Dieu a tout donné et dit dans le Christ

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« Pour moi, vivre c’est le christ »

Le Dieu des chrétiens laisse l’être humain libre. Il est le Dieu qui a tout donné et tout dit en son Fils. Par son Esprit, il invite l’être humain à répondre en toute liberté à son Amour.

Cet article reprend quelques idées de l’ouvrage de Rémi Brague intitulé « Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres » que nous vous conseillons grandement (Éditions Flammarion, 2008).

Dans le cinquième chapitre (« Un Dieu qui a tout dit ») de son ouvrage, Rémi Brague nous fait part de ses réflexions à propos de la Parole de Dieu, et ce, en s’inspirant à titre particulier de Saint Jean de la Croix.

Le don d’une personne

Pour Jean de la Croix, ce qui est donné dans le christianisme n’est pas une loi, « mais une personne… et qui plus est cette personne est Dieu. C’est en effet dans le Christ que Dieu nous a déjà tout dit, et n’a donc plus rien à dire. » (p. 151-152)

Jésus-ChristIl est très significatif de constater que ce qui intéresse Jean de la Croix n’est pas la religion chrétienne ou le christianisme en tant que tel, mais bien plutôt la personne du Christ. La nuance est plus qu’un simple détail…!

Pour Jean de la Croix, le chrétien est celui qui s’intéresse au Christ : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1,21) :

Si j’ai tout dit en ma Parole, qui est mon Fils, je n’en ai point d’autre que je te puisse maintenant répondre ou révéler qui soit davantage que cela; regarde-le seulement parce que je t’ai tout dit et révélé en lui. (p. 153)

Jean de la Croix ramène tout don possible au Christ. Si en lui sont inclus « tous les trésors de la divinité » (Col 2,3), c’est nécessairement en lui qu’il faudra chercher tout ce que Dieu a à donner. (p. 158)

La Parole qui se fait chair

L’identification de Jésus-Christ au verbe de Dieu, à la Parole de Dieu, est essentielle au christianisme :

« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » (Jn 1,14)

Ce verbe n’est pas n’importe quelle parole, même divine, puisqu’il est la parole par laquelle, selon le livre de la Genèse, Dieu a tout créé, et qui ne peut donc être elle-même une créature. (p. 161)

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux.
Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. (Gn 1,1-3)

Plus qu’un prophète…

Pour Jean de la Croix, le Christ n’est pas tellement quelqu’un qui porte un message que le message lui-même. Il est tout ce que Dieu dit et a à dire. (p. 161)

Jésus, Pierre et disciplesComme l’affirme Rémi Brague :

Il n’y a pas de distance entre le message et le messager, mais une parfaite identité. Ce qui est dit n’est pas seulement un ensemble de paroles, c’est une vie et une personnalité s’éclairant l’une par l’autre : la vie déroulant le choix initial de la personnalité et manifestant celle-ci, la personnalité fournissant à son tour la clef permettant de comprendre correctement le sens des gestes et même des paroles. (p. 161)

Ce que Dieu dit dans le Christ

Comme le dit l’apôtre Jean :

« Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés » (1 Jn 4,8-10a)

Ce que Dieu a dit dans le Christ, et qu’il est le seul à pouvoir dire, c’est son nom : agapè (charité, amour) (1 Jn 4,8).

Mentionnons que le Dieu-Amour est un mystère qu’on n’a jamais fini d’approfondir, car Dieu est un être personnel, et que toute personne, même une personne humaine, même la personne qui nous est la plus proche, même notre propre personne, est et demeure un mystère insondable. (p. 172)

Un Dieu qui nous cède la parole

Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. (Jn 14,23-26)

L’évangéliste Jean nous annonce la venue de l’Esprit Saint, celui qui vient après le Fils.

Or l’Esprit n’ajoute rien à Celui qui a été dit. Il ne dit rien de plus que ce que le Fils dit – en étant lui-même, et pas seulement par son « message ».

Mais, comme l’affirme Rémi Brague, l’Esprit est celui qui fait parler, qui suscite en l’homme la parole de réponse. (p. 173)

En bref, précisément parce que Dieu a tout dit en son Fils, Dieu donne la parole à l’être humain :

Tout le reste est le discours que nous avons, hommes, à composer par nos vies. Celui qui dit tout, qui abat toutes ses cartes, donne à celui qui lui fait face pleine liberté pour répondre. Il le renseigne et, du coup, le libère. (p. 173-174)

Le Dieu-Amour procure à être humain un espace de liberté. Comme le dit Rémi Brague, l’homme a pour tâche de dire tout le reste. Et le salut est qu’il en soit rendu capable. L’apparent silence de Dieu vient de ce que Dieu a dit tout ce qu’il pouvait dire, à savoir tout ce qu’il est. Il faut un silence de cette qualité pour que la parole de l’homme soit véritablement autorisée. (p. 174)

Un Dieu qui libère l’agir humain

Avec le « silence » de Dieu, silence bruissant de toute la Parole déjà dite, l’agir humain se trouve libéré. (p. 177)

Comme le dit l’Évangile, Dieu établit une relation d’amitié (alliance, amour) avec l’humanité : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn 15,15)

Or un ami… on ne cherche pas à le contrôler ni à le dominer.

Une véritable relation d’amitié permet à l’autre de se dire, de « respirer » en présence de l’autre, d’être et finalement de devenir lui-même.

Voilà pourquoi, comme le souligne Rémi Brague, la façon dont parle le Dieu des chrétiens n’aboutit en rien à faire taire l’homme, bien au contraire.

La parole divine ne remplace pas la parole humaine, elle ne la couvre pas, elle ne lui dicte pas à l’avance ce qu’il lui faudrait ressasser. Au contraire, elle la suscite comme la réponse qu’elle attend. (p. 182)

Cette manière de dire les choses à propos de l’action divine pourrait sembler toute nouvelle et même inédite, elle est pourtant dans la droite ligne de la tradition chrétienne. Prenez par exemple, la doctrine sur la Providence selon Saint Thomas d’Aquin :

Dieu donne à chaque créature tout ce dont elle a besoin pour atteindre son bien propre, mais il lui laisse choisir soi-même les voies et les moyens qui lui permettront de l’atteindre. (Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, III, 111 sq.)

Le Dieu des chrétiens laisse l’être humain libre. Il est le Dieu qui a tout donné et tout dit en son Fils. Par son Esprit, il invite l’être humain à répondre en toute liberté à son Amour.

« Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. » (Jn 10,10b)

« Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. » (1 Jn 4,7)

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