Christianisme et identité québécoise

Imprimer

Oser devenir et être chrétien

Jean-Yves Marchand propose une réflexion empreinte de lucidité et d’espérance pour l’Église au Québec. Il propose des pistes d’engagement pour une Église renouvelée.

Le présent article s’inspire à titre particulier de l’ouvrage « Christianisme et identité québécoise » de Jean-Yves Marchand, o.c.d., Bellarmin, 2008.

Se centrer sur l’essentiel

Christianisme et identité québécoiseLa ré-évangélisation du Québec ne saurait s’opérer par un retour au catholicisme d’antan. Une Église inédite est appelée à advenir. Cependant, un incontournable demeure : à l’instar des premiers chrétiens, le croyant est invité à centrer sa vie sur le seul essentiel qu’est Jésus-Christ.

Comme le disait saint Jean de la Croix,

Ne rien dire, ne rien faire, que le Christ ne puisse dire ou faire, s’il était dans l’état où je me trouve, s’il avait l’âge et la santé que j’ai.

Plus que jamais, nos contemporains recherchent des personnes vraies et enracinées :

Vous saurez l’interrogation que les incroyants posent aux chrétiens. Ils sont assez indifférents au contenu de nos réponses. Ce qu’ils essaient de percevoir c’est l’existence ou l’absence d’une relation à Dieu. Ils cherchent à voir si nous sommes « habités » par Dieu. S’ils ne trouvent qu’une doctrine, un système, des « principes », ils se détournent déçus, peut-être définitivement. Si au contraire un incroyant rencontre un chrétien chez qui il perçoit un mystère d’une autre Présence, la foi devient, pour lui, possible. (E. Joly, « Qu’est-ce que croire? », Fayard)

Devenir témoin

Ce sont les témoins, c’est-à-dire ceux qui cultivent une relation de proximité avec le Christ qui sont susceptibles d’éveiller les autres à la vie de foi : il importe d’apprendre à vivre à partir de son coeur profond, là où réside Dieu.

« La foi s’allume à la foi d’un autre comme un cierge à la flamme qui brûle déjà; et si c’est bien Dieu qui l’appelle et le fait croire en dernière analyse, il le traite comme un homme, c’est-à-dire comme un individu vivant en société et qui donc, normalement, doit s’éveiller et s’épanouir au contact d’autres hommes : il n’y a pas de pur individu, pas plus dans la vie de foi que dans la vie humaine en général. » (R. Aubert, « Le problème de l’acte de foi », Louvain, Nauwelaerts, p. 630)

« La connaissance de la révélation divine n’étant pas le résultat d’un don inné, mais d’un enseignement transmis au nom de Dieu. » (R. Aubert, op. cit., p. 456)

Nourrir sa vie de foi

Voici quelques pistes fondamentales que Jean-Yves Marchand aime à rappeler pour toute personne qui désire vivre de la vie du Ressuscité :

  • Participer à l’Eucharistie en y mettant tout son coeur : la charité du Christ transforme ceux qui désirent entrer en relation avec Lui.
  • Établir des liens personnels avec d’autres chrétiens : la vie de foi ne se vit jamais seul.
  • Être accompagné : avoir quelqu’un à qui se dire en toute franchise.
  • Se réserver un temps de prière et de méditation personnelle.
  • Chercher à faire passer la vie du Christ dans son humble quotidien.

Mentionnons que la vie de foi est une relation de confiance personnelle, d’abord avec le Christ, mais aussi avec les autres chrétiens.

Devenir chrétien, devenir humain

Quand on pense à Mère Teresa, Jean Vanier ou Père Emmet Johns pour ne citer que ceux-ci, on remarque qu’entre l’humanisme et le christianisme, la glace est mince, la frontière invisible. Pierre de Locht dans Chrétien aujourd’hui n’hésite pas à affirmer que la foi chrétienne est avant tout à propos de l’humain.

Pierre de Locht rappelle que l’attirance des disciples pour Jésus repose à titre particulier sur sa qualité humaine, son écoute, son accueil et le don de sa personne. C’est sur ce chemin d’humanité que surgit la question de la foi. Une authentique vie spirituelle est source d’humanisation.

Oser être soi-même

Pour un chrétien, être soi-même veut dire vivre sa foi de son mieux et oser dire ce qu’il pense lorsque l’occasion se présente.

Tous les membres sont, par leur vécu tout court, puis par leurs paroles et leurs initiatives, collaborateurs de la transmission de la foi. (Jean-Yves Marchand, « Christianisme et identité québécoise », Bellarmin, p. 66)

Formation et dialogue

La formation se doit d’être plus que jamais être au premier plan de tout croyant. Au fait, une ignorance religieuse est souvent à déplorer chez les chrétiens eux-mêmes. Les catholiques notamment sont invités à avoir une connaissance suffisante de leur religion afin de pouvoir dire leur foi de manière crédible et ainsi entrer dans un véritable dialogue.

« Toute approche dialogale, catholique ou pas, suppose un accueil ouvert et un respect de l’interlocuteur ou de l’idée nouvelle, à toutes les étapes qui précèdent, accompagnent et suivent l’échange. (…) Mais cela ne signifie pas que, face à autrui, les catholiques québécois doivent faire fi de ce qu’ils sont, laisse tomber leurs propres opinions, n’oser affirmer que de vagues convictions susceptibles d’être acceptées par tous, encore moins approuver n’importe quoi. Un dialogueur vrai sait parfois exiger d’être écouté. Comme les autres, les catholiques ont une manière à eux de collaborer à la construction du mieux-être d’autrui, et c’est de promouvoir énergiquement leurs propres valeurs. (Jean-Yves Marchand, op.cit., p. 101)

Créativité et intelligence

Comme le dit Jean-Claude Guillebaud, il importe d’oser une réinterprétation créatrice des textes évangéliques. L’Évangile est un trésor qu’il s’agit de traduire dans les mots et les concepts d’aujourd’hui. C’est dans la reconquête d’un langage intelligible que se joue pour beaucoup l’avenir du christianisme.

L’optimisme est de mise

Fort heureusement, l’Église est collaboratrice et non la première responsable de la transmission de la foi :

« Pour la transmission de la foi, paradoxalement, ni le messager ni le message (…) ne sont les agents principaux! » (Jean-Yves Marchand, op.cit., p. 64)

« La foi est et sera toujours d’abord suscitée par Quelqu’un d’invisible (…) qui a travaillé et travaille encore activement au coeur de chaque personne. » (Jean-Yves Marchand, op.cit., p. 65)

Ainsi, le chrétien a toutes les raisons d’être optimiste car Dieu est à l’oeuvre dans le coeur de tout être humain.

Retour en haut