vie tout entière que Jésus nous sauve, sa naissance, sa vie à Nazareth dans le quotidien, les joies et les douleurs de sa mission publique, sa condamnation et sa mort, sa résurrection.

Il nous sauve par la façon dont il a traversé et assumé son existence comme fils de Dieu : à chaque instant de sa vie il est resté présent à l’amour du Père, empli de l’Esprit, ouvert, aimant, plein de force et de vigueur, et ce jusque dans sa mort. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 42)

La vie qui se fraye un passage

Soyons clair, nous n’avons pas à louer ou remercier Dieu pour un malheur, une maladie ou un deuil cruel, bref, toutes choses qui ne viennent pas de Dieu. Quel père ou quelle mère digne de ce nom s’évertuerait à envoyer des souffrances ou des malheurs à son enfant qu’il aime?

Comme l’aimait à dire cette grand-mère, grande femme de foi et mère de douze enfants, « le bon Dieu n’est pas un sauvage ». Vérité de La Palice? Pas si sûr que cela quand on pense à notre grande facilité de rendre Dieu responsable de tel ou tel malheur. C’est un peu comme si nous disions que Dieu était moins bon que le meilleur des êtres humains que l’on puisse rencontrer, ce qui ne fait pas de sens, quand on y pense.

Dieu n’est pas tellement Dieu parce qu’il est le plus fort disait Maurice Zundel (prêtre, mystique et théologien), mais bien parce qu’il est le meilleur.

Coucher de soleilMais au travers d’un mal, nous pouvons louer Dieu, c’est-à-dire demeurer dans la certitude qu’il est à l’œuvre au cœur même de la mort, qu’un grain de vie va jaillir peu à peu, mystérieusement, que la vie va sa frayer un passage, qu’une Pâque va survenir. (Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, p. 42-43)

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